Lopez me tire par le bras. Il m’invite à entrer chez lui. C’est la petite fille qui me fait faire la visite. Elle me présente son grand-père assis dans un coin, gêné. Elle précise qu’elle l’aime beaucoup, « parce que c’est un homme bon ». La grand-mère accroche la dernière lessive au fil qui pend contre le mur à l’entrée. Une figure de sainte-vierge est accrochée, juste à côté des hardes et veille. Vu le nombre des oripeaux, il y a du monde à la maison ! Six dans un espace d’environ six mètres carrés.
La signora Lopez m’explique à plusieurs reprises que lorsque l’on est chez soi, ce qui importe, c’est le combat contre les bactéries et la saleté ! Il est important de garder la dignité comprenez-vous, et de ne pas laisser la vermine de la rue entrer dans la maison. C’est tout petit. Les jouets sont enclos dans leurs emballages. Pikachu ne risque pas d’attraper un mauvais rhum ! L’odeur du poisson séché est insoutenable. Dans un coin, le poste de télévision est allumé. Lopez gonfle le poitrail : c’est une fierté d’être raccordé à l’électricité, même si on doit la payer très cher, aussi cher que l’eau qu’on recueille à la pompe d’un voisin.
Signora Lopez renchérit : le prix qu’on paye est à la hauteur de l’image qu’on donne de soi ! Chez les Lopez, on chante très bien, et on est très bons au karaoké : même si les chansons qu’on fredonne ne durent jamais longtemps, elles font oublier la ville des riches, la ville tentaculaire de l’autre côté de la voie ferrée, la ville qui avance toujours et qui écrase tout sur son passage... Elles mettent de l’eau courante dans les tuyaux, de l’électricité dans les rues et transforment le bidonville en palais.