Comme beaucoup de femmes j’ai détesté Orelsan. J’ai été outré par sa chanson « St Valentin » et encore plus par « Sale Pute ». On n’avait beau dire « relaxe, c’est que d’la zik », je ne pouvais pas cautionner. Il avait franchi la ligne imaginaire que la bienséance interdisait de dépasser. Et puis est arrivé le « Chant des Sirènes ».
Mon boycott d’Orelsan c’est fini le jour où j’ai entendu la chanson « Suicide Sociale ». Une tirade énervée sur tous les travers d’une société carrément à la dérive. Sans détour, il te crache une vérité qui te claque à la figure comme un véritable upercut. C’est violent mais c’est vrai. Je me dis alors que le boycott a assez duré. J’ai pris l’initiative d’écouter de bout en bout le Chant des Sirènes. J’ai adoré. Du début à la fin.
Pourquoi ? Un nouvel Oreslan ? Non, il est toujours rappeur, il est toujours vénère, sa plume trempe toujours dans l’acide. Toujours un peu de provocation. Mais Orelsan a grandi. On n’écrit pas pareil à l’adolescence et à l’âge adulte on n’a pas la même rage. Lui, ces dernières années il en a vu des belles, il est monté très haut, il a connu le succès, on l’a aimé, adulé, adoré, détesté. Il a vu la machine médiatique s’emballer, la sphère musicale l’avaler. Orelsan est lucide, il parle des vices, du chant des sirènes, de cet emballement stupide. Avec des mots crus, durs, mais si juste. Les paillettes, le champagnes, les groupies, les requins, l’illusion. C’est fort.
Il parle aussi des clichés sur lesquelles est construite notre société : les émissions stupides de télé réalité qui pullulent, la course aux marques griffées, les prostitués qui baisent pour payer leurs études, les consommations de drogues qui deviennent presque la norme, les réflexes quasi mécaniques d’aller sur les réseaux sociaux.
Il ne parle pas que des autres, il parle aussi de lui. D’une relation qu’il a fait foirer, d’une fille qu’il n’arrive pas à oublier. Le mec vénère sait aussi se faire sensible, avec l’histoire par exemple de la petite marchande de porte-clés (l’histoire poignante au demeurant). Il sait être drôle aussi, comme lorsqu’il se lance dans un comparatif entre le rap version nineties et le rap de maintenant… Nineties, années bénies du rap, un Syndrome de l’Age d’Or caché ?
Reste quand même la base chez Orelsan. Ce garçon intelligent qui a compris les erreurs du passé. On ne peut pas provoquer gratuitement en parlant de sexe trash, cash. Oui, il en reste encore un peu, mais finalement c’est secondaire. En écoutant le chant des sirènes, j’ai clairement changé d’avis sur Orelsan. Ce type que je boycottais, finalement j’en suis venue à le citer en exemple plusieurs fois ces derniers temps. Son album est une chronique sociale rappée qui ne laisse pas indifférent. Oui, maintenant je crois que je kiffe Orelsan.