RENAN APRESKI : Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Je reçois la candidate de Lutte ouvrière, Nathalie Arthaud.
R.A. : Heu, madame Arthaud ?
N.A. : Tais-toi, valet du capital ! Tu y passeras en premier !
R.A. : Mais enfin, madame Arthaud, qu’est-ce qui se passe ? Vous êtes plus posée, d’habitude !
N.A. : Bon, ça va, j’ai compris… Je suis pas crédible, dans ce rôle-là, c’est ça ?
R.A. : Ben…
N.A. : Oui, je sais, c’était ridicule, mais mettez-vous à ma place : il ne reste même pas une semaine avant le premier tour et je suis toujours à 1% dans les sondages ! Alors comme je n’ai plus rien à perdre, je m’inspire de la technique d’Arlette qui, elle, avait dépassé les 5% en 2002 !
R.A. : C’est vrai que ça doit être dur, de succéder à une forte personnalité comme Arlette Laguiller…
N.A. : Tu l’as dit, bouffi ! Non seulement c’est dur de succéder Arlette, mais en plus, il faut que l’ancien apparatchik du PS vienne faire une O.P.A. inamicale sur toute l’extrême-gauche française ! Comment je peux faire face, moi ?
R.A. : C’est vrai que Jean-Luc Mélenchon vous fait sérieusement de l’ombre !
N.A. : C’est quand même extraordinaire, ce type, non ? Pendant des années, il est resté fidèle à Mitterrand malgré toutes les compromissions de Tonton avec le capitalisme, il a même été ministre de Jospin, et du jour au lendemain, parce qu’il décidé de régler ses comptes avec les autres socialos, il se trouve une vocation de leader révolutionnaire ! Et tout le monde tombe dans le panneau ! C’est pas moi qui vais soutenir la comparaison, je suis qu’une petite prof de gestion !
R.A. : C’est vrai aussi, on vous reproche parfois votre ton un peu trop professoral…
N.A. : Appelle ça de la déformation professionnelle si tu veux, mais comment je peux convaincre d’abattre le capitalisme des gens qui sont déjà complètement formatés par la société de consommation ? Ils ne choisissent jamais ce qui est meilleur pour eux mais toujours ce qui est le mieux emballé, et ils font pareil pour voter ! Résultat des courses, moi, j’ai beau leur dire la vérité, ils ne m’écoutent pas parce que je leur rappelle leurs profs de quand ils étaient gamins, et Méluche, il leur dit n’importe quoi, mais tout le monde applaudit parce que c’est lui qui gueule le plus fort ! J’enseigne à Aubervilliers, je suis donc mieux placée pour connaître la vie des Français les plus pauvres que l’autre braillard qui a passé vingt ans le cul vissé sur son fauteuil de sénateur, mais j’ai l’air trop sérieuse pour être prise au sérieux ! L’important, aujourd’hui, avec les Français, c’est pas d’être un prolo, c’est de faire prolo !
R.A. : Allons, ne soyez pas amère !
N.A. : Excusez-moi, mais vous savez pas le pire ! J’ai vu plusieurs fois mes élèves voter pour élire leur délégué de classe ; et bien je peux vous dire qu’à chaque fois, le premier de la classe avait beau se présenter, c’était TOUJOURS le rigolo de service qui était élu au final ! Tou-jours ! Mais bon, c’étaient des gamins, alors je me disais naïvement, au moment où je me suis présentée aux élections, que des électeurs qui avaient tous plus de 18 ans avaient dépassé ce stade !
R.A. : Et alors ?
N.A. : Et alors, non ! Même pas ! Ils en restent là ! Du coup, je me sens doublement inutile !
R.A. : Doublement ?
N.A. : Ben oui : en tant que candidate, déjà, mais aussi en tant que prof ! À quoi ça sert qu’on se décarcasse à instruire les gens si, au final, ils ne mûrissent pas d’un pouce ? Être révolutionnaire et être prof, c’est la même chose, finalement : c’est un apostolat !
R.A. : On dirait bien, en effet ! Allez, kenavo !