Laurent Seksik et Guillaume Sorel – Les derniers jours de Stefan Zweig

Par Yvantilleuil

Les derniers instants d’une vie trop pleine…

“Les derniers jours de Stefan Zweig” est l’adaptation en bande dessinée du roman éponyme de Laurent Seksik : une biographie romancée qui accompagne Stefan Zweig et sa femme dans leurs derniers instants.

Juif en Allemagne et Allemand ailleurs, Stefan Zweig est un écrivain autrichien d’origine juive qui en a assez de fuir. En quittant les Etats-Unis pour le Brésil, c’est un ultime voyage qu’effectue cet homme dont les œuvres rencontrent un grand succès dans le monde entier… tandis que les nazis brulent ses livres. Rejoignant Pétropolis, véritable repaire d’exilés européens ayant fui l’horreur du IIIème Reich, ce n’est pas une nouvelle vie qui l’attend, mais les derniers instants d’une vie trop pleine…

Le titre de cet album ne laisse d’ailleurs que peu de doutes quant à l’issue de cette histoire… la mort est belle et bien au rendez-vous et le lecteur est invité à accompagner cet homme durant les derniers jours de sa vie. C’est avec une empathie grandissante qu’il suit cet écrivain fatigué de fuir, pessimiste concernant l’avenir du vieux continent et angoissé par l’ombre du régime nazi qui n’a cesse de lui poursuivre après lui avoir pris tant d’amis. Plongé aux côtés de ce personnage clé de la littérature du XXe siècle, le lecteur partage les peurs, les interrogations et les doutes de cet auteur qui, hanté par les démons d’une ancienne vie, n’arrive plus à profiter de l’instant présent.

Si le récit invite à suivre le cheminement psychologique d’un homme pour qui la vie n’a plus lieu d’être, il narre également l’amour d’une compagne rongée par des crises d’asthme incessantes, qui accepte de suivre son conjoint dans ce dernier geste. Si le suicide demeure pour moi un geste incompréhensible, au fil des pages, l’auteur parvient tout de même à expliquer cet acte final avec grande justesse. En s’attachant progressivement aux personnages et en partageant leurs sentiments, le lecteur finit par accepter ce renoncement, voire même de saisir la beauté du geste lors d’un final profondément émouvant et réussi. Les somptueux dessins à l’aquarelle de Guillaume Sorel permettent de plonger dans l’ambiance brésilienne des années 40 et de traduire toute la mélancolie de Stefan Zweig. Splendide !

Un gros coup de cœur pour ce one-shot poignant qui retrace avec brio les derniers instants de ce grand auteur.