Il y a environ cinquante ans, une modeste comédie en noir et blanc conquérait le coeur des français, accompagnant l'ascension de deux immenses acteurs comiques, Jacqueline Maillan et Louis de Funès, alors stars en devenir.
Un demi siècle et 834 diffusions TV plus tard, Lionnel Astier tente le pari d'offrir un nouveau visage aux personnages de cet improbable vaudeville familial sur fond d'escroquerie pétrolière qui, dix ans avant d'être un film de Jean Girault, avait connu un succès certain au théâtre sous le titre de "Sans Cérémonie" (pièce déjà signée par le réalisateur et Jacques Vilfrid). Le risque était grand de constater que si la virtuosité colérique de Fufu et et la réjouissante folie de La Maillan avaient rendu le film inoubliable, le script l'était sans doute un peu moins... Mais au final, contre toute attente, la surprise est bonne, comme la soirée que nous avons passée aux Bouffes Parisiens.
D'abord parce que l'intrigue, délicieusement désuète, est remarquablement construite, supportant sans rougir la comparaison avec les meilleurs Feydeau. Deux mots à son sujet. Afin d'éloigner un prétendant indésirable, une jeune fille s'invente un mari qui va devenir son frère, fraîchemet rentré d'Amérique du sud, pour que son père puisse éviter la ruine en revendant une concession pétrolière sans pétrole, située outre Atlantique, reçue en cadeau d'anniversaire de son épouse farfelue qui possède un coq (Pouic-Pouic) en guise d'animal de compagnie. Situations cocasses, dialogues ciselés et bien souvent hilarants... Incontestablement la matière première se révèle excellente.
Ensuite parce qu'en effectuant quelques coupes, en adaptant et transposant l'action dans les années 70, sous Giscard, en pleine crise pétrolière, Lionnel Astier et Stéphane Pouplard ont fait du bon boulot. Ils donnent à la pièce un aspect rétro charmant mais lui évite de trop sentir la naphtaline des vieux boulevards.
Enfin parce qu'à tous les niveaux (mise en scène, décor...) cette production s'avère d'une belle qualité. A commencer par la distribution. Si jamais personne ne nous fera oublier les légendes du rire évoquées plus haut, les deux rôles principaux servent joliment cette comédie. Le jeu nerveux et juste de Lionnel Astier insuffle à la pièce une cadence soutenue, tandis que la folie vaporeuse de Valérie Mairesse, qui ne comprend pas grand-chose à la situation et tente de faire la cuisine à la truelle et à la perceuse, nous enchante tout du long de la représentation. A leurs côtés, les charmants David Saada et Rachel Arditi sont des amoureux jaloux efficaces. Eric Berger (le Tanguy de Chatiliez) compose avec brio un pigeon de premier choix. Tous trois sont parfaitement dans le tempo. Pour leur part, Alexandre Jazédé, qui joue les abrutis finis, et Bénédicte Dessombz, qui assure le double rôle de la domestique et de la croqueuse d'hommes brésilienne, devront gagner en assurance pour convaincre totalement.
Nonobstant quelques problèmes de rythme inhérents aux premières représentations et un petit quart d'heure de trop, ce "Pouic-Pouic" 2012 à la sauce seventies pourrait bien faire office de divertissement printannier pour nombre de parisiens nostalgiques du célèbre poulet. Car le rire est au rendez-vous. Indiscutablement.