Rappel des faits.
Rappelons que l’arrêté du 12 janvier avait pour objet, selon le Gouvernement, de mettre un terme à la « bulle spéculative » qui se serait formée fin 2009. En annonçant, dès l’été 2009, une baisse des tarifs d’achat, l’Etat avait sans doute lui-même contribué à la formation de ladite bulle dont les caractéristiques exactes n’ont jamais été clairement communiquées. Surtout, après fixé des tarifs élevés en 2006 et avoir encouragé fortement, au lendemain du Grenelle, les producteurs « à faire du volume », l’Etat aura démontré, par cette politique de montagnes russes ou de « stop and go », sa difficulté à anticiper correctement les évolutions de cette politique tarifaire.
Les arrêtés du 12 janvier 2010 ont entériné une baisse significative des tarifs d’achat. En outre, il prévoyait que les nouveaux tarifs s’appliquaient « aux installations dont la mise en service n'était pas intervenue à la date de publication de leur arrêté, alors que l'arrêté du 10 juillet 2006 prévoyait que les tarifs applicables à une installation étaient déterminés par la date de demande complète de contrat d'achat par le producteur »
A la suite de ces deux arrêtés du 12 janvier 2010, deux autres arrêtés, en date du 16 mars, ont apporté quelques modifications aux conditions d’application des nouveaux tarifs. Plusieurs recours ont été formés contre ces textes par des producteurs et des organisations professionnelles. Soucieux que ces recours puissent aboutir, le Gouvernement a fait en sorte que les arrêtés attaqués fassent l’objet d’une « validation législative » à l’article 88 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.
Un arrêt inattendu, important et parfois sévère
Dès lors que les dispositions des arrêtés tarifaires du 12 janvier et du 16 mars 2010 avaient été validées à l’article 88 de la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, la possibilité que les recours en annulation formés contre ces arrêtés soient accueillis favorablement par le Conseil d’Etat était devenue extrêmement réduite. Au demeurant, au lendemain du vote de la loi du 12 juillet 2010, plusieurs requérants s’étaient désistés de leur recours, ne croyant plus en leurs chances de succès.
Le fait que, malgré cette validation législative, le Conseil d’Etat consacre d’aussi longs développements aux recours et, en définitive, annule certaines dispositions de ces arrêtés pour des motifs qui sont loin d’être anecdotiques, constitue une surprise indéniable. Surtout, cet arrêt est d’une particulière importance, non pour le passé mais pour l’avenir. Le Conseil d’Etat a en effet rétablit la raison et le principe d’égalité. Cet arrêt, on le verra, n’est pas sans conséquences pour la rédaction des prochains arrêtés tarifaires. En ce sens, ce contentieux aura donc été utile.
Plus encore, outre l’annulation partielle précitée, l’arrêt du 12 avril 2012 est d’une certaine sévérité pour l’Etat :
Le Conseil d’Etat souligne que la « bulle spéculative » à laquelle le Gouvernement a souhaité mettre en terme en publiant les arrêtés litigieux a pour origine….le Gouvernement lui-même ;
Le Conseil d’Etat ne précise pas que les arrêtés attaqués ne seraient pas rétroactifs : il juge très exactement que cette rétroactivité ne peut plus être contestée devant lui depuis la validation législative opérée par la loi du 12 juillet 2010 ;
Il est démontré que le Juge administratif opère un contrôle approfondi sur les choix réalisés par le Gouvernement en matière d’obligation d’achat ;
Il est souligné, contrairement à ce que soutenait le Gouvernement que le communiqué de presse du 13 janvier 2010 comportait des « indications erronées » et qu’une circulaire ou une « note d’information » ont un caractère décisoire ;
Le Conseil d’Etat a précisé dans quelles conditions la modulation des tarifs d’achat peut être opérée sans méconnaître le principe d’égalité ;
Le Conseil d’Etat a annulé, sur le fondement du principe d’égalité, certaines dispositions des arrêtés tarifaires du 12 janvier et du 16 mars 2010.
Une validation législative légale
Quelques mois plus tard, la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, à son article opèrera une « validation législative des arrêtés tarifaires du 12 janvier et du 16 mars. Ce faisant, le législateur a inscrit dans la loi le contenu desdits arrêtés tarifaires. Or, les recours déposés devant le Conseil d’Etat étaient dirigés contre les arrêtés et ne pouvaient bien sur l’être directement contre la loi.
