Voyage et tourisme éco- responsables ?

Publié le 14 mars 2008 par Anne-Sophie
S’il existe un sujet difficile lorsque l’on parle de limiter le réchauffement climatique, c’est bien la question du tourisme et de l’avion. Certains prennent les choses simplement: comme me l’expliquait un ami récemment, la situation actuelle nécessite des mesures d’urgence, si bien qu’il faut se ranger dans un camp. Ou l’on est collaborateur (du réchauffement), ou l’on est résistant. Le choix vous revient donc de collaborer ou résister…

Mais les choses sont toujours plus faciles à dire n’est-ce pas… Et combien de personnes et d’amis autour de moi font attention, quotidiennement, à leurs comportements et leurs achats (et se placent plutôt du côté des “résistants”), puis partent ensuite loin, en avion, pour leurs vacances… Soupir… Car oui, les choses ne sont pas simples, entre envie de voyages et d’évasion, offres promotionnelles à tout va… On est à deux heures en avion du Maroc, de l’Italie… Six heures de New York…

Problème: qui, actuellement, a véritablement envie de prendre le temps de voyager…? Qui intègrera ce temps dans son voyage, qui aura la patience du voyage, qui aura la sensation du transport…? Mais qui surtout pourra la prendre…? Quand on a quelques semaines de vacances par an, que l’avion coûte moins cher que d’autres modes de transports… Il faut vraiment “en vouloir” pour faire les choses autrement, pour agir “correctement” à ce niveau… D’autant que le tourisme a aussi de bons aspects (pour le développement économique et l’emploi dans certains pays, mais aussi sur la préservation de certaines espèces, comme la protection des éléphants au Kenya…)

Vaste débat donc… Débat sur lequel j’en sais un peu plus depuis que j’ai assisté, il y a peu, à une présentation passionnante de Jean-Pierre Lamic, au sujet de ce que l’on appelle “éco-tourisme” ou “tourisme durable”. Une présentation passionnante par un pro du sujet.

Embarquement immédiat donc.

QUELQUES CHIFFRES

On dénombrait dans le monde en 2006 environ 846 millions de touristes. Avec le développement de ce mode de transport en Chine et en Inde, où se déplacer rapidement a toujours été difficile, jusqu’à très récemment, les choses ne sont pas prêtes de s’arrêter… Sans parler des Low Costs… L’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) estime qu’il y aura 1,1 milliards de touristes en 2010, 1,6 milliards en 2020.

A raison actuellement de 80 000 vols par jour dans le monde, 1,3 milliards de tonnes de CO2 sont émises annuellement, soit environ 5% du total mondial.

Il faut aussi savoir que 19% des voyageurs passent aujourd’hui par des tour-opérateurs.

Si la notion de “touriste” reste encore complexe (entre ceux qui partent trois jours en famille et les touristes de courts séjours, les frontières ne sont pas véritablement délimitées), il demeure que la France accueille 79 millions de touristes par an environ et que 8 millions de français partent à l’étranger. Sur ce total, moins de 150 000 ont voyagé de manière solidaire, équitable ou responsable, et seulement 4000 ont effectué un voyage solidaire. Le tourisme individuel est partagé principalement entre voyages en famille, tourisme rural, tourisme routier (consommation de paysages), tourisme de rencontres (chez l’habitant) et villégiatures.

Enfin, sachez que 10% des touristes choisissent leur destination à des fins de tourisme sexuel, le commerce d’enfants étant estimé à 23 milliards de dollars par an…

DEFINITIONS

Pour Jean-Pierre Lamic, le tourisme éco-responsable est “un tourisme responsable, au niveau social et environnemental, viable économiquement tant pour les émetteurs que pour les accueillants, et dont la finalité n’est pas la production ou la surproduction de richesses aux seuls bénéfices du Nord“.

En son sein figurent 4 catégories :

  1. L’écotourisme qui concerne principalement les zones protégées et fragiles.

  2. Le tourisme d’aventure, de découverte, de rencontres et de culture qui se doit d’appréhender l’ensemble des impacts sur les régions et populations d’accueil, et doit tendre donc à être véritablement responsable.

  3. Le tourisme équitable, tel que les bénéfices engendrés sont orientés vers des échanges et partenariats réels avec les communautés locales, et au bénéfices de ces dernières. L’échange est véritable et les partenariats doivent être respectueux des deux parties.

  4. Le tourisme solidaire, quant à lui, correspond éventuellement à des microprojets à vocation humanitaire, d’aide au développement raisonné avec une évaluation objectives des besoins et des manques.

Naturellement, chacune de ces pratiques touristiques possède des avantages et des inconvénients.

ETHIQUES

Parlons maintenant du “business éthique” (vous savez, ce qui se développe de plus en plus, un peu à l’image du “charity business” très en vogue actuellement…). Comme l’explique Jean-Pierre Lamic, ce genre de business détourne la communication des vrais problèmes et justifie au moyen d’alibis les choix économiques opérés par certains voyagistes qui se servent de l’éthique pour vendre toujours plus.

Il met aussi en lumière des actes qui restent minoritaires : le tourisme solidaire accorde en principe entre 4 et 6% des bénéfices à des actions de terrain, tandis que certains voyagistes qui accordent 0,1% de leurs bénéfices communiquent sur le thème porteur du tourisme solidaire…

Sans parler des micro-formations de guides locaux, qui ne constituent pas la solution pour Jean-Pierre: il sait de quoi il parle pour être dans le milieu depuis toujour, et dénonce notamment le manque de rémunération et de protection intellectuelle des contacts locaux (”les réceptifs”) qui établissent les itinéraires…

CHARTES ET LABELS

Même si l’OMT a fait des efforts avec la rédaction de principes fondateurs du tourisme responsables, ceux-ci restent du domaine des bonnes intentions, selon Jean-Pierre Lamic.

