(Jour N - 10) De mon avis, la sortie toute récente de Nicolas Sarkozy contre la représentativité syndicale devant la CGPME n’a pas suscité les réactions qui s’imposent. Que Nicolas Sarkozy veuille affaiblir les syndicats - qui n’ont guère besoin de cela - est une évidence. Mais proposer de fusionner dans une même entité tous les mandats syndicaux - délégués syndicaux, délégués du personnel, délégués du Comité d’entreprise et enfin, délégués au Comité d’hygiène et de sécurité, est une connerie sans nom. Entendre pour une ex-infirmière en entreprise - et de surcroît devenue petite juriste sagace à la faveur d’études de droit - une saloperie de première bourre.
D’abord ne sont concernées par ces règles que les PME dépassant le seuil de 50 salariés. Et vous pouvez me faire confiance : à la lecture de moult article sur le sujet : toutes les PME qui emploient régulièrement 49 salariés ou un peu moins se gardent bien d’embaucher des salariés en CDI au-delà de ce seuil…
Ceci dit, je ne critique pas forcément le recours aux CDD voire à l’intérim. D’une part, ils répondent à des remplacements de personnel - maladie ou maternité - ou des surcharges très ponctuelles ou saisonnières d’activité. Mais je serais autrement critique s’agissant des prétendus « stages » à 400 € pour des étudiants en fin de master voire déjà doctorants : de la main d’œuvre ultra-performante mais quasi gratos dont usent plus qu’abondamment des multinationales pourtant dorées sur tranche.
Contrairement à Nicolas Sarkozy j’ai donc connu de l’intérieur à Orléans une grosse PME - 450 salariés et je les connaissais personnellement tous, y compris les intérimaires - de l’industrie de la mécanique de précision - travaillant essentiellement mais pas uniquement pour l’aéronautique. Donc très sensible à la conjoncture économique. L’équivalent de « Ratier » à Figeac… Moi aussi je suis une « éponge » comme le prétendait il y a peu de temps Séguéla : en 1976, marchant très tôt - un peu après 6 heures du matin sur la route entre Figeac et Cahors, je vis dans une cour d’usine un ouvrier s’affairant autour des mêmes énormes cylindres destinés à l’industrie aéronautique… Nous étions de la même famille.
Nicolas Sarkozy veut donc répondre à une demande récurrente des PME dépassant ce fameux seuil des 50 salariés : les heures de délégation des élus du personnel - toutes catégories confondues, ça coûte forcément en termes de productivité : quand ils sont en délégation, forcément ils ne travaillent pas ! Mais c’est oublier ou ne pas savoir qu’ils n’ont pas du tout les mêmes prérogatives. Un élu au Comité d’entreprise peut être chargé d’un grand nombre de tâches concernant précisément les attributions qui lui sont dévolues : surveillance de la gestion du restaurant d’entreprise, politique culturelle en faveur des salariés de l’entreprise - billets à tarifs réduits, etc. dans l’entreprise où j’ai travaillé : organisation et gestion de la bibliothèque, autant un fond propre de très bonne qualité que les apports ponctuels du bibliobus du Loiret. Tout cela prenant du temps.
J’ai eu de surcroît l’insigne avantage de travailler dans une entreprise où le dialogue social était une réalité. Sans doute très emprunt d’un certain paternalisme que beaucoup fustigent mais auquel j’adhère ne leur en déplaise : le créateur de cette entreprise au lendemain de la seconde guerre mondiale fut entouré à l’époque par des « compagnons » - entendre comme pour toute entreprise artisanale des ouvriers qui avaient la même formation et le même objectif que lui : ce que nous nommions « la belle ouvrage »…
Ce n’est pas sans raison que ces pionniers furent qualifiés « d’aristocratie ouvrière »… Le journal de l’entreprise s’appelant d’ailleurs « Le Micron » : à savoir que les ouvriers les plus hautement qualifiés étaient capables de produire des pièces au micron près. Je suis forcément à la fois admirative de leur savoir faire et très critique lorsque je lis des articles notamment sur les Airbus et tous leurs heurs et déboires : leurs modèles informatiques ne tiennent pas route. Il me revient en mémoire l’exemple d’un mien cousin, simple chef de chantier du BTP au Havre, expliquant le BA-BA du métier aux ingénieurs et architectes tout frais émoulus de leurs grandes écoles…
S’agissant des fonctions de représentants syndicaux au Comité d’hygiène et de sécurité, je pourrais multiplier les exemple l’infini.
.D’abord, nous avons tous fait front - victorieusement , aussi bien l’entreprise que les syndicats - contre un premier jugement déclarant que le très grave accident de la circulation dont furent victime un salarié de l’entreprise et sa femme ne pouvaient être reconnus comme accidents « de trajet » au motif qu’ils auraient dérogé à leur itinéraire normal alors que précisément c’est en fonction des horaires de travail en décalage qu’ils effectuaient en quelque sorte ce « ramassage ».
Tout à fait l’égal à l’époque pour des grandes entreprises ayant pignon sur rue : Quelle à Orléans ou une mutuelle de fonctionnaires, En n’ayant garde d’oublier les cars de l’armée de l’air sur divers sites - Orléans ou Châteauroux. Matra à Romorantin… J’en sais quelque chose puisque mon ex beau-frère vivant à Selles-sur-Cher y travaillait.
Ceci dit, le rôle des Comités d’hygiène et de sécurité est très important qu’il s’agisse du respect des règles de sécurité - cf. le rapport annuel destiné aussi bien à l’inspecteur de la Sécurité sociale qu’à l’inspection du travail - et des enquêtes menées in situ lors de graves accidents du travail ou de maladies professionnelles. Encore une fois, j’eus la chance de travailler dans une bonne boîte où l’on ne prenait pas ces choses à la légère. L’on y redoutait la visite annuelle de l’inspection du travail… ce qui au demeurant fit bien se marrer une copine de pension devenue contrôleuse du Travail à Orléans quand je lui téléphonai pour un autre problème concernant une personne proche…
S’agissant des délégués syndicaux, ils obéissent aux mêmes règles : l’entreprise doit compter au moins 50 salariés. Au point que ces dernières années se sont multipliés les cas de délégués intervenant dans des entreprises de taille plus modeste ou faisant barrage à des élections syndicales. Notamment les grands groupes de la restauration rapide : chaque établissement étant autonome, ils se gardent bien de dépasser 50 salariés.
En s’attaquant aussi frontalement aux syndicats sur tous les sujets Nicolas Sarkozy ne fait que mettre en évidence « d’où il parle » : une filiation évidente avec les syndicats « jaunes » issus de la droite la plus extrême qui firent florès notamment dans l’industrie automobile pendant les années 70-80. Ne voulant pas risquer d’être censurée, je dirais seulement « F comme F ».