Rarement un livre m'a autant émue ...; arrivée à la moitié , je comparais mon intérêt pour cet ouvrage à ce que j'éprouvais au festival de Locarno , après une série de films sans intérêt , inutiles , nourrissant seulement le narcissisme des jeunes réalisateurs , à la vision , tout à coup , d'un film qui balayait tout cet ennui et donnait du sens à ma raison d'être là , à avaler une cinquantaine de films en dix jours ....
Ce livre m'a fait le même effet , il m'a passionnée , émue, et en même temps j'ai compris le drame de l'Italie actuelle ;, elle qui a dû sa richesse , sa beauté ,à toutes ces petites entreprises souvent familiales , d'artisans doués d'un savoir-faire exceptionnel , transmis de père en fils et qui disparaît en ce moment à cause de la globalisation ...
Edoardo Nesi est fils, petit fils d'entrepreneurs en filature à Prato (près de Florence) qui était un des hauts-lieux de la fabrication de tissus "hauts de gamme".. On sent dans le livre l'amour des belles étoffes et du travail bien fait ... Et Prato n'est pas un cas unique en Italie , nombre de petites villes subissent le même sort .. A Biella, dans le Piémont l'un de mes oncles avait créé une petite entreprise avec six ou sept ouvriers dans le domaine du textile aussi. Son fils continue tant bien que mal mais sans ouvrier...
Le 7 septembre 2004 Edoardo Nesi a vendu l'entreprise de sa famille , née dans les années 20 ; ainsi commence à peu près son livre , comme dans un cri de rage.... On ne commandait plus ces tissus de laine beaux et chers , les Chinois ont envahi le marché; Prato est devenue une ville chinoise ; la fafrique de Nesi a même été squattée par des chinois sans papiers qui vivaient là , cachés , manquant d'hygiène mais utilisant les machines, jusqu'à ce que la police vienne déloger les clandestins....
A la fin du livre ,une manifestation pacifique à Prato pour revenir au "made in Italy" , rassemnble entrepreneurs, anciens ouvriers ; moment émouvant où certains félicitent Nesi d'écrire des livres sur les problèmes de Prato et de l'Italie en général .
En outre ,Nesi passait ses vacances à lire , aller au cinéma , et son livre est émaillé de clins d'oeil à Fitzgerald , à Orson Welles et cela allège le récit .. C'est le septième livre qu'il écrit et l'amie Lisa qui me l'a offert m'a dit qu'il continuera sur le même sujet. Il a eu le prix Strega en 2011 et est en vente en Italie depuis janvier 2012 ; il a un sous-titre "la rabbia e l'amore della mia vita da industriale di provincia " .... Il baigne dans une belle atmosphère souvent poétique d'humanisme et de respect de l'autre , cela fait chaud au coeur mais aussi cela marque le décalage avec le monde actuel qui se moque de renvoyer chez eux des ouvriers expérimentés créant le vide d'existences finies ...