Il nous donne maintenant à lire. Intitulée Auto Biographies, en deux mots et au pluriel, l’exposition qui sera visible jusqu’au 20 mai 2012 est composée autour de trois axes.
Le premier, évident, concerne les généalogies, le second tout aussi attendu, offre des témoignages sous forme de récits ou de fictions. Enfin, plus décalés, des systèmes et des inventaires témoignent de leur enracinement dans la vie de leurs auteurs.
Ainsi, Sol Lewitt, né en 1927 aux États-Unis, a toujours eu pour habitude de présenter un travail très conceptuel. Il s’est rendu célèbre par ses œuvres minimalistes. Ce qui est montré ici n’est cette fois pas glacial. Bien que les clichés soient tous en noir et blanc. Fidèle à son goût pour les inventaires il avait décidé de photographier les objets du quotidien qui se trouvaient dans son atelier et son appartement new-yorkais. Ces objets « parlent d’eux-mêmes » instaurant donc une narration. Intitulée Autobiography, cette œuvre a fait l’objet d’un livre paru en 1980 et dont les pages sont reproduites sur le mur.
Dans la même pièce le calendrier d’On Kawara inventorie les jours où il a conçu ses « Date paintings ». L’artiste s’était fixé pour règle de ne jamais consacrer plus de 24 heures à une seule toile. On remarque que certains jours il a même pu en faire deux.
Les artistes présents dans cette nouvelle exposition se sont tous inspirés de leur vie et de leurs expériences pour créer leurs œuvres, parfois de manière ponctuelle. Dans ce registre du récit on peut estimer que Jonas Mekas, né en 1922, est allé très loin en réalisant un journal intime filmé. La période 1964 -1966 devient une vidéo resserrée sur trois heures d’images tressautantes, semblant parfois projetées en accéléré, donnant un exemple très représentatif d’une vie transformée en œuvre.
Entre 2007 et 2009 il a passé deux années entières à écrire et dessiner un cycle de dessins, sous le titre de Poussière d’étoiles qu’il destinait à la publication. Elle se déroule sur 524 planches originales et il a accepté de prêter 186 d’entre elles qui sont ici accrochées en suivant un ordre chronologique.
Elles révèlent beaucoup de sa vie, ce qui n’est malheureusement accessible qu’aux personnes comprenant sa langue maternelle.
Des éléments déterminants ont pu avoir été vécus dans la jeunesse et déterminer une œuvre. C’est pour David B la maladie de son frère épileptique. C’est pour Frédéric Pajak la mort de son père. C’est pour Mélanie Delattre-Vogt, née en 1984 à Valenciennes, le passé familial.
Le crayon de la jeune femme, élève d’Erik Verhagen, le commissaire de l’exposition, devient dur et acéré dans la série Zycie, sur son père, dessinateur industriel, à propos de laquelle elle ne peut pas parler si ce n’est pour dire qu’elle a travaillé à partir de ses souvenirs et de ses rêves. Le dessin semble parfois s’envoler, un peu à la manière dont Folon croquait ses personnages. Elle ajoute qu’elle a tenté de comprendre son père sans y parvenir, du moins pas encore. A tout point de vue le père semble donc s’échapper.
La famille de Fiona Tan, née de père chinois, de mère australienne, est éparpillée aux quatre coins du globe. Elle présente dans une pièce intime un film d’une heure qui s’apparente au documentaire ou à un travail d’enquête pour reconstituer sa généalogie. C’est une sorte de petit tour du monde faisant étape dans les cellules familiales, auprès et autour de ses aïeuls, focalisant à la fois sur les racines et sur les liens historiques socio culturels de l’époque.
Noëlle Pujol nous livre le long monologue polyphonique qu’est l’Histoire racontée par Jean Dougnac, filmé en plan fixe, au pied de son lit, et révélant en quarante minutes le secret de la naissance de l’artiste.
Frédéric Pajak, romancier et dessinateur, éditeur (les Cahiers dessinés), précurseur du style roman dessiné, demeure très marqué par le décès de son père très jeune et cherche à retisser le récit, dans un va et vient, nous faisant penser à Nietzsche qui lui aussi avait perdu son père dans son enfance. Il cite l’Affaire Tournesol qu'il avait reçue en cadeau une semaine avant que son frère ait un accident de voiture.
- Annie Ernaux, avec Ecrire la vie
- Nathalie Sarraute, avec Enfance
- Jean-Paul Sarthe, avec les Mots
- Catherine Millet, avec Jour de souffrance
- Persépolis de Marjane Satrapi
- Ridiculum Vitae de Jean P Verheggen
- Ecorces de Georges Didi-Huberman
- David B, avec l’Ascension
AUTO BIOGRAPHIES jusqu'au 20 mai 2012 à l'Espace culturel Louis Vuitton, 60 rue de Bassano, 75008 Paris, 01 53 57 52 03Entrée libre, du lundi au samedi de 12 à 19 heures, dimanche et jours fériés de 11 à 19 heures