On avait quelque peu perdu de vue les Crusaders depuis le début du Super Rugby. Il faut dire que les Néo-Zélandais nous ont toujours habitué à bien mieux en ouverture de saison. Cette année, les Crusaders n’ont jamais dépassé la 6ème place au classement, cette place étant la dernière pour espérer la qualification. Non les Crusaders ont toujours flirté avec le wagon des six sans jamais s’y installer sereinement alors qu’ils trustent habituellement les toutes premières places du championnat. Ils avaient terminé la saison régulière l’an passé à une belle 3ème place en obtenant notamment la meilleure différence de points. A la veille de ce choc, les Crusaders ne pointaient qu’à une 7ème place. Trop peu pour une équipe de cette trempe, qui plus est finaliste l’an passé.
Bryan Habana et les Stormers n’ont rien pu faire face aux Crusaders, ils encaissent leur première défaite de la saison - Crédits: Jordi Matas (Demotix)
On pouvait effectivement parler de choc avant cette rencontre. Crusaders-Stormers, c’est devenu depuis quelques années un des plus belles affiches que nous offrent le Super 15, c’était du moins LE match du week-end aux antipodes. Stormers-Crusaders, ce n’était pas moins que l’une des deux demi-finales de l’année passée où les Néo-Zélandais avaient déjà eu raison des Sud-Africains 29-10 en les battant sur leurs terres de Cape Town. Comprenez alors toute l’excitation autour de cette rencontre et la volonté de revanche pour les coéquipiers de Jean de Villiers. Puis quand les Crusaders, éternels candidats au titre affrontent les leaders, invaincus depuis le début de saison, ça ne peut que faire des étincelles.
Affiche certes alléchante, nous n’avons pas moins assisté à un petit événement sur la planète Super 15, la première défaite des Stormers en 7 matchs joués. En effet, les joueurs d’Alistair Coetzee étaient depuis le début du Super 15 hauts perchés sur leurs nuages. Avec seulement une moyenne de 13.8 points encaissés par match, toutes les équipes les ayant affrontés se sont heurtés au mur sud-africain. Ce fut – notamment – le cas des Bulls (20-17) et des Highlanders (21-6), à Dunedin. Autant dire que les Crusaders s’avaient à quoi s’attendre, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont clairement répondu présent.
Kieran Read, nouveau capitaine en l'absence de Richie McCaw
Alors que l’on s’attendait plus à quelque chose se rapprochant d’une orgie de jeu, cette rencontre fut marquée par les jeux au pied à répétition des deux équipes. Pas moins de 32 coups de pieds ont été tapés par les Crusaders et presque autant pour les Stormers (31) à la 55ème minute. Chaque équipe voulait à tout pris privilégier l’occupation du camp adverse, en vain (ou presque), car l’occupation sur l’ensemble de la rencontre s’est avérée sensiblement égale de chaque côté. Cela nous aura au moins permis d’apprécier les beaux coups de tatanes de Joe Pietersen côté Stormers et bien sûr de Dan Carter côté Crusaders. Si les deux franchises ont tentés d’écarter sur les extérieurs pour écarter la défense, le jeu s’est le plus souvent limiter à un affrontement entre les deux packs. Et à ce petit jeu là, ce sont les Crusaders qui ont pris le dessus, clairement. Dans le sillage d’un Kieran Read, excellent (avec 5 belles prises en touche et à et à chaque fois propre sur ses réceptions), le pack néo-zed a démontré plus de puissance, d’application dans le jeu au près ou même dans les airs avec globalement une supériorité en conquête. Le pack néo-zed a encore une fois montré qu’il était bien un des meilleurs du monde et maître pour ce qui est du jeu debout en parfaite synchronisation avec des 3/4 étincelants. Illustration sur leur seul et unique essai inscrit en première période inscrits par Tom Taylor. Sur une action d’école, les joueurs de Christchurch ont multiplié les temps de jeu, écarté au maximum sur les extérieurs pour déplacer la défense jusqu’à ce que le génial Israel Dagg fixe et donne pour Corey Flynn redonnant intérieur à Taylor. Outre les valeurs sûres telles que Sam Whitelock ou les frères Franks, on peut souligner le travail d’ombre de Matt Todd, successeur désigné de Richie McCaw chez les Blacks. Il fait en tout cas pour l’instant figure de remplaçant de luxe du capitaine habituel. Sean Maitland et Israel Dagg ont fait leurs boulots derrières et une place dans le squad des Blacks se profile de plus en plus pour le premier. Outre les qualités dans le jeu de mouvement des Crusaders, on peut souligner une défense hermétique avec seulement 2 plaquages manqués en première période alors que les Stormers, eux, en accusaient déjà 8.
