Twixt
Francis Ford Coppola
Twixt, le dernier film écrit, réalisé et produit pas Francis Ford Coppola, vient d'arriver dans les salles françaises. Hall Baltimore, un écrivain de romans sur les sorcières en pleine remise en question artistique débarque dans une bourgade de l'Amérique profonde pour une séance de dédicaces. Il y rencontre le sheriff de la ville qui lui parle d'un meurtre récent qui a eu lieu ici. La même nuit, au motel, le romancier rencontre dans un rêve Virginia, une jeune fille mystérieusement assassinée il y a quelques années. Cela devient le point de départ d'une nouvelle idée de livre pour Hall Baltimore.
Le tout début, la présentation de la ville, est des plus plaisants. On y découvre une petite ville américaine un peu glauque, comme on aime tant les voir dans les films de David Lynch. La narration par Tom Waits rajoute un charme effrayant à l'ensemble. Puis le film se lance, et là on se rend compte que Francis Ford Coppola a voulu mettre trop de choses dans son oeuvre et s'est éparpillé. Difficile en fait de résumer le film, tant tout se mélange : intrigues, époques, réalité et rêve, styles... Dans Twixt, il y a des vampires, des gothiques à l'autre bout d'un lac, un beffroi avec des horloges qui n'indiquent pas la même heure, un hôtel abandonné suite à un massacre, une histoire de ville hantée, un prètre fou et, cerise sur le wtf, Edgar Allan Poe qui apparait en rêve.
Il y a deux univers dans le film. Le monde réel, en couleurs, où l'on voit Hall Baltimore dans son motel souffrir de la page blanche devant son ordinateur où sa femme le harcèle via skype. Et le monde imaginaire, les rêves, tournés avec la technique de la nuit américaine, qui tirent sur le noir et blanc, avec des touches de rouge. Comme dans Sin City mais en moche cette fois-ci. Car l'esthétique particulière, n'est pas du meilleur goût, la faute peut être au petit budget du film, qui donne des séquences en 3D de piètre qualité. Francis Ford Coppola signe un film entre l'horreur et le fantastique, à l'imagerie gothique. Cela fait beaucoup penser à Tim Burton, sauf que l'histoire ne suit pas derrière.
Il est déjà difficile de s'identifier aux protagonistes. Val Kilmer, qui campe Hall Baltimore, n'inspire pas forcément la sympathie, on dirait juste un loser pataud et sans charisme. Pourtant, le réalisateur a mis beaucoup de lui-même dans ce personnage principal. En fait, Hall Baltimore, c'est Coppola. L'écrivain en manque d'inspiration, en pleine crise artistique, c'est le reflet du cinéaste qui a bien du mal à refaire des chefs-d'oeuvre de la dimension de la trilogie du Parrain et d'Apocalypse Now. La fille de l'écrivain qui meurt d'un accident de hors bord (cela donne droit à des séquences larmoyantes où Hall Baltimore repense à sa fille, avec des flashbacks ridiculement cliché), c'est l'exact destin tragique du fils de Francis Ford Coppola, Gian-Carlo. Et comme Baltimore, il a eu l'idée de ce film en rêvant (super, j'aimerais pas être dans sa tête). Quant à Virginia, interprétée par la précoce Elle Fanning qui vient de souffler ses quatorze bougies (et qui passe devant la caméra du Papa après avoir été l'actrice principale du dernier film de la fille Coppola, Somewhere), elle n'hypnotise pas tant que cela, sûrement parce que l'on peine à comprendre vraiment qui elle est.
On peine à comprendre le film tout court. Le mélange d'époques et de réalités égare complètement le spectateur, si bien qu'à la fin (qui arrive assez vite, merci), on est encore tout perdu et c'est plus agaçant qu'intéressant ici. Le scénario ne tient pas la route. Francis Ford Coppola dit que maintenant, à 73 ans, il réalise ses films comme quand il était encore un étudiant en cinéma. Cette cure de jouvence ne lui va pas bien. A vouloir faire trop de choses différentes, on ne rend rien du tout.