Le film s’ouvre au Canada, à Toronto. Une petite famille heureuse : la mère est flic, le père avocat, leur petit garçon est un adepte du basket. Pas le temps d’en savoir plus puisque les deux derniers sont froidement abattus dans leur voiture, sous le flot des balles d’une mitraillette. Le préambule, banal sur le papier, sent bon le film d’action classique, où, ivre de vengeance, la flic endeuillée prend en chasse le meurtrier (Ignacio Rogers) de son défunt époux. C’est faux. Et c’est ce qu’il y a de plus intéressant dans ce deuxième film de Santiago Amigorena (après Quelques jours en septembre): cette volonté de remodeler les codes du revenge movie de base pour offrir un résultat inattendu. Soit une quête intérieure très atmosphérique, dans les décors naturels de l’Argentine, et, un portrait de femme, mutique, sensible, qui fait l’économie de moyens et de mots.
Pas de pathos donc dans cet Another silence, mais une aridité de chaque instant, qui utilise judicieusement l’espace. Le désert, les couleurs jaunâtres, le vent et la chaleur deviennent autant d’éléments-miroir dans lequel peut se lover le deuil de l’héroïne. Amigorena (également scénariste pour Klapisch et auteur du récent « 1978 ») préfère signifier que dire, quitte à perdre des spectateurs en route, quitte à refuser toute amabilité. Le personnage (belle interprétation de Marie-Josée Croze) demeure recroquevillé sur lui-même, gardant sous clé colère et chagrin. Pour autant, le film parvient à rendre compte de l’intériorisation du sentiment et du deuil par le biais du spectacle d’une nature, figée mais vivante, impitoyable mais salvatrice.