(Attention, l’article contient des spoilers sur la saison 5 de Mad Men).
Après 17 mois d’attente, une des meilleures séries des 15 dernières années revient enfin pour sa 5eme saison.
J’ai entendu ça et là que c’était une série produite par l’industrie du tabac et misogyne ; c’est à peu près aussi intelligent que de trouver un film sur l’apartheid raciste. Mad men est un tableau clair, réaliste des relations hommes/femmes dans les années 60 (fin 50′s et années 60) à travers la vie d’une agence de publicités.
On y trouve trois portraits de femmes :
Betty l’épouse d’un héros égoïste et infidèle qui a abandonné études et famille pour épouser ce qu’elle pensait être la vie idéale. Elle vit donc en banlieue, s’ennuie et fait souffrir enfants et femme de ménage de ses frustrations.
Dans la dernière saison, alors qu’elle a épousé un autre homme – mais que sa vie n’a pas tellement changé – elle prend beaucoup de poids. On a pu assister sur le web et twitter en particulier à un déferlement incroyable de haine face à ce personnage, pourtant fictif. « après avoir grossi, le mieux ca serait qu’elle meure« . « je la haïssais mince, je la hais encore plus grosse« . des twits par milliers qui illustrent justement à merveille pourquoi il était logique que le personnage prenne du poids. Elle a fini par se rendre compte, après un mariage raté, un début de psychanalyse et une autre union guère plus heureuse que la précédente que sa vie n’est pas grand chose. Elle est « la jolie femme de » et rien d’autre. On devine qu’il lui sera difficile, voire impossible d’être autre chose.
Joan, secrétaire de l’agence de publicité. Personnage extrêmement bien campé qui joue avec les armes traditionnellement données aux femmes ; la séduction, le minaudage. Cela reste un personnage complexe car on aurait pu croire, après son mariage avec un médecin, qu’elle abandonne son job, ayant atteint son but ; elle s’y refusera. Là aussi il y a eu des phénomènes dans la presse assez intéressants autour de l’actrice ; tant qu’elle est gainée, corsetée au propre et au figuré dans son personnage de Joan, les uns et les autres s’accordent à la trouver pulpeuse et jolie. Quand elle est naturelle, donc avec des formes plus visibles, tout de suite les réflexions reviennent au grand galop.
Peggy Olson qui commence comme secrétaire mais veut devenir copywriter (et y parviendra). Rien ne lui sera évidemment épargné ; les réunions où on la met délibérément de côté, les soirées avec les clients qui finissent inévitablement dans des clubs de strip où elle n’a d’évidence rien à faire. Elle l’évoque en saison 5 en se demandant si elle s’est masculinisée. Il lui est répondu qu’elle n’avait sans doute pas le choix. A un moment un des personnages les plus machos de la série, lui demande d’embaucher un autre copywriter, non qu’elle soit mauvaise… elle n’a juste pas de pénis et c’est ce qu’il veut.
Les personnages masculins, tout au moins du point de vue de l’étude de genre me semblent beaucoup moins intéressants. Il sont tous traditionnellement ancrés dans la masculinité, fort contents de l’être avec aucune envie d’en sortir. la libération des femme les intéresse dans la mesure où elle peut leur permettre de coucher plus facilement mais c’est bien tout. C’est sans aucun doute une réalité de l’époque que de montrer des personnages masculins qui le sont autant mais la série aurait gagné en épaisseur.
On constatera qu’ils ont des secrétaires, avec qui ils couchent (ces dernières espérant – et réussissant parfois – à se faire épouser) et des femmes enfermées en lointaine banlieue à déprimer.
Je vous conseille au passage, dans le livre de Mona Chollet dont je vous ai déjà parlé tout le chapitre sur les séries dont Mad men.
La France s’est surtout intéressée à Mad men au travers de la mode ; il serait dommage – et idiot – de n’y voir que cela.
Les photos sont tirées ce ce magnifique lien.