“Permettez-moi de vous dire que s’il y a un chef d’Etat qui, dans le monde, n’a pas frayé avec Monsieur Kadhafi et est responsable de son départ et de ce qui lui est arrivé, je pense peut être que c’est moi” N. Sarkozy sur France Inter le 17 avril 2012
Le fact-checking s’apparente à la voiture-balai de l’interview politique. Un politique vient sur l’antenne, travestit la réalité en sa faveur – et c’est son travail. Les intervieweurs laissent filer, par ignorance ou complaisance. Et l’affaire se retrouve ensuite sur des papiers web. Les décodeurs, du Monde.fr, se sont spécialisés dans la traque aux pièces défectueuses dans l’immense usine à bobards du cirque mediatico-politique.
Oui, mais voilà : le fact-checking, c’est un coup d’épée dans l’eau. C’est la “vérité” d’après, celle qui n’a plus de connexion avec l’évènement. Lorsque l’on connaît la propension de l’électeur à voter sur des considérations émotionnelles, le fact-checking ne sert de révélateur qu’à une poignée d’initiés, qui se gausse des bévues sarkozienne.
Le fact-checking, c’est beaucoup de temps perdu, pour un résultat assez maigre. Et, quand Nicolas Sarkozy profère à peu près n’importe quoi sur des ondes nationales, il sait que l’impact de ses affirmations (quelles qu’en soient la teneur) aura bien plus de force que les démentis cliniques sur pages web. Il sait que le decorum, le contexte, l’ambiance, l’emportent sur l’analyse post mortem de ses envolées.
Si l’on considère que les journalistes présents dans le studio de France Inter ce matin-là, ne sont pas partisans, et ne cherchent pas à avantager le candidat sortant, reste l’hypothèse de la paresse. Ou de la peur. Il est d’ailleurs intéressant de noter, que les questions “sales” font maintenant l’objet de prestation de service. Sur la chaine publique, toutes les incongruités sont laissées à la discrétion, soit d’un jeune intervieweur là pour l’occasion, qui, ce matin-là, évoque après 30 minutes “les affaires”, soit à des auditeurs dits “turbulents”, soit à l’humoriste qui clôt la matinale.
La question n’est pas d’extirper la vérité. Elle n’existe surement pas. Et chaque chiffre, fait ou argument a au moins deux interprétations. Ce qui importe c’est de sortir du caractère émotionnel des péroraisons d’un invité qui raconte ce qu’il veut, comme il veut. Et pour cela, il y a une seule solution. Non pas le fact checking à froid, trois heures après l’interview. Mais le fact-checking avant interview. Ce qui implique beaucoup de travail sur l’information. Mais il parait que c’est le job d’un journaliste.
Vogelsong – 17 avril 2012 – Paris