L’hôte élyséen martèle, à qui veut l’entendre, qu’il a donné rendez-vous à la majorité silencieuse.
Mais où se tiendra ce rendez-vous ? En aurons nous la teneur de sa quintessence ? La belle convoitée sera-t-elle présente au jour dit et au lieu dit ? Va-t-elle jouer sa coquette et repousser l’amant transi ?
Qui est-elle ? A-t-elle le charme de l’Arlésienne ? A-t-on déjà entendu le timbre de sa voix ?
A-t-elle changé son statut pour devenir minorité silencieuse ou microcosme bavard ?
J’avoue qu’un tel rendez-vous se farde d’incertitudes quelque peu prépondérantes
La majorité silencieuseN’a jamais fait autant de bruitDans les voix irrévérencieusesDe ceux qui en rêvent la nuit.Elle s’émancipe des facondesHautes envolées de l’ineptiePour conserver, source fécondeLa réflexion introvertie.
C’est une femme inaliénableAux ambitions de faux marisRechignant à se mettre à tableElle crie son manque d’appétit.C’est une déesse anonymeQu’on prie au seuil du désespoirMais qui se fout des patronymesDes étiquettes et des pouvoirs.
La majorité silencieuseTaquine le gardon malinRelit les œuvres malicieusesDe d’Ormesson ou de Jardin.Se repaît des oratoriosDe Mendelssohn, Berlioz ou BachTisse l’amour sous les ormeauxOu révise à fond pour le bac.
C’est une gamine indomptableQui fait le gris de ses parentsVersatilité redoutableRefus de l’infantilisant.C’est une gueuse vaniteuseAux yeux des amants éconduitsQui laisse aux stupides pleureusesL’amère souffrance du dépit.
La majorité silencieuseFuit les débats de PujadasEt se remet, heure gracieuseUn DVD de Bartabas.Fait mijoter le plat en sauceSublimation de ses paletsSe promène à pieds dans la BeauceHume à pleins poumons les rosiers.
C’est un oiseau de plumes d’orDe toute encre à jamais gardéesPour ne lester d’aucun remordsUn vol sous seing mal accordé.C’est un zéphyr au doux murmureTrop inaudible aux grands penseursQui bruit d’indicibles censuresDans la campagne d’électeurs.
La majorité silencieuseRemplit de professions de foiL’âtre serein, flamme veilleuseEt nourrit son beau feu de bois. A la lueur de ces flammèchesLira Nothomb, Abécassis,Battra le sudoku revêcheEn sirotant thé au cassis.
C’est un éther de libertéUne invisible impertinenceC’est un parfum, un ciel d’étéUne griserie de l’enfanceC’est une grâce suspendueAu fil de notre humanitéAux urnes pleines les seins nusN’allaiteront pas nos idées…
Aux urnes pleines les seins nusNe sauraient nourrir la pensée...