On a connu M83 à ses débuts il y a de cela plus d’une dizaine d’année. Après plusieurs disques qui ont vu son statut passer de découverte à groupe majeur, le succès international semble être la prochaine étape, et la tournée en cours confirme cela.
L’occasion de faire le bilan et de discuter de l’avenir de la constellation avec Anthony, seul maitre à bord du vaisseau désormais en orbite.
Tu es installé à Los Angeles depuis quelques années, qu’est ce qui a motivé ton départ pour les États Unis ?
Cela fait maintenant deux ans et demi, j’avais besoin d’un changement après 29 ans dans le sud de la France et sur Paris, je ressentais le besoin de me mettre en danger d’une certaine façon, de partir un peu loin de ma famille et de mes amis. C’était en quelque sorte une volonté égoïste, un trip égocentrique où tu te casses à L.A pour tenter ta chance. En même temps c’est un marché porteur et je ne suis pas en terrain inconnu, c’est un endroit où j’ai beaucoup d’opportunité de travailler avec des musiciens et où ma musique est bien reçue. Cela a été autant un plan de carrière qu’un choix de vie.
Pour de nombreux médias, LA est devenue la Mecque de la scène américaine, est-ce vraiment le cas ?
J’ai pris une grosse claque en arrivant, j’ai vu beaucoup de choses et énormément de groupes, notamment des formations indés avec un très bon niveau, cela m’a motivé, ça crée une émulation, tu es très vite remis en place et tu prends conscience que tu dois bosser encore plus dur. Cela m’a boosté indéniablement pour l’écriture de mon dernier album. C’est définitivement la ville rêvée pour tous les musiciens. En même temps et paradoxalement tu connais vite toute la scène et ça aide énormément pour les contacts. Dés mon arrivée j’ai pu travailler avec Justin Medal-Johnsen (Beck, Goldfrapp, NIN…) qui m’a introduit dans le milieu, j’ai ainsi fait la connaissance de Alessandro Cortini (NIN), Brad Laner (Medicine) ou Zola Jesus qui tous les deux ont chanté sur l’album.
Pour moi la composition et l’enregistrement font partie du même processus, je commence toujours tout seul, c’est mon modus operandi. J’ai besoin d’être dans mon environnement pendant les trois, quatre premiers mois et c’est ainsi que je suis venu tout naturellement à la conception d’un double album,une idée longuement murie pendant la tournée précédente. Ensuite Justin m’a rejoint et a posé sa patte, on est parti dans son studio bosser plus en profondeur les structures. On a enregistré ensuite à Sunset Sound (Prince, The Doors). Son apport est indéniable, c’est un musicien exceptionnel, avec beaucoup d’expérience et il a vraiment joué un rôle de producteur, me conseillant beaucoup sur les directions à prendre et les collaborations. On a essayé de faire quelque chose d’assez éclectique, tout en restant très cohérent on peut percevoir ce disque comme une bande son pour un film imaginaire.
Qu’est ce qui diffère dans les méthodes de travail américaines ?
C’est mon premier album ici donc je suis mal placé pour comparer. En ce moment les studios cassent les prix à cause de la crise, ce qui les rend plus accessibles que se soit le Sunset Sound ou le Sound Factory dans lequel on a mixé l’album avec Tony Hoffer. Les musiciens aussi. En Angleterre c’est nettement moins évident par exemple. Et puis à L.A on trouve plus facilement les bonnes personnes, cela simplifie énormément les choses.
Je crois que les gens sont plus sensibles à l’émotion qui se dégage de ma musique qu’à son exécution.
Tu as fourni plus de travail au niveau du chant, cela est il venu naturellement ?
J’ai toujours aimé chanter, surtout en studio. Ma musique comme ma voix a besoin d’effets, c’est indissociable de ma musique, j’aime expérimenter, doubler, tripler ma voix. La technologie m’aide à donner vie à mes idées, je suis un touche à tout et j’adore expérimenter. Je crois que les gens sont plus sensibles à l’émotion qui se dégage de ma musique qu’à son exécution.
Les réminiscences années 80 sont très marquées, avais tu cela en tête avant d’entrer en studio ?
J’ai grandi dans les années 80, inconsciemment j’ai écouté tous les groupes majeurs de ces années là, et j’en ai découvert certains plus tard durant mon adolescence. Ça fait partie de moi, et ce serait un sacrilège de faire un album qui ne sonne pas un peu 80′s. Cependant je pense que cet album sonne autant années 70 ou 90, ma musique est juste le reflet de mes influences, c’est un condensé de style.
L’album a été très bien reçu, t’attendais tu à un tel engouement ?
Secrètement tu rêves d’un succès sur chaque album. On a bossé pendant plus d’un an et je me suis beaucoup investi, ainsi que les participants. Il y a eu forcément des moments de doutes pendant lesquels je ne faisais pas de musique et où je n’avais plus confiance en moi. Tu bosses dans l’ombre et tu vas passer d’un état d’euphorie à une phase où tout va te sembler mauvais. Cela fait partie d’un processus de conception d’un album.
Tu as une visibilité internationale que peu d’artistes français en dehors de la scène électro ont acquise.
Je ne réalise même pas, cela me semble dingue. Tous mes rêves d’ados prennent vie. Je suis content de la façon dont on a géré ma carrière, en commençant petit et en évoluant. J’aime la façon dont les choses se sont passées, tout n’est pas arrivé brutalement. Si dés le premier album cela avait démarré aussi vite je ne sais pas si j’aurais pu assumer. Dix années dans le milieu musical m’ont forgé et j’apprécie d’autant plus ce qui est en train d’arriver.Je crois que les gens sont plus sensibles à l’émotion qui se dégage de ma musique qu’à son exécution.
[...]ma musique est juste le reflet de mes influences.
On a eu un très bon accueil, les salles ont été remplies. Je suis heureux de voir que les choses démarrent aussi en Europe, j’y tiens énormément. Aux USA il y a un public pour tout et cette ouverture d’esprit aide beaucoup.
Quelles vont être tes prochaines dates ?
On va jouer au festival de Coachella courant Avril, avec une affiche géniale et dans un cadre exceptionnel. Puis on va enchainer des dates américaines avant de revenir en Europe cet été (Olympia à Paris en Juin…). On va tourner jusqu’en Septembre / Octobre avant de faire un break indispensable après un an de tournée.
Et tes futurs projets, travailles tu déjà sur un nouvel album ?
J’ai plein de choses en tête, je compose sur la route ou chez moi, j’aime bien trouver un concept pour chaque album et là je suis encore en phase de gestation. Sinon je suis sur un projet pour la musique d’un film qui vient de s’officialiser récemment et je pense donc que le prochain album sera une bande son.