Comme chaque semaine ou presque, le Delanopolis vous dit en deux ou trois mots ce qu'il aime ou pas des branchitudes cultureuses parisiennes.
Au musée Cernuschi, une sublime et petite exposition sur les laques, peintures et dessins de Shibata Zeshin, artiste japonais tôt remarqué en Occident car son oeuvre fut triomphalement révélée lors des expositions universelles. Elle est un peu oubliée aujourd'hui et il n'en faut que davantage remercier les collectionneurs américains, Mr & Mrs Edson qui l'accumulent frénétiquement et les conservateurs de Cernuschi qui ont eu l'excellente idée de la montrer au public parisien. Les qualités insignes de l'art japonais : sens de l'observation, de la synthèse, maîtrise technique parfaite, capacité à saisir la vie et les choses les plus simples d'un coup de pinceau précis, humilité devant la beauté de la nature et des moindres éléments du règne animal ou végétal : tout est admirablement présent chez Zeshin. Courrez-y !
A Branly, les "Maîtres du désordre" vous attendent. Si vous arrivez à supporter le décor d'échafaudage de Brendan et Mac Farlane, qui prétendent s'inscrire par ce fatras dans la problématique de l'exposition, vous aurez du plaisir à observer les rapprochements entre des oeuvres des hautes steppes sibériennes, des jungles de Bali ou de Guinée, des plaines du Gange et des montagnes suisses. Elles ont en commun de tenter d'intercéder entre les créatures surnaturelles (un mot délaissé depuis pas mal de temps), seules à même de nous protéger des menaces du temps, de la nature et des dieux, d'un côté, et les pauvres humains de l'autre. Quand les hommes ont fini de se combattre et de s'aimer, il leur reste toujours suffisamment d'angoisse et d'énergie pour se préoccuper des puissances qui rôdent, invisibles et destructives, prêtes à les renvoyer à la vermine. L'art qui ne fait pas peur, c'est de la décoration !
Au Musée d'art moderne de la ville, vous attendent les dessins de Robert Crumb, un travail colossal, terriblement méticuleux et presque toujours corrosif. Il faudrait plusieurs jours, si vous entreprenez de tout lire, pour la visiter. Allez-y avec des provisions ! Crumb dessine excellemment et il est souvent drôle et incisif. Son message politique est déroutant pour les bien-pensants. Plutôt écolo mais la misogynie, le racisme et d'autres peurs rôdent autour du crayon de l'artiste. Crumb est un monstre sacré de la BD mondiale. Pourtant, quand on observe ce rassemblement d'une grande partie de son oeuvre, une sorte de gêne s'installe. Depuis le début des années 1970, son style n'a guère évolué et son propos pas davantage. Serait-il enfermé dans les mêmes angoisses ? C'est fort possible et c'est sans doute pour cela qu'il est venu se réfugier dans un village perdu d'une campagne française. Quand il se frotte à la Genèse, respectant scrupuleusement le texte biblique, sa machine tourne à vide. C'est de la pure illustration, fatigante à la longue et pour dire quoi exactement ?
Vous irez vous reposer cinq minutes de cette oeuvre intense et sous tension en regardant, dans d'autres salles du même musée, les grands "tableaux" de Christopher Wool, qui, dans le genre spaghettis numérisés sur fond de tâches d'encre, n'apportent pas grand chose au Schmilblick de l'art abstrait. Mais tant qu'il sera soutenu par la galerie Gagosian, les choses iront bien pour lui et il pourra être présenté comme une "figure majeure de la scène artistique internationale". A propos, avez-vous remarqué que les artistes plasticiens comme les prostitués sont "soutenus" face aux clients ?
Au cinéma, nous décommandons fortement "Battleship" et le "Choc des titans", qui n'arrivent pas à faire montre du moindre soupçon d'originalité pour renouveler le genre du film à l'antique et de celui de la "guerre des mondes". Ces pauvres Américains ne savent plus où sont leurs ennemis, c'est dur ! Et s'ils s'intéressaient un peu plus à eux-mêmes ? Allez Crumb, retourne en Amérique ça leur fera du bien !