Il rodait. On l'ignorait. On le méprisait. On le minimisait. On le sous-estimait.Aussi grand et aussi fort qu'il pouvait être, il ne pouvait pas nous atteindre.
Un matin, le Soleil refusa de se lever. La Lune, mécontente, le tirait par les rayons, mais rien n'y fit. "Je ne veux pas être témoin de ce qui va arriver", marmonna la boule de feu. Le Ciel saisit la gravité du moment et s'éleva dans sa robe grise, alourdie de gros nuages. Les rivières se précipitèrent dans leur lit. La savane grinça de peur.Il arrivait.
La forêt lança l'alerte. Les montagnes scandèrent en écho. Le vent souffla la panique. Les animaux détalèrent en trombe.Il était là.Transpirant, rugissant, haletant.Géant, mortifiant, vociférant.Le visage hideux, défiguré par le mal.L'haleine nauséabonde empestant la mort.Le corps puissant, scarifié d'opprobre.L'allure terrifiante, imbiber de tares.Il se dressait là, devant nous.
"Nous pouvons encore négocier!", se rassuraient certains."Nous n'avons plus aucune chance!" Les autres se résignèrent.
Le Monstre a levé les bras au ciel, comme pour amasser un condensé de fureur.Le Monde se figea.Le silence frissonna.Nous ne pouvions pas le croire!Il était trop tard.
Dans un mouvement indescriptible, la furie s'abattit sur nous.La robe du Ciel se déchira.La Terre craquela.Le Vent se crispa.De douleur, le Soleil s'embrasa.
Nous essayions de fuir.Nous essayions de crier.Nous essayions de survivre.Nous gémissions.Nous supplions.Nous implorions.
Nos yeux se cassèrent par souffrance.Nos coeurs saignèrent des larmes de sang."Pourquoi?" demandèrent nos lèvres innocentes.Le Monstre s'acharna sans complaisance.
Ses yeux fulminaient de colère.
Sa bouche s'assoiffait de malheur.Ses poings s'enflammaient de haine.Rien n'était épargné. Rien ne lui échappait.Même pas l'innocence, même pas l'insouciance, même pas l'indulgence, même pas la tolérance.Le Monstre buvait la violence jusqu'à l'ivresse.Rien ne serait plus pareil.
Il s'arrêta lorsque la colombe de la Paix s'enfuit de la cime de la montagne.Rassasié, il contempla un instant le désastre.N'appréciant pas l'abime, il s'en alla vers d'autres enfers à conquérir.Le silence s'étala dans les décombres. Le vent s'aventura dans la désolation. Un frémissement attira l'attention. Quelque part dans cette damnation, brûlait toujours la flamme de l'espérance.
C'était il y a un an.
Aujourd'hui, les survivants se sont levés.Le Soleil s'étire aux aurores et le soir venu, la Lune nous borde tandis que les Etoiles nous racontent une histoire.Cette toute nouvelle histoire où le petit garçon sourit à nouveau et où la petite fille chante et danse dans l'herbe fraîche.Cette histoire où les amoureux revivent avec douceur leurs étreintes et où l'on peut entendre les rires de nos frères et de nos soeurs.Cette belle histoire où nous nous ravissons devant les yeux d'un père fier et où nous nous consolons sous les baisers d'une mère aimante.Ce chapitre où la terre suinte encore du sang des innocents et où nous prions pour le repos de l'âme de ceux partis trop tôt.Cette nouvelle chance de pouvoir modifier, améliorer, enrichir le début, le milieu et surtout la fin, puisqu'elle est Notre Histoire!Cette nouvelle chance de se sentir vivant et emplit d'amour et d'espoir...Une nouvelle vie. Saisissons là!
Il y a un an, la Côte d'Ivoire vivant les moments les plus sombres de son histoire.
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