100 victimes possibles avec ce risque et cela devient pour nous le pire des risques, celui qui déclenche la peur la plus intense. Pourquoi ? Parce que nous serions tout particulièrement sensibles aux dangers qui peuvent tuer ou menacer un groupe de personnes comparable à la taille de notre cercle social soit environ une centaine de personnes. Cette étude, publiée le 11 avril dans la revue PLoS ONE, qui repose sur 9 expériences permettant de mieux comprendre nos réactions face aux risques, a des implications importantes pour les campagnes de sensibilisation sur des risques spécifiques, pour le grand public.
Les chercheurs, Mirta Galesic de l'Institut Max Planck (Allemagne) et Rocio Garcia-Retamero de l'Université de Grenade expliquent que le risque de perte de ce groupe social immédiat est capable de provoquer une grande détresse alors que des risques qui menacent un bien plus grand nombre de personnes, par exemple, un millier seront bien moins redoutés. Ils démontrent cette hypothèse avec 9 expériences mettant en scène des scenarii de risque différents, des mesures des niveaux de peur sur des échantillons de personnes de différents pays.
100 victimes possibles entraînent un niveau maximum de peur: Ainsi, les expériences suggèrent que la peur des risques tuant 100 personnes est plus élevée que celle de risques menaçant 10 personnes, mais qu'il n'y a pas de différence avec la crainte de risques pouvant menacer 100 à 1000 personnes (Voir schéma ci-contre). Cette configuration de la peur apparaît de façon cohérente pour plusieurs types de risques, dont celui de maladies mortelles, de séisme ou d'accident comme par exemple un dégagement de fumée toxique d'une usine, ce qui suggère que le mécanisme sous-jacent n'est lié à un type de risque particulier mais à la crainte de pouvoir perdre son cercle social.
Ces résultats ne sont pas une conséquence du manque de différenciation entre les nombres ou les ordres de grandeur, de la centaine ou du millier, ils n'ont rien à voir avec un émoussement psychophysique vis-à-vis de communautés différentes de la sienne. Car dans l'une des expérience, les chercheurs montrent que le niveau de la crainte éprouvée n'est pas associé à l'appartenance à une communauté.
Les auteurs émettent plusieurs explications possibles : Ce « modèle » pourrait avoir une origine évolutive et historique : dans l'histoire humaine ancienne, perdre son groupe ou sa caste pouvait être mortel. Aujourd'hui, les données suggèrent que les gens ont tendance à maintenir un contact actif avec pas plus de 100 à 150 personnes, c'est aussi pourquoi ce serait l'ordre de grandeur associé à une crainte maximale. Parce que nous sommes cognitivement adaptés à maintenir un contact social avec 100-150 personnes, c'est aussi l'ordre de grandeur qui peut venir à l'esprit lorsqu'on imagine « un grand groupe ». Nous pourrions également éprouver des difficultés à saisir la justification ou le sens même de groupes de personnes de plus de 100 personnes, car nous ne rencontrons que rarement autant de personnes dans la vie quotidienne. En cas de risque, nous pourrions aussi imaginer que notre propre cercle social vient d'être « rayé » et donc cette crainte maximale pourrait être une des manifestations inconsciente de notre attachement à notre cercle social.
Ces conclusions montrent aussi l'importance des environnements et des cercles sociaux dans la manière dont nous comprenons et réagissons face à un risque. Enfin, l'étude souligne l'importance de cibler et d'être cohérent avec l'environnement social pour sensibiliser au « bon niveau » aux bons risques et pouvoir obtenir des actions de prévention ou de sensibilisation un retour efficace.
Source: PLoS ONE 7 (4): e32837. doi: 10.1371/journal.pone.0032837 « The Risks We Dread: A Social Circle Account”
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