Le chirurgien chausse des lunettes 3D (vision en relief) qui l'immergent instantanément dans le site opératoire. À le voir tourner lentement la tête en maniant de longues baguettes métalliques munies de poignées à gâchettes, on se demande quelle précision il peut avoir. Et pourtant… Loin d'être un gadget, les lunettes 3D ont un avantage considérable par rapport à un simple écran plat. «Pour les gestes, nous avons besoin d'au moins deux vues pour appréhender les volumes», explique le Pr James Drake, chef du service de neurochirurgie du Sickkids (Hôpital pour enfants malades) de Toronto (Canada). Il suffit d'essayer d'attraper un verre en fermant un œil pour comprendre l'intérêt des deux angles de vue lors d'un mouvement précis.
La précision justement n'est pas diminuée mais accrue, grâce aux bras articulés du robot (KidsArm) à l'extrémité desquels se trouvent de minuscules instruments de chirurgie: «Nous travaillons maintenant à ce que le robot fasse des gestes difficiles et qu'il les fasse à une vitesse 30 à 100 fois supérieure», ajoute le neurochirurgien, tout en réalisant une suture sur un moulage à l'aide du KidsArm. En principe, ce robot chirurgical, développé par le Centre d'innovation et intervention thérapeutique guidées par imagerie (Cigiti) du Sickkids de Toronto, devrait être utilisé dès 2013-2014» sur des patients, estime le Pr Drake.
Au début du mois, le gouvernement fédéral de l'Ontario, qui soutient les projets innovants mêlant public et privé, a alloué 10 millions de dollars pour booster le développement du KidsArm. Car pour l'instant, si la chirurgie assistée par robotique est largement répandue chez les adultes, notamment en urologie et en neurochirurgie, les enfants, eux, ne sont opérés que par chirurgie classique. Le célèbre robot DaVinci, leader du marché «adulte» qui ne cesse de se développer, est par exemple installé dans plus de 1600 blocs opératoires dans le monde, dont 300 environ en Europe. Selon ses utilisateurs, il permet plus de précision dans le geste du chirurgien, moins de saignements, une hospitalisation plus courte et, bien sûr, un préjudice esthétique moindre puisque les grandes cicatrices sont remplacées par les petites incisions nécessaires à l'introduction des outils chirurgicaux.
Le système, mis au point par les chercheurs canadiens en collaboration avec Philips Healthcare, mais aussi avec des industriels qui travaillent sur la robotique et la simulation spatiale, possède un atout majeur: la combinaison d'images issues de différentes technologies. Le KidsArm fusionne en effet des images obtenues par résonance magnétique nucléaire (IRM) et par ultrasons pour fournir au chirurgien des images 3D de haute qualité en temps réel. Au final, quand on utilise le système, on a vraiment l'impression d'être au sein d'un univers virtuel, sauf qu'il s'agira bientôt d'un véritable corps humain.