Il y a quelques années, sortait un album de reprises de Nino Ferrer intitulé On dirait Nino. Le film de Thomas Bardinet participe lui aussi, à sa manière, du processus de la reprise toute personnelle et aurait pu, pour sa part, s’intituler "On dirait (que) Nino…". Cela posé, le champ était libre pour écrire une histoire d'amour adolescente envisagée au prisme discret de la figure d’un jeune Nino pas encore chanteur mais déjà fort attiré par l’Art (le théâtre, la poésie et le dessin – plus que la chanson d’ailleurs – dans le film).
Toute la singularité de Nino, une adolescence imaginaire de Nino Ferrer est de faire préexister les chansons au récit, donnant rétrospectivement à celles-ci une ampleur autobiographique et mélancolique qu’elles avaient certes déjà à leur sortie (pensons à la sublime et tragique Chanson pour Nathalie) mais qui est là décuplée par le récit sentimental et initiatique que le cinéaste imagine. À cette liberté prise avec la biographie du chanteur correspond une liberté de ton et une manière de faire on ne peut plus légère et salutaire (Bardinet a occupé tous les postes sur le tournage) qui convoque tant, pour le spectateur, le souvenir d’Eustache (Mes petites amoureuses) que celui de Rohmer (Conte d’été).
Au centre du film, donc, deux figures féminines, deux adolescentes, une blonde et une brune, renvoyant chacune à une chanson de Nino Ferrer. Natacha et Nathalie. La manière dont les deux chansons associées à ces prénoms déboulent dans le film est très belle : inattendue autant qu’évidente. Il me faudra, Natacha et Chanson pour Nathalie sont comme venues d’un futur qui s’écrirait alors, chantées – et c’est très important – par la voix du vraie Nino. Bien sûr, adolescent, Nino Ferrer était loin de les avoir composés, ces morceaux, mais on aime comme le film se les approprie en dépit de tout bon sens chronologique. Car ce qui compte alors, c’est bien l’humeur qu’ils véhiculent, la vérité des sentiments plutôt que celle des événements. Et, dès lors, ces deux chansons (auxquelles s'ajoute, en filigrane, L'arbre noir) tombent plus qu’à point, évidences pop venant surligner certains parti pris narratifs d’un film bien plus audacieux qu’il n'y paraît.
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