Adrian © Albin Michel 2012
1979. Dans le quartier, quelqu’un s’en prend aux animaux : écureuils, chats, chiens. On les retrouve lardés de coups de couteau. Calvin, 8 ans, connaît l’identité du coupable. Il l’accompagne dans ses pérégrinations nocturnes à la recherche de ses proies. L’assassin, c’est Molly, une gamine à peine plus âgée que lui dont les parents sont morts dans un accident de voiture. Molly va crescendo. Après les petits animaux, elle s’attaque aux plus gros : vache, cheval, etc. Calvin le sait, elle va finir par s’attaquer à un être humain, c’est inéluctable…La première nouvelle de ce recueil donne le ton. Le lecteur est sonné, envoûté par la prose au cordeau. Dans les huit autres textes, on croisera une femme dans le coma dont l’esprit vagabonde dans les couloirs de l’hôpital, un « toubib bousillé », cocaïnomane notoire, qui se rend au chevet de son père mourant, un garçon dont le frère est cinglé ou encore une ado, née grande prématurée, qui passe sa vie à l’hosto et tombe amoureuse d’un interne incompétent. On tourne la dernière page de l’ultime nouvelle qui met en scène la naissance du futur Antéchrist et on se dit : quel culot ! L’univers de Chris Adrian est sombre, torturé, unique. Oncologue spécialisé en pédiatrie, il a dû vivre des moments sacrément difficiles au cours de sa carrière pour imaginer des situations aussi tordues. Ce n’est sans doute pas pour rien que la plupart de ses personnages sont des enfants en souffrance, des écorchés vifs.
Cet auteur parle de la vie, la mort, la maladie, la fratrie, le deuil. Il semble aussi avoir été profondément marqué par les événements du 11 septembre 2001 (trois nouvelles y font directement référence). Ce qui est incroyable c’est que la construction de chaque texte, pourtant assez complexe, est parfaitement maîtrisée.
Encensé par le New York Times et le Boston Globe, classé par le prestigieux New Yorker parmi les 20 meilleurs jeunes écrivains américains, Chris Adrian propose avec Un Ange meilleur un recueil dérangeant et intense qui ne laissera aucun lecteur indifférent. Je ne pense pas que tout le monde adhère à cet univers si particulier mais il est évident que l’on ne tombe pas tous les jours sur un auteur débutant qui possède autant de talent. Je vous aurais prévenu.
Un ange meilleur, de Chris Adrian, Albin Michel, 2012. 284 pages. 22 euros.