« Considérant que, si l'intervention de la loi a contrecarré l'espoir de certains producteurs de bénéficier, pour des projets ayant fait l'objet de demandes de contrats d'achat déposées entre le 1er novembre 2009 et le 24 mars 2010, des tarifs définis en 2006, elle n'a pas eu pour effet de supprimer ni donc de remettre en cause la substance du droit dont disposent les producteurs d'énergie radiative du soleil de bénéficier de l'obligation d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque à un tarif très supérieur à celui du marché mais seulement, pour des demandes formées au plus huit mois et demi avant son intervention, d'en aménager les modalités d'exercice en fixant ce tarif à un niveau plus adapté au coût de la production de cette électricité et à la rémunération normale des capitaux immobilisés, conformément à la volonté clairement exprimée par le législateur depuis l'intervention de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, qui a modifié les dispositions précitées de la loi du 10 février 2000 ; que les dispositions du IV de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 répondant ainsi à un impérieux motif d'intérêt général, elles n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ne peut qu'être écarté »
La validation législative des arrêtés tarifaires de janvier et mars 2010 est donc, sans surprise, jugée légale par le Conseil d’Etat au motif principal qu’elle n’a pas remis en cause le principe même de l’obligation d’achat d’électricité mais uniquement les tarifs d’achat. Le Conseil d’Etat, on le sait, veille à ne pas substituer son appréciation à celle du législateur.
Partant, il a « constaté » en rapprochant notamment la loi du 12 juillet 2010 de celle du 13 juillet 2005, que le législateur avait entendu se garder la possibilité d’articuler le niveau des tarifs d’achat avec la réalité du marché.
L’atteinte au principe de non rétroactivité…ne sera pas jugée
Le Gouvernement, parfaitement conscient de ce que le reproche tiré du caractère rétroa tif des arrêtés n’était pas sans consistance, avait alors procédé à une validation législative des arrêtés tarifaires litigieux. Plus encore – l’inquiétude du Gouvernement est donc démontrée – les auteurs de l’article 88 de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 avaient pris soin de préciser que cette validation législative devait faire échec à tout argument tiré de la rétroactivité illégale desdits arrêtés.
Partant, comme le précise bien l’arrêt rendu ce 12 avril 2010,
« Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le IV de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 a, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, validé l'arrêté du 12 janvier 2010 et l'arrêté du 15 janvier 2010 le modifiant en tant qu'ils seraient contestés par des moyens tirés de l'application immédiate de nouvelles règles tarifaires aux demandes de contrat d'achat formulées sous l'empire de l'arrêté du 10 juillet 2006 ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté du 12 janvier 2010 modifié méconnaîtrait, du fait de cette application, les principes de non-rétroactivité des actes administratifs et de sécurité juridique ne peuvent qu'être écartés »
Dès lors, le Conseil d’Etat n’a pu qu’écarter les moyens tirés de la violation des principes de non rétroactivité des actes administratifs et de sécurité juridique dès lors que le législateur lui a en quelque sorte interdit de procéder à cet examen. Rien ne permet d’affirmer qu’en l’absence de cette validation législative, le Juge n’aurait pu censurer une telle violation. A tout le moins, le Gouvernement devrait être prudent avant de recourir une nouvelle fois à un tel procédé.
Une remise en cause de certains choix du Gouvernement
Si le Conseil d’Etat n’a prononcé « qu’une » annulation partielle des arrêtés du 12 janvier et du 16 mars 2010, l’arrêt est, à plusieurs reprises, sévère pour l’Etat et la politique menée. Plusieurs arguments développés en défense par les Ministres au soutien de leurs demandes de rejet des recours ont en effet été rejetés.
