Après avoir regardé Toutes nos envies, je me suis lancée dans la lecture du roman qui est en à l’origine, D’autres vies que la mienne. Emmanuel Carrère signe ici un roman à mi-chemin entre l’autobiographie et la biographie.
L’histoire débute sur l’île de Ceylan alors que le Tsunami est en train de détruire des existences par milliers. Le ton est très vite donné avec la description des lieux, de l’odeur des cadavres, des parents qui luttent pour ne pas sombrer car leur enfant de quatre ans a été emportée par la vague… Vous l’aurez compris, D’autres vies que la mienne n’est pas un roman qu’on lit pour se distraire car il est bien difficile de retenir ses larmes tant le récit de Carrère est bouleversant.
De retour en France, le narrateur est encore confronté à une épreuve redoutable : celle de la maladie. Juliette, sa belle-soeur est atteinte d’un cancer incurable et voit ses forces s’amenuiser de jour en jour. Sa lutte contre la maladie ira de pair avec le combat contre les poursuites pénales des victimes du surendettement. C’est d’ailleurs cet aspect là du roman que le film Toutes nos envies avait choisi de développer. Le personnage d’Etienne, juge à Vienne et ami de Juliette est le support d’une très belle réflexion sur l’Autre, sur ces êtres jumeaux qui n’ont pas besoin de se voir pour se sentir en osmose.
On trouve quelques réflexions de l’auteur sur la question de l’adaptation d’un roman au cinéma, que j’ai trouvées assez intéressantes : “Dans un film, une musique intensément dramatique devrait accompagner la découverte de ces lignes par l’héroïne. On verrait ses lèvres bouger à mesure qu’elle avance dans sa lecture, son visage exprimerait d’abord la perplexité, puis l’incrédulité, enfin l’émerveillement. Elle lèverait les yeux vers le héros en balbutiant quelque chose comme : mais alors…cela veut dire ? Contrechamp sur lui, calme, intense. Tu as bien lu.”
Il est bien difficile de résumer mes impressions de lecture car le récit est vraiment émouvant, poignant, voire même profondément troublant. Bien que les thèmes abordés soient très sombres, certains personnages sont porteurs d’une grande force. Patrice, veuf de Juliette, est ainsi mû par l’amour qu’il a portée à sa défunte épouse et par la foi en l’existence qu’elle lui a donné durant leur vie commune.
La part autobiographie du livre peut se résumer essentiellement dans le cheminement sentimental du narrateur / auteur. Au début du roman, Carrère avoue sa difficulté à trouver une femme auprès de laquelle il voudrait vieillir. En cela, on peut dire que ce roman est une autobiographie oblique : c’est par la confrontation de l’existence d’autrui que l’auteur arrive à avancer dans sa propre vie…et que le lecteur est invité à réfléchir également sur le sens de son existence.
Un très beau livre !
Billet rattaché au Challenge La Littérature fait son cinéma, à l’initiative de Will.