La psychanalyse a perdu définitivement le combat.
Dans leurs recommandations de bonne pratique sur la prise en charge des enfants et adolescents souffrant de troubles envahissants du développement (TED), publiées jeudi 8 mars, la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) estiment impossible de conclure à “la pertinence” des interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle, qu’elles considèrent comme “non consensuelles”.
Ce point avait fait ces dernières semaines l’objet d’une intense agitation médiatique, après la publication par Libération, le 13 février, d’un article faisant état d’une version non définitive de ce rapport. A un détail près, la position de la HAS est restée inchangée, augurant sans doute une ère nouvelle dans la prise en charge de l’autisme.
Très attendu des professionnels comme des associations de familles, ce rapport, fruit d’un travail de deux ans, a mobilisé 145 experts, et a été complété par une consultation publique à laquelle ont répondu plus de 180 organisations. Définis comme un groupe hétérogène de troubles se caractérisant tous par des altérations des interactions sociales, de la communication et du langage, les TED concernaient en 2009 une personne de moins de 20 ans sur 150, soit entre 92 000 et 107 500 jeunes.
Une population à laquelle répond depuis des décennies un manque criant de diagnostic et de structures d’accueil, notamment dans le domaine éducatif.
CHANGEMENT DIPLOMATIQUE
Les recommandations de la HAS et de l’Anesm se déclinent autour d’un axe fort : “La mise en place précoce, par des professionnels formés, d’un projet personnalisé d’interventions adapté et réévalué régulièrement” pour les enfants souffrant de TED. Particulièrement préconisées “si elles sont débutées avant 4 ans et dans les trois mois suivant le diagnostic”, ces interventions seront fondées “sur une approche éducative, comportementale et développementale, en respectant des conditions de mise en œuvre ayant fait preuve de leur efficacité: utilisation d’un mode commun de communication et d’interactions avec l’enfant, équipes formées et supervisées, taux d’encadrement d’un adulte pour un enfant, rythme hebdomadaire d’au moins 20-25 heures par semaine”.
Pour la première fois en France dans le champ de la pédopsychiatrie, un texte recommande officiellement le recours intensif aux méthodes éducatives et comportementales, dont les résultats prometteurs ont été actés de longue date dans plusieurs pays occidentaux.
Autre point essentiel : l’attention portée à la place et à la singularité de la famille et de l’enfant dans l’accompagnement. Les rapporteurs recommandent par ailleurs aux parents d’être “particulièrement prudents vis-à-vis d’interventions présentées comme permettant de supprimer complètement les manifestations des TED” : aucun traitement ne permet de guérir l’autisme, ni d’en supprimer totalement les troubles.
L’approche éducative et comportementale (type ABA ou Teacch), basée sur des apprentissages répétés, fait donc désormais partie des “interventions recommandées”.
Il n’en va pas de même pour les approches psychanalytiques. “L’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle”, lit-on au chapitre des “Interventions globales non consensuelles”. Un changement diplomatique mais minime au regard de la version de février, qui ajoutait à l’appréciation “non consensuelles” celle de “non recommandées”.
“RÉACTIONS EXTRÊMEMENT PASSIONNELLES”
Face au tollé déclenché par cette version provisoire, la HAS a-t-elle tenté de ménager le milieu pédo-psychiatrique en adoucissant son propos ? “Notre objectif n’était pas d’apaiser le jeu. Nous avons pris bonne note des réactions extrêmement passionnelles qui se sont exprimées, mais nous avons décidé de ne pas modifier notre calendrier ni notre procédure”, affirme le professeur Jean-Luc Harousseau, président du collège de la HAS. Constatant que “plus de trente ans après leur introduction, ces méthodes n’ont pas fait la preuve ni de leur efficacité ni de leur absence d’efficacité”, il estime qu’il est temps que les psychiatres se remettent en question, et “acceptent une évaluation de leurs actions en fonction de critères d’efficacité sur le comportement des enfants, définis par eux et avec la coopération et l’accord des parents”.
Reste le packing, technique d’enveloppements humides réservés aux cas d’autisme les plus sévères, contre laquelle la plupart des associations de parents s’élèvent violemment depuis des années. Sans grande surprise, la HAS et l’Anesm, “en l’absence de données relatives à son efficacité ou à sa sécurité”, se déclarent “formellement opposées à l’utilisation de la pratique du packing”. A l’exception des essais cliniques autorisés et “respectant la totalité des conditions définies par le Haut Conseil de la santé publique”, dont l’un est en cours au CHRU de Lille.
>>> Lire notre reportage à Lille, “Une mère, deux enfants, une bataille sans fin”.
Références: Catherine Vincent, lemonde.fr