La Co(o)rniche (Arcachon) -Avec Guy Martin- par Patrick Faus
: cuisine banale
: cuisine d’un bon niveau
: cuisine intéressante et gourmande
: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux
: cuisine exceptionnelle
C’était une première. Une expérience unique mais non sans lendemain. Cela s’est passé à La Co(o)rniche, à Arcachon, dans cet endroit magnifique à la vue imprenable sur le bassin.
En saison, on se bat pour une table sur la terrasse ou dans la salle à manger relookée Starck et cette fois réussie dans sa blancheur candide et ses objets décalés. Le couple Téchoueyres a réussi à créer un lieu qui n’existe nulle part ailleurs dans la région. Ce n’est pas son moindre mérite tant on se sent à l’aise et charmé à tous les instants, que ce soit sur le dallage de l’arrivée à la bâtisse, le hall d’entrée, l’immense salle à manger, et les quelques chambres à l’étage siglées également de maître Starck que le paysage a manifestement inspiré. Véritable ruche bourdonnante l’été dans un style brasserie chic, l’idée est venue naturellement de proposer autre chose, ciblée dans le temps, et pouvant intéresser un autre style de clientèle. Une « semaine gastronomique » s’est rapidement imposée, où il s’agirait d’inviter un grand chef reconnu à prendre les cuisines de La Co(o)rniche avec son talent, son style, ses plats et une partie de son équipe. Contacté, Guy Martin (Le Grand Véfour, à Paris) n’a pas hésité une seconde devant ce challenge original. On a pu le voir ainsi dans la semaine du 26 au 31 mars, tout sourire, travailler en cuisine devant la cinquantaine (nombre volontairement limité) de clients gastronomes et gourmets venus se régaler à chaque service. Le succès fut au rendez-vous, ainsi que l’objectif de faire connaître le restaurant dans d’autres conditions et à d’autres clients. Du coup, l’idée de faire perdurer ou recommencer avec un autre chef (ou le même, pourquoi pas) cette expérience fait son chemin. On s’en réjouit à l’avance !Guy Martin a travaillé sur deux menus (95 € et 140 €) à partir des produits de la région qui n’en manque pas dans tous les domaines. Pari réussi, menus d’une gourmandise absolue qui mettent l’eau à la bouche et donne une envie irrésistible de passer à table. À sa manière inimitable, il ouvre le repas avec un plat subtil, étonnant, mais évident : Huître creuse du bassin d’Arcachon dans une crème de chou fleur au ras el hanout, émulsion de haddock. Guy Martin comme on l’aime, sérieux et créatif pour cet équilibre subtil et puissant, que l’on ne retrouve pas tout à fait dans le Foie Gras de canard, confit de courgettes parfumé à la bergamote où celle ci, avec l’omniprésence qu’on lui connaît, prend le plat pour elle seule ou pas loin. Magnifique foie gras cependant, parfaitement cuit et fort goûteux. Attention chef d’œuvre pour suivre ! Filet de Saint Pierre cuit sur la peau, tranche de brocoli agrémentée au gingembre rose, caviar d’Aquitaine et trait de citron au sel : équilibre des saveurs, allusion du gingembre, douceur du caviar en contrepoint de la pointe d’agrumes du citron, et l’excellence du poisson à la cuisson démoniaque. Du grand art. Même combat avec la Poitrine de volaille de Saint Sever rôtie et foie gras, asperges des Landes en ragoût, jus aux truffes : tout en moelleux et en force subtile dans ce plat où la tradition n’est pas loin mais réussi dans sa complexité comme seul Guy Matin… Il proposait aussi ses deux plats emblématiques et éternels : le Parmentier de queue de bœuf aux truffes, grandiose, et son fameux dessert toujours aussi étonnant mais que le chef a sucré un peu plus qu’à l’habitude ce qui adoucit l’amertume de l’artichaut (Crème brûlée aux artichauts, légumes confits (céleri et fenouil), sorbet amandes amères) et qui donne une merveille !
Une réussite de bout en bout. Les clients étaient ravis, nous aussi, le chef également. Il y a des sourires qui ne trompent pas. Heureusement.
Rencontre avec Guy Martin
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à accepter ce challenge ?
Je peux dire que le Sud-Ouest est ma deuxième patrie car tout petit déjà je suis venu en vacances sur la côte, à Hossegor, pendant des années et j’ai plein de souvenirs sur le Pyla, et de grand adolescent quand on jouait de la guitare avec des copains. J’ai donc suivi l’évolution de La Co(o)rniche et je suis venu en client il y a deux ans, j’ai vu le travail de Starck, magnifique, et quand William (le propriétaire) m’a proposé de venir une semaine c’est un peu comme si je retrouvais ma Savoie natale. Ici, c’est ma deuxième région.
Vous avez eu une liberté totale pour mettre en place les menus ?
Absolument, en privilégiant les produits de la région : couteaux, huîtres, foie gras, poisson du matin, les dernières truffes, etc… j’ai voulu défendre les producteurs de la région et les mettre en avant. Je me sens bien ici et je ne crois pas que je l’aurais accepté dans une autre région. Je retrouve une certaine simplicité qui me fait du bien.
Un petit bilan de cette expérience ?
Je crois que tout le monde est ravi. On a été complet à tous les services et on a refusé du monde. On voit que l’on peut faire venir des clients sur du haut de gamme même le midi dans des endroits un peu reculés.
Sinon, où en êtes-vous de vos autres activités ?
Je ne suis plus à Courchevel car ils ont un peu changé de stratégie. En Provence, j’y étais pour donner un coup de main à un ami, mais ils ont décidé de réserver le restaurant aux clients de l’hôtel et ouvrir très peu vers ceux de l’extérieur. Donc, je me recentre sur le Grand Véfour.
Quels sont les trois personnages qui ont marqué votre carrière ?
Edouard Nignon, cuisinier du début du 20ème siècle qui a écrit un livre extraordinaire « L’Heptaméron des gourmets », sept journées qui sont chaque jour une fable sur la cuisine et des repas imaginaires d’une grande beauté. C’était l’époque où j’étais collectionneur de livres et j’ai eu la chance de l’avoir. René Traversac, mon président au Château de Divonne-les-Bains, qui m’a permis de m’exprimer. Jean Taittinger, homme formidable, esprit de famille, et fidélité. Je rajoute le chef André Guillot, du Coq Hardi à Bougival, qui a formé Gérard Vié, découvreur de Freddy Girardet (grand chef suisse, ndlr) et il venait souvent se reposer à Divonne vers la fin de sa vie. Je n’ai jamais travaillé avec lui mais il m’a beaucoup parlé et appris.
On vous connaît grand amateur depuis votre adolescence, donc quel est le dernier disque de rock que vous avez écouté ?
Pink Floyd « The Wall », et le dernier album de Paul McCartney qui a repris des anciens standards de la musique jazzy des années cinquante. Superbe. Et les Rolling Stones régulièrement. Eric Clapton aussi, un de mes préférés.
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Tél : 05 56 22 72 11
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Fermé du 1er janvier au 13 février