En premier lieu, l’arrêt précise explicitement que le Gouvernement est responsable de la multiplication des demandes de contrats d’achat intervenue fin 2009. Les auteurs de la bulle spéculative n’étaient pas ceux désignés :
« Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que les tarifs fixés par l'arrêté du 10 juillet 2006 étaient devenus, du fait de la baisse des coûts de production, compris entre 200 et 400 euros par mégawatt heure selon le type d'installation, particulièrement attractifs et que leur révision était ainsi devenue nécessaire pour respecter l'obligation, découlant de l'article 10 de la loi du 10 février 2000, selon laquelle la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de l'obligation d'achat ne doit pas excéder une rémunération normale des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient les installations d'écouler l'intégralité de leur production à un tarif déterminé ; que l'annonce par le Gouvernement en septembre 2009 de la modification de ces tarifs à compter du début de l'année 2010 avait entraîné une multiplication des demandes de contrat d'achat, dont la puissance totale dépassait pour le seul mois de décembre 2009 cinq cent fois la puissance demandée en moyenne mensuelle au cours de l'année 2008 ; qu'il en serait résulté une charge de plusieurs centaines de millions d'euros par an pendant vingt ans, pesant uniquement et de façon indue sur les consommateurs d'électricité, qui supportent la contribution prévue à l'article 5 de la loi du 10 février 2000, y compris sur les plus démunis qui bénéficient du tarif de première nécessité »
Il convient de bien souligner ces termes : « que l'annonce par le Gouvernement en septembre 2009 de la modification de ces tarifs à compter du début de l'année 2010 avait entraîné une multiplication des demandes de contrat d'achat ». En clair, le Gouvernement a cherché à remédier à une situation qu’il a en grande partie lui-même créée. Aux termes de cet arrêt du Conseil d’Etat, une seule cause de cette « bulle spéculative » est avancée : ladite annonce gouvernementale. Une satisfaction au moins morale pour tous les producteurs de bonne foi et pourtant indûment accusés de « spéculation » au terme de ce qui s’est apparentée à une véritable campagne de dénigrement. En toute hypothèse, certains producteurs pourront sans doute être tentés de rechercher l’Etat en responsabilité.
En second lieu, on se souvient que c’est par un communiqué de presse en date du 13 janvier 2010, publié au lendemain de l’arrêté du 12 janvier 2010, que le Gouvernement avait annoncé la baisse rétroactive des tarifs d’achats.
Le Conseil d’Etat précise à son endroit que ledit communiqué de presse comportait des « indications erronées ».
« Considérant que le communiqué de presse du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer du 13 janvier 2010 présente les nouveaux tarifs d'achat de l'électricité produite à partir de la biomasse, de la géothermie et de l'énergie solaire ; que, quand bien même il comporterait des indications erronées quant aux conditions d'application dans le temps des dispositions des arrêtés du 12 janvier 2010 qui fixent les nouvelles conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil, il ne contient ni ne révèle par lui-même aucune décision (..)»
En second lieu, on se souvient aussi qu’au cours de la seule année 2010, une multitude de textes, près d’une quinzaine, ont été publiés sur la seule question des tarifs d’achat, dont des circulaires et des « notes » plus ou moins accessibles à tous les producteurs. Le droit était devenu fou. L’Etat s’en était toujours défendu en soutenant que la plupart de ces textes n’avait pas de valeur juridique mais une seule vocation d’interprétation des arrêtés précités.
Le Conseil d’Etat annule cet argument en rappelant à juste titre que ces textes avaient bien un caractère décisoire, même s’ils sont légaux.
Il en va ainsi de la circulaire du 13 avril 2010 relative aux mesures transitoires en matière de tarifs de rachat de l'électricité photovoltaïque :
« Considérant que les dispositions attaquées de cette circulaire revêtent le caractère d'instructions impératives adressées aux préfets ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les ministres défendeurs, elles sont susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir »
Il en va de même pour « la note d'information du ministère chargé de l'énergie relative à l'application des mesures transitoires applicables aux projets photovoltaïques » :
« Considérant que la note d'information relative à l'application des mesures transitoires applicables aux projets photovoltaïques commente l'arrêté du 16 mars 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, en décrivant les cas dans lesquels une installation peut bénéficier des conditions tarifaires antérieures et en comportant un certain nombre de questions et de réponses sur les mesures transitoires ; que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, ses dispositions font grief ; que la fin de non-recevoir opposée doit, par suite, être écartée »
A la suite de cet arrêt, il faut donc espérer que le droit de l’obligation d’achat gagne en rationalité et ne soit plus l’objet de textes aussi nombreux qu’incertains dans leurs supports.
La violation du principe d’égalité
Plus grave, le Conseil d’Etat annule certaines dispositions de l’arrêté du 12 janvier 2010 et de celui du 16 mars, ce qui, après la validation législative opérée par la loi du 12 juillet 2010, n’était pas acquis d’avance.
