Ah l’American Dream ! Source d’inspiration permanente pour les artistes outre-Atlantique, quelque soit le domaine ou la période. Il faut dire que le concept a de quoi passionner puisqu’il réunit des notions comme la liberté, la réussite personnelle ou la fierté patriotique. Et ca, ca l’excite le yankee, il est fier de son idée, il la défendra jusqu’au bout, même si elle devient complètement désuète au fil du temps.
Comme toute grosse tendance culturelle, elle est bien sur exploitée et même retournée dans tous les sens par les rappeurs, qui voient la l’occasion d’injecter une bonne dose de symbolisme à leurs produits, le tout sans vraiment forcer. Des premiers disques de Public Enemyqui remettaient en cause les politiques d’intégration US et l’effectivité de ce rêve américain à la réussite affichée à grands coups de dollars par la nouvelle génération, chacun cherche son American Dream, sans toujours trouver son bonheur.
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Stalley lui, c’est un peu le côté intello de la chose. Comme tous les rappeurs à barbe (voir Medine, ?uestlove…), il aime se poser des questions, réfléchir et sortir des albums concepts. C’est donc parti pour un voyage au cœur de l’American Dream, en compagnie d’un des rappeurs les plus intrigants du moment.
Ce concept, il le connait un peu. Ben ouais partir d’un trou perdu comme l’Ohio et se retrouver à Miami dans la villa de Rick Ross, c’est plutôt sympa comme progression dans la vie. N’est-ce pas LeBron James ? Stalley, c’est un peu la caution Arty du Maybach Music Group, le label de l’officier Ricky, qui l’a fait signer après un très bon premier album/tape, Lincoln Way Nights (Intelligent Trunk Music). Et si on a parfois reproché au gros Rozay de briser les artistes en voulant les formater à tous prix (Pill, I see you), il a eu l’intelligence de laisser Stalley évoluer tranquillement de son côté, cherchant lui-même les connexions dans lesquelles il pourrait s’épanouir.
Son bonheur, il semble l’avoir trouvé avec les Block Beattaz, duo de producteur de l’Alabama ayant connu un buzz aussi fulgurant que mérité grâce aux deux derniers albums de G-Side, entièrement mis en musique par ces deux génies de la musique moderne. Non avec ces mecs-la, on a pas envie de mâcher nos mots.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que leur empreinte se ressent très largement sur cet album. Avec 11 tracks produites sur les 15 qui composent le disque, le contraire serait étonnant.
Aussi les 2 prodos expérimentent, comme à leur habitude. Sur Petrin Hill Peonies, ils agrémentent un sample de Charles Bradley de grosses basses bien deep. Le morceau Home To You transpire la musicalité et les cuivres qui pointent le bout de leur nez sur Island Hopping font tout simplement remonter toute la chaleur de l’Alabama dans nos cœurs. Du travail de virtuose, rien de moins. Car si une écoute distraite peut faire croire à des morceaux un peu mous et sans reliefs, ce sont de véritables symphonies qui s’offrent à nous, pour peu qu’on tende l’oreille. Preuve en musique ?
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La première partie du disque coule ainsi aussi bien que le Titanic dans l’océan Atlantique. Ca chill à mort, on attend déjà l’été pour pouvoir se faire l’écoute tranquillou sous le soleil. Même Curren$y est de la partie sur le morceau Hammers & Vogue, et autant dire que ça n’a pas du fumer que des clopes au studio. Et Stalley dans tout ça ? Le MC est tellement discret qu’on en oublierait presque de parler des ses capacités. Jamais un mot au dessus de l’autre, il sait s’accommoder de n’importe quel instru et s’adapte sans jamais rien ajouter de transcendant. Du coup c’est un petit choc qui nous attend lorsque se lance Everything New et sa prod signée Chad Hugo (aka le chinois des Neptunes). Le rythme s’accélère et ce n’est que pour mieux préparer l’arrivée du boss Rick Ross, qui reprend partiellement la main sur la fin du disque. Après tout, Stalley est quand même un de ses poulains et marquer son territoire est une des choses que Ricky sait faire le mieux. Démonstration : Rick Ross x Stalley x Block Beattaz. Instru de gladiateur, rappeurs prêt à en découdre, à écouter très fort.
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Voila pour les grands moments d’un album qui, il faut bien le dire, comporte aussi quelques creux. Les deux prods de Soundtrakk notamment, qui sentent la pop et la vanille sont assez décevants. Deux morceaux assez symptomatiques des dérives pop indy souvent mal maitrisées par les rappeurs, pas toujours au top dans leurs choix de samples et qui flirtent trop souvent avec le mauvais gout.
Des hauts et des bas donc, mais quand même beaucoup de bonnes saveurs. Si tous les instrus ne sont pas au même niveau, le côté histoire/continuité entre les morceaux donne envie de laisser tourner le cd, de mieux s’en imprégner, comme au bon temps du rap semi-conscient de Common ou Masta Ace.
Et comme on a beaucoup pompé les Block Beattaz et qu’on est surtout la pour parler de bonne musique, voila un petit cadeau pour vous mes chéris amateurs de bonnes vibes. Toujours Stalley, cette fois en invité sur le très recommandé Island de G-Side. Et une prod juste fantastique. Kiffe !
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