"Ma petite fille, je suis contente que tu soit venue ..."
C'est avec ses mots que ma grand-mère m'avait accueillie en ce premier jour de vacances pour moi, les derniers jours chez elle pour elle. Demain la maison de retraite lui offrirait un lieu plus calme, avec des personnes de son âge, un personnel disponible pour les repas, les soins si besoin, un environnement sécurisant depuis sa récente chute, seule dans sa maison. Elle vait pris cette décision, difficilement au début car elle semblait autonome malgré son corps de nonagénaire. Elle faisait son jardin, à son rythme, partageait des gâteaux avec ses voisins plus jeunes, courait, doucement jusqu'au centre ville, revenait avec son petit plat. Sur le coin du poêle à bois, une machine d'acier et de fonte, elle se réchauffait et mitonnait les meilleurs cocottes du monde. Mais le temps la fatiguait, alors elle se sentait rassurée d'être cajolée dès demain. Elle s'habiturait à cet endroit, elle sympathiserait, elle rayonnait de ce changement positif.
Sa seule crainte, sa seule blessure, était de quitter sa maison, ses souvenirs, tant d'années qui donnaient la pâtine de cette longère.
Elles avaient été dans la chambre du fond, à l'étage, une pièce oùl'on allait juste pour prendre le linge des autres chambrettes, celles où l'on dormait les soirs de fêtes familiales. Des alcôves pleines de jeux de cache-cache, de cousines, de cousins, de parents, de souvenirs toujours. Ici chaque coin et recoin avaient son lot de sourires, de rires et de monents calmes, comme à l'adolescence, lisant seule sur le gros édredon de dentelle anglaise, un roman d'amour, le soleil frappant la vitre.
Elles entraient dans cette petite pièce, une odeur de linge, de campagne, des tomettes vernies, propres et brillantes, certaines usées par le temps. Deux larges armoires et une commode, la grand-mère se dirigea vers le deuxième tiroir.
"Je voulais te donner ceci, tu est la plus féminine de toutes les petites-filles. Ton regard a toujours brillé en regardant les magazines de mode. Petite tu dévorais le 'Elle' allongée sur le tapis du salon, des heures durant. Je te regardais, petite fille en robe fleurie, qui déjà savait choisir son noued assorti pour ses cheveux. Tu sais, j'ai toujours adoré la mode, les vêtements, malgré nos moyens parfois réduits, les moments difficiles, j'ai toujours voulu rester élégante, coquette on disait à mon époque."
Nous avons souri ensemble. Naturellement, les mêmes plis et mimiques qui avaient traversé les générations.
"Aujourd'hui, je te fais un cadeau pour ta féminité, juste pour toi. Car si petite tu m'observais derrière la porte, quand je m'habillais le matin, avec le reflet du miroir, je sais que maintenant tu as la même silhouette. Tu m'as dit aimé le style néo-rétro, alors je te donnes le plaisir de piocher dans mes dessous anciens, ceux d'une vie, ceux que je ne porterais plus, ni pour séduire, ni pour moi-même."
Dans le tiroir, sagement pliée, la lingerie s'étalait sur plusieurs époques, des combinettes en synthétiques des années 70-80, des nuisettes ou des dessous de robes, des serre-tailles de toutes les époques, des années 50 à 90. Un ensemble chantal thomass prouvait que ma Mamie avait encore eu envie de séduire à plus de soixante-dix ans, elle eut un sourire, un souvenir coquin peut-être. Des corsets , nombreux, des gainettes, de toutes matières, usées ou vieillissantes. je rêvais, elle sourait un peu plus.
"Merci" dans un flot de larmes, de bonheur, de joie.
Nylonement