L’arrêt doit être cité complètement et non à moitié pour en saisir le sens exact :
« Considérant qu'il résulte des dispositions citées plus haut de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 que les conditions d'achat de l'électricité entrant dans le champ de l'obligation d'achat doivent prendre en compte les coûts d'investissement et d'exploitation évités par Electricité de France ou par les distributeurs non nationalisés, calculés par référence, pour Electricité de France et en vertu de l'article 5 de la même loi, aux prix de marché de l'électricité, auxquels peut s'ajouter une prime prenant en compte la contribution de la production livrée ou des filières à la réalisation des objectifs définis au deuxième alinéa de l'article 1er de la même loi, et tenant "à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie", sans que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de ces conditions d'achat excède une rémunération normale des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient ces installations d'écouler l'intégralité de leur production à un tarif déterminé ; que, dès lors que le niveau des tarifs respectait ces dispositions, les auteurs de l'arrêté attaqué pouvaient, sans porter une atteinte illégale au principe d'égalité, moduler les tarifs d'achat qu'ils fixaient en fonction de la rentabilité prévisible des installations et de leur contribution aux objectifs précités ; qu'ils pouvaient ainsi prévoir des conditions tarifaires plus avantageuses au profit des installations intégrées au bâti présentant une complexité particulière, en raison du coût plus élevé des investissements nécessaires et de celui de leur maintenance, et moduler le tarif de certaines installations en fonction de la zone géographique, du fait soit du coût de l'investissement, soit de l'ensoleillement constaté et donc des bénéfices susceptibles d'être retirés de l'installation, sans être tenus d'appliquer une telle modulation à toutes les catégories d'installations ; qu'ils pouvaient également privilégier les techniques favorisant la compétitivité de l'activité économique et la maîtrise des choix technologiques d'avenir ».
Le Conseil d’Etat rappelle donc très utilement les critères de modulation des tarifs d’achat. Il ne doit pas s’agir, pour des raisons strictement électorales, de privilégier ou de protéger telle ou telle catégorie de la population. Ce sont deux critères qui doivent justifier la modulation opérée : 1° la rentabilité prévisible des installations, 2) la contribution aux objectifs fixés par la loi, en l’occurrence du 10 février 2000.
Par voie de conséquence, la modulation du tarif d’achat en fonction uniquement de l’usage d’un bâtiment est nécessairement irrégulière :
« Considérant, toutefois, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des explications fournies par les ministres auteurs de l'arrêté à la suite de la mesure d'instruction ordonnée par la 9ème sous-section de la section du contentieux, que l'usage du bâtiment ait par lui-même une incidence sur la rentabilité prévisible des installations ou sur leur contribution aux objectifs légaux ; que, par suite, l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité en tant qu'il prévoit, au 2 de son annexe 1 et au 1.1. de son annexe 2 des conditions tarifaires plus favorables pour les systèmes installés sur la toiture de bâtiments affectés à certains usages »
A titre principal, les annexes I et II de l’arrêté du 12 janvier 2010 sont désormais ainsi rédigées.
« A N N E X E 1
TARIFS D'ACHAT
1. L'énergie active fournie par le producteur est facturée à l'acheteur sur la base des tarifs définis ci-dessous. Ils sont exprimés en c€/kWh hors TVA.
2. Pour les installations bénéficiant de la prime d'intégration au bâti situées sur un bâtiment à usage principal d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, d'enseignement ou de santé, le tarif applicable à l'énergie active fournie est égal à 58 c€/kWh.
Pour les installations bénéficiant de la prime d'intégration au bâti situées sur d'autres bâtiments, le tarif applicable à l'énergie active fournie est égal à 50 c€/kWh.
(…)
A N N E X E 2
RÈGLES D'ÉLIGIBILITÉ À LA PRIME D'INTÉGRATION
AU BÂTI ET À LA PRIME D'INTÉGRATION SIMPLIFIÉE
1. Une installation photovoltaïque est éligible à la prime d'intégration au bâti si et seulement si elle remplit toutes les conditions suivantes :
1.1. Le système photovoltaïque est installé sur la toiture d'un bâtiment clos (sur toutes les faces latérales) et couvert, assurant la protection des personnes, des animaux, des biens ou des activités. A l'exception des bâtiments à usage principal d'habitation, le système photovoltaïque est installé au moins deux ans après la date d'achèvement du bâtiment. Le système photovoltaïque est installé dans le plan de ladite toiture.
