Voilà trente cinq ans qu’Hélène a quitté Paris et alors qu’elle est encore dans l’avion qui la mène vers sa ville natale, elle est prise d’un léger malaise. Elle vient régler la succession de son père, disparu il y a déjà quelques années et qu’elle n’avait pas revu depuis son mariage avec un américain. Sa belle-mère est tout juste décédée elle aussi et elle doit prendre des mesures pour l’appartement dont elle hérite. Les souvenirs affluent les uns après les autres à sa conscience et ne cesseront de revenir dans chacun des pas ou des gestes qu’elle va accomplir durant ces quelques jours en France.
Cette femme retrouve avec plaisir le quartier de sa jeunesse, même s’il a bien changé, et avec une certaine angoisse ce logement où stagne encore l’odeur de la morte qu’elle a tant détestée, et qui imprègne les lieux. Le retour sur le passé rajeunit cette femme de soixante ans qui se découvre telle qu’elle était alors, jeune fille pleine de rêves, et d'illusions. Mais il ne se fait pas non plus sans mal puisqu’il lui faut également accepter de se remémorer des faits qu’elle a volontairement oubliés, dont elle a écrasé la moindre parcelle pour s’empêcher de s’ouvrir et pour se consacrer à sa nouvelle vie d’américaine, à sa fille, son mari, et la libraire qu’ils tiennent encore à ce jour.
Elle se souvient de son père, distant et avec lequel elle n’a eu que peu de contacts, même lorsqu’elle vivait encore sous le même toit. De son silence et de son air abattu, triste. Elle se souvient de sa belle-mère, cette Ida Zollmacher qu’elle trouvait absolument vulgaire, qui criait plus qu’elle ne parlait, surtout quand elle s’adressait à elle, et qu'elle a immédiatement exécrée. Elle se souvient de son fils, un gros garçon insignifiant, toujours collé aux jupes de sa mère, qui avait tous les droits et les égards alors qu’elle n’était que tolérée, et toujours critiquée. Elle se souvient de cette vie de famille morne et sans amour à laquelle elle rêvait d’échapper au plus vite. Lui reviennent en mémoire ses années d’études, et bien sûr, ses premières amours, dont elle a cru pouvoir se défaire, le bel Yvan qu’elle a tant aimé…
Mais le passé télescope le présent, occasionnant parfois un léger déplacement, comme un sentiment d’abandon, une sorte de lâcher prise pas forcément désagréable, mais un peu déstabilisant. Les fantômes rodent autour d’Hélène, et elle ne sait plus très bien où elle en est, n’arrive pas à prendre de décision quant à l’appartement, oublie de téléphoner à son mari qui commence à s’inquiéter, se sent un peu bizarre… Elle va retrouver la vieille voisine et grâce à elle, un peu du passé ressurgira, mais un passé qu’elle ignorait. Elle va également découvrir des photos qui lui révéleront des secrets que jamais elle n’avait soupçonnés.
Voici un joli texte, tout en douceur et en nuances, délicat. J’ai comme toujours aimé la plume de Marie Sizun, même si j’ai trouvé parfois ce roman un peu long. Hélène est très émouvante, mais j’ai eu l’impression parfois de tourner en rond au rythme de ses retrouvailles avec sa jeunesse envolée et je me suis de plus totalement attendue à la fin, à peu près vers le milieu du roman. J’ai par contre beaucoup aimé la récurrence du titre dans le texte, ce léger déplacement qui se produit plusieurs fois, cette sensation d’être un peu à coté des choses, pas vraiment à sa place, un peu perdu, que l’on ressent tous un jour ou l’autre.
Au final, une lecture agréable, mais qui ne sera pas impérissable.
Un roman lu par Clara, Sylire...