François Loncle : « Il ne suffit pas de manger une brioche pour être boulanger »
Publié le 17 avril 2012 par GezaleM. François Loncle interpelle le Premier ministre surle décret n° 2012-441 relatif aux conditions particulières d'accès à laprofession d'avocat. « Publié en catimini le 3 avril dernier au Journalofficiel, ce décret institue de nouvelles passerelles vers le métier d'avocatpour « les personnes ayant exercé des responsabilités publiques lesfaisant directement participer à l'élaboration de le loi pendant huit années »,à la seule autre condition de posséder une maîtrise de droit ou un diplôme équivalent.Cette généreuse disposition s'applique, en fait, aux anciens ministres etparlementaires qui bénéficient, en outre, d'avantages supplémentairespuisqu'ils sont dispensés de « formation théorique et pratique ainsi quedu certificat d'aptitude à la profession d'avocat ». Autrement dit, lespersonnes concernées peuvent désormais revêtir la robe d'avocat sans avoirjamais suivi de formation spécifique ni passé d'examen. Cette dérogation équivautà un privilège éhonté. M. François Loncle demande au Premier ministre de luiexpliquer de quelle manière un mandat électif ou une fonction gouvernementalepourrait se substituer à un diplôme, en quoi un ministre ou un député serait suigeneris apte à exercer un métier qui requiert des compétences particulières.Si cette singulière règle était extrapolée, on pourrait imaginer que toutministre de l'Intérieur serait susceptible d'endosser l'imperméable ducommissaire Maigret, que tout secrétaire d'Etat au Commerce, à l'Artisanat etc.pourrait se transformer en philosophe voltairien, que tout ministre de la défensese verrait bombardé général, que tout ministre de la Santé pourrait revêtir lablouse blanche de chirurgien, que tout président de la Commission des affaires étrangèresdeviendrait ambassadeur. C'est carrément saugrenu: il ne suffit pas d'avoir sonpermis deconduire pour prétendre êtremécanicien, de manger une brioche pour être boulanger, de boire du vin pour êtreviticulteur, d'être député ou sénateur pour pouvoir défendre un justiciabledevant un tribunal. Ce passe-droit est indigne et méprisable: non seulement ildégrade la belle profession d'avocat, mais il accroît les risques de conflitsd'intérêt et même de trafics d'influence, alors que l'actuel président de la République,avocat lui-même, vantait une république irréprochable. Au cas où le Conseil d'Etatne souscrirait pas au recours formé par le Conseil national des barreaux (CNB)contre ce décret, il reviendrait au prochain gouvernement d'abroger un texteinique dont l'urgence ne paraît guère évidente. C'est pourquoi M. FrançoisLoncle souhaite que le Premier ministre justifie la date de publication de ce décret,à quelques semaines d'échéances électorales importantes. Il aimerait savoir siles membres du gouvernement et les députés de la majorité sortante cherchentainsi une solution préventive de reconversion professionnelle. » François LONCLEDéputé de l'Eure