Le recyclage incitatif à la mexicaine

Les meilleures initiatives en matière de défense de l’environnement sont bien souvent celles qui manient la carotte davantage que le bâton : rien de tel en effet, pour adopter un comportement exemplaire, que d’y trouver son propre intérêt. Et c’est au Mexique que des idées particulièrement innovantes voient le jour en ce moment, pour un recyclage plus incitatif des déchets. Rien d’étonnant à cela si l’on comprend qu’en raison du niveau élevé de pauvreté, les gestes citoyens et éco-responsables ne constituent pas forcément la plus grande priorité de la population. Après l’apparition récente d’un premier marché de troc subventionné où les Mexicains pouvaient échanger leurs vieilles baskets contre des paires toutes neuves, le tout nouveau marché Mercado de Trueque récompense les habitants de Mexico en échange de leurs détritus.

La nouvelle place d’échange, qui a vu le jour au mois de mars, a été lancée par le Ministère de l’Environnement et s’étend sur une partie du parc Chapultepec, au cœur de la capitale mexicaine. Les résidents locaux peuvent s’y présenter avec toutes sortes de déchets, y compris du verre de toutes les teintes, du papier, du carton, des canettes en aluminium, des récipients Tetrapak ou encore des bouteilles en polyéthylène. La municipalité, en échange, octroie aux généreux donateurs des coupons de « points verts », qui peuvent être notamment utilisés pour acheter des produits de la ferme sur les marchés locaux. Les fonds nécessaires sont versés par les entreprises locales de retraitement des déchets, qui reçoivent en contrepartie une manne permanente de déchets sans avoir à fournir le moindre effort.

Les exigences des responsables du Mercado de Trueque sont volontairement réduites au minimum : il est simplement exigé des clients qu’ils procèdent eux-mêmes au triage et à un nettoyage sommaire des déchets pour faciliter leur prise en compte. Chacun peut troquer jusqu’à dix kilogrammes de détritus à chaque visite mais pas au-delà, de manière à éviter que quiconque en fasse une activité à temps plein.

Le système mis en place est d’autant plus intéressant qu’il semble profiter équitablement à tous ses maillons : fermiers et entreprises de recyclage y voient une opportunité pour dynamiser leur activité, tandis que les clients du marché peuvent toucher régulièrement un complément de revenu. Le Ministère de l’Environnement, quant à lui, aura rempli son objectif de sensibilisation à l’importance du recyclage des déchets. Cette écologie pragmatique et soucieuse des intérêts économiques de chacun serait-elle en mesure de se tailler une niche sur le Vieux Continent ?