Toujours en partenariat avec l’excellent blog Sobookonline, retrouvez un compte-rendu de la dernière édition de la conférence Tools of Change de Bologne, dédiée à l’édition jeunesse. Bien entendu, le numérique est à l’honneur et les français de Walrus eBooks avaient fait le déplacement. Compte-rendu des dernières tendances de ce secteur en pleine mutation.
Le 18 mars dernier eut lieu à Bologne la déclinaison italienne du célèbre Tools of Change (dont j’ai réalisé la synthèse new-yorkaise le 17 février) : TOC Bologna. Contrairement à ses autres frères et soeurs (TOC Francfort, TOC Londres et bientôt TOC Latin America), TOC Bologne s’intéresse plus particulièrement à l’édition numérique pour enfants (voir mon compte rendu l’année dernière), domaine qui s’embarrasse souvent peu des débats journalistiques (papier VS numérique) pour se concentrer sur la production efficace des contenus.
Nous ressortons du #sdl2012 et de #TOCbologna encore plus motivés, et pleins d’idées pour les prochains mois. Ça va poutrer!
— Walrus Ebooks (@studiowalrus) Mars 19, 2012
Bologna Ragazzi Digital Award
Et sur leur qualité, également. Les distinctions se multiplient en effet dans le domaine de l’édition numérique pour révéler au grand public ses créations, fournir une grille de lecture, extraire de cette masse informe quelques pépites. Autrement dit : le livre numérique s’institutionnalise. Faisant suite au Digital Book World Award, la foire de Bologne lançait ainsi cette année sa propre récompense : The Bologna Ragazzi Digital Award. 252 réalisations de 179 éditeurs de 25 pays ont été soumis au comité qui a choisi de consacrer un français : Dans mon rêve, une application de la maison d’édition Etoiles, qualifiée de “poésie combinatoire” par un lecteur (pas testée encore).
Parmi les finalistes, The Numberlys et Quem Soltou O Pum ? ont reçu une distinction honorifique (sans doute pour la débauche de moyens dans le cas du premier). Un autre français (Gallimard avec La Forêt : mes premières découvertes qui fait partie de sa stratégie numérique, tournée vers la jeunesse) dans la liste.
Des livres à explorer ! qu’il faut déjà pouvoir trouver…
Créativité importante, donc, dans le domaine de l’édition pour enfants, où chacun essaie de se positionner rapidement. C’est que le secteur souffre beaucoup moins des discours idéologiques (l’odeur du livre, etc.) qui freinent en partie son adoption. Russel Hampton, président de Disney Publishing Worldwide, a ainsi remarqué l’augmentation très importante de ventes numériques pour enfants (jusqu’à 30 % des ventes totales dans certains cas). Pour favoriser son développement, Dominique Raccah de Sourcebooks, dont le CA a augmenté de 800 % en 2011 (toutes ventes confondues, adultes et enfants – ce dernier secteur ne représentant encore que 2 % du CA), a estimé que plusieurs défis devront être relevés : la taille des fichiers, la gestion des illustrations/animations (alors que trop de livres numériques perturbent encore la lecture selon Junko Yokota du Centre pour l’apprentissage à partir des livres d’enfants), les prix et l’intéropérabilité (on pourrait rajouter l’offre, comme l’a fait remarquer Michael Tamblyn de Kobo lors de la conférence “Sales Trends In Kids Apps and eBooks“, même si des offres spécialisées – Storia – apparaissent). Les livres numériques, estime-t-elle, doive encourager leur propre exploration et laisser l’enfant avoir le contrôle sur la narration (voir sa présentation). Bref, ils doivent se rapprocher de ce que Dominique Bouiller appellerait des “Mediascopes”, des livres à explorer.
Apple gère la recherche comme Google fait des tablettes (Hermes Pique)
Encore faudrait-il qu’on puisse les trouver. Lors de la conférence “The Discovery Problem : Getting Your Book App Noticed in the App Store“, Hermes Pique (de Robot Media) a mis le doigt sur un problème que tous les éditeurs connaissent : la visibilité de leurs réalisations sur ce labyrinthe d’App’Store. Selon Pique en effet, “Apple gère la recherche comme Google fait des tablettes“. Le choix de la “couverture” (la navigation passe par les icônes sur l’App’Store) devient donc essentiel, tout comme le choix des mots-clés et la taille du fichier (50 MO maxi). Brian O’Leary aurait sans doute réagi en affirmant que les éditeurs se focalisent trop sur les formats et les plateformes sans chercher à fonder leur stratégie de communication sur le contenu, soit la mise en place d’un écosystème éditorial autour d’un catalogue (critiques de lecteur, avis, vidéos, etc.).
Les possibilités offertes par l’ePub 3
On semble ainsi se diriger de plus en plus vers l’adoption massive des eBooks (les éditeurs anglais font la différence entre “eBooks” – comprenez : format ePub, Kindle, etc. – et Applications-tablettes) et le délaissement des apps, qui sont des gouffres financiers (Schittman annonçait leur mort l’année dernière).
Les applications qui coûtent plus de 2 dollars sont considérées comme des arnaques (Woody Sears, fondateur de Zuuka)
Si l’ePub 3 ne permet pas (encore ?) de réaliser des livres semblables à ceux de Morris Lessmore, de Hiboo Project, de Paper Cut ou de l’Homme-Volcan, le Studio Walrus était cette année invité au TOC de Bologne pour montrer quelles grandes possibilités, inexploitées, offrent cependant ce format pour l’édition jeunesse (même si les développeurs d’eBooks se plaignent d’un manque de documentation technique) :
Le studio, dirigé par Julien et Jérémy (qui devait probablement porter fièrement l’une de ses mythiques chemises à fleurs , a ainsi insisté sur la nécessité de penser le livre numérique pour un environnement numérique, sans envisager de n’en faire qu’une adaptation d’une création imprimée et en délaissant, par conséquent, quelques-uns de ses codes (comme son unité de mesure : la page ou, comme le souhaite Eric Hoftun avec les livres numériques pour enfants, une remise en question de sa prétendue “linéarité”).
Walrus on re-thinking the book as a digital entity: #tocbolognatwitter.com/NosyCrowApps/s…
— NosyCrowApps (@NosyCrowApps) Mars 18, 2012
L’ePub - quand il n’est pas bridé – bénéficie par ailleurs d’une capacité plus large de diffusion sur tous les appareils susceptibles d’être utilisés par les enfants (voir la présentation de Matthew Growney; une tablette pour enfants – Fable – est par ailleurs prévue pour l’automne 2012). Et c’est évidemment ce qui explique son adoption par des organisations et des projets comme Lia, qui vise à rendre accessible la lecture sur écran pour les enfants mal voyants (3000 eBooks seront ainsi bientôt accessibles sur http://www.libriitalianiaccessibili.it/), connus pour lire trois fois plus de livres que les autres.
La lecture pour enfants dans le navigateur
On aura sans doute dépassé ces considérations (essentielles) sur les formats lorsque le passage d’un support à l’autre se fera sans difficulté. Le navigateur incarne ainsi la solution de lecture idéale (la conférence Books in Browsers va dans ce sens, ainsi que le projet Readium), comme il est généralement implanté sur les tablettes, les liseuses et les ordis. C’est le pari de Magic Town (ou de Pottermore), une plateforme où l’enfant est amené à se construire un profil, à découvrir des personnages et qui repose sur un principe d’encouragement à la sacro-sainte lecture (toujours trop célébrée) : “plus l’enfant lit et joue, et plus Magic Town grandit”.