Tous les deux ou trois ans, je me replonge dans la lecture de ce livre fabuleux, consacré à Pi: le fascinant nombre Pi. Si vous ne l’avez encore jamais lu, précipitez-vous, c’est une pure merveille. C’est avant tout un livre de vulgarisation scientifique, mais qui peut être lu à plusieurs niveaux: on peut très bien aborder la lecture des premiers chapitres avec un enfant d’une dizaine d’années, pour le familiariser avec le calcul d’aires d’un cercle et l’apparition de ce nombre magique, et poursuivre la lecture des chapitres plus ardus avec un bon background de prepa.
Que trouve-ton dans ce livre de plus de 200 pages? Tout d’abord, une histoire de Pi: comment et pourquoi est-il apparu, comment les anciens l’estimaient-ils (grecs, égyptiens et même hébreux), comment son calcul s’est affiné au cours du temps. D’une approximation à 3 (comme l’atteste un passage du Livre des Rois), à 3+1/7, puis 3+177/1250, … C’est Archimède qui produira la première méthode efficace pour calculer Pi par approximations successives à l’aide de polygones, mais hélas, sans disposer de moyens de calcul modernes. Avec Jean-Paul Delahaye, on va suivre cette histoire du nombre de décimales de Pi connues dans l’antiquité, au 13e, puis au 16e siècle, avec Ludolph von Ceulen qui calculera 20, puis 34 décimales, en poussant le calcul sur la base des outils géométriques fournis par Archimède.
Mais l’approche géométrique atteint ses limites, et arrive l’ère des outils d’analyse: Wallis, Leibniz, Newton, Euler, tous s’y frottent et produisent des séries qui convergent plus ou moins rapidement vers des expressions à base de Pi. La course aux décimales progresse cependant lentement, car toutes ces formules convergent lentement, et requièrent des dizaines de calculs à effectuer à la main. Au XIXe siècle, un certain Shanks arrivera à calculer plus de 700 décimales. Son record tiendra pendant la première moitié du XXe siècle, jusqu’à l’arrive du calcul informatisé.
Car avec l’ordinateur, la puissance de calcul dont vont bénéficier les chercheurs de décimales deviendra prodigieuse. Attention, cela ne signifie pas que les calculs sont plus simples: les algorithmes utilisés au début sont quadratiques (en fonction du nombre de décimales recherchées), la progression ne peur se faire, tout d’abord, qu’assez lentement; et les calculs doivent s’effectuer avec une précision qui n’est pas celle utilisée en « standard » sur un ordinateur. Bref, ce n’est pas vraiment un travail d’amateur éclairé, et les compétences mathématiques requises sont certaines.
Vers la fin du XXe siècle, des progrès majeurs vont se produire, au niveau des algorithmes utilisés. D’algorithmes quadratiques, on passe à du nxlog(log(n)), bref, du quasi linéaire. Le million de décimales est franchi dans les années 70, le milliard dans les années 80. Puis une nouvelle découverte vient bouleverser cet univers: une formule qui permet de calculer isolément les chiffres de Pi en base multiple de 2 (mais non en base 10).
Tout cela est fort bien expliqué et documenté. Le livre date de 1997, et je ne sais pas s’il y a eu une réédition. Mais si vous avez l’occasion d’en trouver un exemplaire, précipitez-vous dessus, vous ne serez pas déçus.