Je viens un instant déposer un billet de lecture à propos d’un roman plus ancien, qui m’a été offert il y a peu, tout simplement parce que je suis devenue férue de littérature japonaise et particulièrement de Yoko Ogawa, dont je parle souvent ici.
Voici donc un recueil de sept récits, tous aussi magiques les uns que les autres, qui plonge le lecteur dans une douce quiétude.
Ainsi, l’auteur esquisse le portrait d’une jeune mère en perdition, écrivain solitaire. Pas à pas, le lecteur est invité à suivre le parcours chaotique de cette femme et apprend que seuls le désarroi et la désillusion ont jalonné sa vie. D’abord quittée par son amant, d’autres drames s’enchaîneront sans lui laisser le moindre répit. Elle perd un frère âgé de 21 ans et doit subir la dureté d’une mère austère, dénuée de la moindre émotion qui lui donne du fil à retordre.
Puis on accompagnera ses premiers balbutiements dans l’écriture à laquelle elle donnera tout ce qui lui reste de soubresaut d’énergie pour trouver la paix et l’aboutissement.
On se laisse porter par le style de l’auteur empreint de rêverie et de poésie. Avec subtilité et finesse, Y. Ogawa dévoile les tréfonds de l’âme et, de son stylo magique, elle donne aux objets une forme humaine, peut-être afin que le message soit plus lourd de sens. Ainsi elle parle d’un cartable animé d’une passion interdite pour définir un amour secret ou d’une piscine vide pour parler d’une enfance bafouée. Elle raconte les blessures intérieures, les drames larvés, les secrets enfouis, les amours intenses, les désirs partagés ou inassouvis, les frustrations et met l’humain en exergue puis lorsque celui-ci s’efface, donne aux animaux et aux objets les valeurs dont ils sont dénués, la conscience et les sentiments. L’auteur nous remue à l’intérieur, nous bouleverse, nous invite à une réflexion sur le sens de la vie, les aventures hasardeuses, les combats stériles, inaboutis.
Pour comprendre l’univers de Yoko Ogawa, il faut se laisser porter par ses mots, se réjouir de son invitation à un voyage dans le creux de l’humain et y découvrir ses richesses, ses trésors, ses failles, ses tourments aussi …
L’auteur dessine et scrute les âmes, en fait retentir l’écho, cet indispensable besoin de trouver le sens de l’existence, la vérité …
« Cela m’arrive brusquement, sans aucun signe avant-coureur, comme une crise d’asthme. Cela n’a aucun rapport avec un manque d’inspiration ou un blocage alors que le délai de remise de mon manuscrit approche. Parce que je sais bien que je ne suis pas douée pour écrire des romans. Quelle vulgaire imbécile je fais, quelle prétentieuse inculte, quelle étourdie sans principes ! J’ai blessé beaucoup de gens, je les ai lassés, j’ai trahi leurs espoirs, j’ai commis des échecs irréparables. En fin de compte, certains ont disparu sans rien dire avec beaucoup de discrétion, tandis que d’autres m’ont laissée après m’avoir décoché une dernière flèche sans chercher à dissimuler leur regard méprisant et ne se sont plus jamais manifestés. »
La bénédiction inattendue de Yoko Ogawa, éditions Actes Sud
Date de parution : 02/04/2007