Sean Maitland, bientôt avec les All Blacks?
Cette très bonne performance, certes à domicile, va relancer les Crusaders dans leur saison et dans leurs ambitions de figurer à nouveau en phases finales. Il y a encore du chemin à faire car après l’écrasante victoire des Brumbies sur les Rebels (37-6), les Crusaders ne sont que 7ème. Cela les oblige à entamer la deuxième moitié de saison régulière sur les chapeaux de roues. Surtout que les hommes de Todd Blackadder vont devoir dans les deux prochaines journées se frotter aux Hurricanes et aux Waratahs, concurrents directs à la qualification, et ce, hors de leur nouvelle antre provisoire du Rugby League Park. Loin d’être évident. Du côté des Stormers, il n’y a pas non plus de quoi s’affoler même s’il est toujours frustrant de perdre après une telle série. Leur match n’aura pas été mauvais mais pas ils n’ont cependant pas été assez entreprenants pour battre ces Crusaders là. Leur trop grande indiscipline leur a coûté chère. C’est dur à dire mais il ne doivent peut-être leur salut qu’à une belle action amenant l’essai de Bryan Habana (son 3ème de la saison) après une magnifique passe au pied du demi de mêlée Dewalt Duvenage. Joe Pieterson on l’a dit, avec un jeu au pied performant mais plus long que précis s’est mis à son avantage ainsi que le talonneur Tiaan Liebenberg ou le demi de mêlée Dewalt Duvenage.
Tom Taylor, homme du match et auteur de tous les points de son équipe
Mais ce match vaut aussi le détour pour la performance de Tom Taylor, demi d’ouverture de tout juste 23 ans. Tom Taylor a tout simplement marqué les 31 points de son équipe à lui tout seul. Il a été, on l’a dit, à la conclusion du seul essai des Crusaders montrant son soutien au porteur de balle mais il a aussi, et surtout, éclaboussé le match de sa classe face aux perches avec un 9/9 (8 pénalités, 1 transformation) et une concentration individuelle sans faille. Il a tout simplement égalé le record de pénalités inscrites dans un match de Super Rugby. Mais d’où sort-il alors ce Tom Taylor ? Avant le retour de Dan Carter, il a souvent été titularisé au poste de premier centre dans un rôle de 5/8 et s’est chargé avec l’ouvreur Tyler Bleyendaal du jeu au pied en essayant de masquer l’indisponibilisé du gourou des Blacks. Il y avait globalement réussi et son association avec Bleyendaal, lui aussi tout jeune (21 ans) avait été relativement convaincante. Depuis, Bleyendaal s’est blessé et Carter est revenu. La logique aurait voulu que Carter retrouve sa place d’ouvreur, laissant la place de premier centre à Taylor. Mais non, le staff des Crusaders en a surpris plus d’un en décidant de titularisé Taylor à l’ouverture et Carter… en premier centre. Mieux, Taylor, fils d’un certain Warwick Taylor, ancien All Black, s’est vu attribuer les responsabilités du jeu au pied que ce soit le but mais aussi les pénalités en touche et le jeu au pied habituel d’un ouvreur. Quand on sait que le jeu au pied reste le point fort de Carter, on se dit que ça peut paraître étonnant. De plus, Carter est bien plus à l’aise en 10 qu’en 12 même s’il a déjà joué par le passé à ce poste.
De là à dire que Taylor a relégué Carter au poste de premier centre ce serait exagéré mais le staff lui accorde en tout cas une confiance exceptionnelle pour un joueur de 23 ans. A ce jour, on ne sait pas si ce dispositif sera celui des Crusaders durant le reste de la saison. Tom Taylor a été également assez bon dans l’animation sans pour autant être aussi bon qu’au pied. Il symbolise l’avenir au poste chez les Crusaders. Et chez les Blacks ? Difficile à dire. Il faudrait déjà attendre qu’il confirme ce match incroyable et il reste tout de même en dessus du niveau de jeu d’un Carter, évidemment. Mais à l’image d’un Beauden Barrett chez les Hurricanes au même poste, il peut surprendre tout le monde et venir frapper à la porte des All Blacks. L’avenir nous le dira !