Collage photographique: The Emirr
Si Bruxelles ne devient pas une ville plus sûre, alors il faudra que les Européens se choisissent une autre capitale.
Tels sont le titre et le sous-titre d'un article de Cerstin Gammelin paru hier dans la page Opinions (Meinung) de la Süddeutsche Zeitung. La journaliste est depuis 2008 la correspondante à Bruxelles du plus grand des quotidiens bavarois.
C'est toute l'Allemagne qui s'inquiète de la question de la sécurité à Bruxelles. Un reportage de la deuxième chaîne allemande, la ZDF, vient d'affirmer que Bruxelles est la capitale la plus dangereuse d'Europe. La Libre Belgique, qui y consacre un article en ligne, affirme que le reportage se base sur des chiffres erronés. Mais quelle que soit la bataille de chiffres, l'impression subjective de l'insécurité à Bruxelles est bien réelle.
Dans son article d'opinion, Madame Gammelin constate, comme tous les autres usagers des transports en commun bruxellois, que, pendant 6 jours, les transports en commun ont été à l'arrêt dans la capitale européenne, suite au meurtre d'un conducteur. Elle rappelle qu'un événement similaire avait endeuillé Munich: un conducteur d'un train de banlieue (S-Bahn) avait été tabassé à mort, mais à Munich les transports avaient continué leurs services. C'est que le problème est ailleurs: pour tragique qu'il ait été, le meurtre de Munich était un événement isolé, et les employés n'y craignent en général pas pour leur vie, alors que Bruxelles a pris la route du triste record de capitale européenne de la dangerosité, et que le métier de conducteur ou de receveur y est à risque.
Madame Gammelin en répertorie les causes: le sous-financement chronique de Bruxelles est à l'origine de la montée des agressions et des tensions sociales, alors que dans le reste de l'Europe la tendance est à la baisse de la violence. Le sous-financement est dû au manque d'intérêt des deux communautés linguistiques qui ne cessent de s'affronter au niveau politique. Bruxelles, qui est située en territoire flamand (sic)*, est peuplée de francophones...Selon elle, les conflits linguistiques sont aussi perceptibles au niveau du corps de police: au Nord de Bruxelles, il vaut mieux s'adresser aux policiers en néerlandais, et les policiers n'interviendraient que dans les secteurs qui leur sont assignés. Le pays a été sans gouvernement pendant 18 mois, le chômage des jeunes atteint des proportions phénoménales dans certains quartiers (un jeune sur deux est sans emploi). Les Flamands ne comprennent pas pourquoi il faut investir dans une capitale qui ne parle même pas leur langue...
Pour Madame Gammelin, il y a de belles villes très sûres en Europe qui se feraient un plaisir d'accueillir les institutions européennes (la Commission et le parlement). Les Belges feraient bien d'y songer.
Des sociologues comme Jan Hertogen, que cite la Libre Belgique, ont beau invoquer une erreur sur les chiffres de la criminalité, il n'empêche qu'il suffit de venir passer quelques jours à Bruxelles pour percevoir de manière palpable le climat d'insécurité: quand on ose emprunter les transports en commun, on éprouve sans peine un sourd climat d'agression, on voit des incidents dans la rue ou dans le métro se dérouler sous les yeux d'agents des services publics qui ne réagissent pas, la ville est sale et de nombreux bâtiments ou la voirie sont dégradés, il n'est pas rare de se faire insulter ou bousculer. Et il y a longtemps que de nombreuses Bruxelloises, du moins celles qui en ont les moyens, ne prennent plus les transports en commun. Et dans le quartier européen, on évoque quotidiennement les agressions des bandes qui volent les fonctionnaires en plein jour: on ne compte plus les histoires de portables et de portefeuilles volés, avec ou sans violence...
Sources: le Sueddeutsche Zeitung du 13 avril 2012 (page 4), le site internet de la Libre Belgique, le reportage de la ZDF
*Bruxelles est une région à part entière, mais est totalement encerclée par le territoire flamand.