(…) »
Cette annulation partielle ne remet pas en cause, à elle seule et par elle-même, les contrats d’achat S10 au tarif de 58 c c€/kWh. En effet, sans qu'il soit besoin ici de pousser l'analyse, la remise en cause de ces contrats n’est pas automatique du fait de cette décision du Conseil d’Etat mais supposerait une décision de la part l’autorité en charge de l’obligation d’achat, ce qui est, dans la pratique, fort peu probable. La légalité de cette décision serait douteuse car, notamment, ne correspondant à aucun des cas visés, ni par le décret n°2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat, ni par les conditions générales du contrat S10.
Au demeurant, c’est bien parce que cette annulation partielle prononcée par le Conseil d’Etat est dépourvue de réelle portée pratique, que la Haute juridiction n’était pas amenée à étudier l’hypothèse d’une modulation dans le temps des effets de cette annulation contentieuse. Tel est le motif pour lequel l’arrêt précise : « Considérant que, eu égard à la portée de l'annulation prononcée par la présente décision, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'il y ait lieu d'en différer les effets ».
Précision relative à la prime d’intégration au bâti pour les installations de plus de 250 kWc
Certains producteurs s’étaient émus de n’avoir plus droit à la prime d’intégration au bâti pour des installations de plus de 250 kWc et ce, alors même que le Gouvernement avait précédemment encouragé le développement des centrales solaire sur des toitures commerciales et industrielles (magasins, entrepôts etc…).
Clarification bienvenue : l’arrêt précise que la limitation de puissance pour la prime d’intégration au bâti ne s’applique qu’aux installations pour lesquelles la demande de raccordement a été déposée après le 24 mars 2010, date d’entrée en vigueur de l’arrêté du 16 mars 2010 :
« Considérant que la prime d'intégration au bâti vise, par la majoration du tarif d'achat de l'électricité, à encourager le développement des solutions techniques permettant l'intégration la plus complète du système photovoltaïque au bâti ; que, eu égard au surcoût qu'elle engendre, il était loisible aux auteurs de l'arrêté attaqué, sans porter illégalement atteinte au principe d'égalité ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation, d'en limiter le bénéfice aux installations de puissance inférieure ou égale à 250 kilowatts crête, tandis que les installations de puissance supérieure ne pouvaient prétendre qu'au bénéfice de la prime d'intégration simplifiée, aboutissant à un tarif d'achat de 42 centimes d'euros par kilowattheure au lieu de 50 centimes ; qu'en adoptant cette disposition, les auteurs de l'arrêté n'ont pas méconnu le principe de sécurité juridique et n'ont commis ni détournement de pouvoir ni détournement de procédure »
Cette limitation de puissance ne s’appliquant qu’après l’entrée en vigueur de l’arrêté du 16 mars 2010, celui-ci ne viole pas le principe de non rétroactivité des actes administratifs :
« Considérant qu'en l'absence de disposition de l'arrêté relative aux conditions de son entrée en vigueur, la nouvelle condition de puissance ne s'applique pas, conformément à l'article 3 de l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil, aux installations qui avaient déjà fait l'objet d'une demande complète de raccordement au réseau public par le producteur à la date du 24 mars 2010, lendemain de la publication de l'arrêté attaqué au Journal officiel ; qu'il suit de là que les auteurs de l'arrêté attaqué n'ont pas méconnu le principe de non-rétroactivité des actes administratifs »
Le droit de l’Union européenne ne fixe pas les modalités de rachat de l'électricité verte
Il est intéressant de lire attentivement le considérant relatif au rejet du moyen tiré de la violation du principe de confiance légitime :
« Considérant que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par ce droit ; qu'aucun texte du droit de l'Union européenne, notamment pas la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité, n'a pour objet de régir les modalités de rachat de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe de confiance légitime doit être écarté »
Alors que l’arrêt du Conseil d’Etat sur le recours tendant à l’annulation du tarif d’achat éolien est attendu, il est intéressant de tenir compte de cette analyse selon laquelle le droit de l’Union ne comprend aucune disposition relative modalités de rachat de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables. Il convient de bien souligner que l’arrêt a ici trait aux « modalités de rachat » et non à la qualification éventuelle du dispositif de l’obligation d’achat au titre du régime des aides d’Etat.
Conclusion
En définitive, cet arrêt du Conseil d’Etat, malgré une validation législative réalisée aux termes de l’article 88 de la loi du 12 juillet 2010 comporte plusieurs enseignements importants pour l’avenir de la politique tarifaire des énergies renouvelables. Une lecture attentive de cet arrêt fort long et détaillé est donc indispensable. J’espère y avoir contribué.