L’association ATR (Agir pour un Tourisme responsable), qui regroupe une vingtaine de voyagistes, a créé un label publié au Journal Officiel en mars 2007. On y trouve mentionnés les points suivants :

- Le respect des cultures et des populations d’accueil. Mais sur le terrain, que signifie une telle phrase ? On passe dans un village, tout le monde se sourit et le respect est ainsi établi… ? Cette terminologie n’est-elle donc pas un peu limitée… ? L’échange ne doit-il pas être plus concret ? Car comme l’affirme JP Lamic, une médiation avec les personnes sur place est indispensable, il faut surtout penser la rencontre !

- La gestion des flux, qui, en termes de tourisme, est mesurée scientifiquement via ce que l’on appelle “capacité de charge”. Celle-ci permet de connaître le seuil de fréquentation acceptable et donc de mesurer la sur fréquentation d’un lieu… Mais comment déterminer le nombre de personnes acceptable … ? Comment fixer une telle mesure… ?

- Enfin, le label dit que – “60% des voyageurs doivent être accompagnés de manière régionale“. Mais qu’entend-on par région ? Le pays ou le continent ? Car ici la frontière reste floue… “Cet engagement n’est pas applicable aux voyages non accompagnés”. Et quid des 40% restants ? Il s’agit bien souvent de français expatriés vivant dans le pays… En fait, “60% des voyageurs doivent être pris en charge par des réceptifs dont 75% du personnel est d’origine régionale”.

D’après Jean-Pierre Lamic, ces critères n’ont donc rien de contraignant et ne font qu’entériner une situation existante… alors que la tendance actuelle est à la facilité et à la sous traitance.

VOYAGEURS ET VOYAGISTES ECO-RESPONSABLES

Pour Jean-Pierre Lamic, un label devrait clairement établir les bases du partenariats. La contractualisation pourrait être concertée avec une négociation équitable. Le développement doit être local (la notion de territoire est cruciale) et enfin la transparence doit être totale afin de savoir où va l’argent que l’on a dépensé !

L’association des Voyageurs et Voyagistes Eco-responsables, fondée entre autre par notre guide, travaille à l’élaboration d’une charte qui devrait inventorier l’ensemble des éléments à prendre en compte pour un tourisme véritablement équitable, solidaire, et responsable.

Parmi les critères retenus, on trouve: la transparence, l’information préalable, la propriété intellectuelle de l’itinéraire, la prise en compte de la capacité de charge du territoire, l’indication relative à la taille du réceptif local, la mention de la qualité de la rémunération des diplômes des intervenant, le pourcentage des produits locaux parmi ceux consommés, les projets de tourisme solidaire expliqués dans leur contexte, la compensation éventuelle des émissions de CO2 générées.

Cette charte sera prochainement promue par l’association.

POUR RESUMER…

Par conséquent, il semblerait que le “tourisme durable” demeure pour l’instant une utopie, car “cela supposerait que le mode de consommation dans son ensemble soit durable, ce qui est loin d’être le cas”, insiste Jean-Pierre… La communication autour des notions de tourisme responsable, solidaire ou équitable se développe mais ce tourisme reste ultra confidentiel et, on le sait, les démarches isolées n’aideront pas à la progression de la profession…

En outre, les moyens de transports alternatifs ne sont pas pensés en tant que tels, car les voyageurs ont plutôt l’habitude de les considérer de manière ludique. Pourtant, le vélo, la voile, la traction animale ou les sports de glisse sont clairement des modes de déplacement alternatifs.

Le mieux est donc de privilégier les acteurs de terrain et les associations impliquées localement… Réfléchir aussi à la notion de confort dans le voyage, et à notre relations aux autres et à l’étranger, tout simplement…

Et d’aller faire un tour sur les sites internet des acteurs référencés dans la barre d’outils, naturellement;-)

Pour aller plus loin :

Livre:

LAMIC Jean-Pierre, Tourisme Durable, utopie ou réalité?, L’Harmattan, collection Tourismes et sociétés, Paris, à paraître, avril 2008

Quelques sites sur le sujet:

Le Blog de l’association VVE: http://blog.voyages-eco-responsables.org/ sur lequel Jean-Pierre et ses confrères présentent leur activité, mais lancent aussi des débats sur un sujet peu médiatisé encore!

L’association ATR: http://www.tourisme-responsable.org/

Mes Courses pour la Planète: Voyages en France, vacances à l’étranger

Le Passeport Vert publié le 7 mars dernier par le PNUE, en concertation avec le ministère français de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durables et le ministère brésilien du Tourisme, et le ministère brésilien pour l’Environnement, est une initiative du Groupe de travail international sur le développement du tourisme durable. Il a pour objectif de fournir aux voyageurs les informations leur permettant de réduire leur impact sur l’environnement et la société.

Crédit photos:

Atalante, Tec Conseil

Quelques voyagistes responsables (dans la barre):

Asso: UNAT- ATES

Privés: Saiga- Terres Oubliées- Hommes et Montagnes-Matins du Monde- Akaoka-Atalante-Vacances Bleues.