Bertand Belin

Publié le 11 avril 2012 par Lordsofrock @LORDS_OF_ROCK

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REVIEW - Dans le cadre du festival voix de fête à Genève, en mars, chantait et jouait le chanteur et musicien Bertrand Belin. Impressions du concert : cocaïne, armes à feu, prostitution ; un dossier scandale.

Bertrand Belin, acronyme et initiale B.B., a sorti son dernier mais non ultime album il y a quelques temps. Cet album porte le nom d’un concept qu’il a lui même inventé et qui se définit par le substantif « Hypernuit », plus noir que noir, à l’intérieur et au delà de l’obscurité. L’album est très bien, mais ce n’est pas ce dont il est question ici alors revenons à nos moutons : le spectacle. Déjà Bertrand Belin, il a la classe en concert et dans la vie peut-être aussi. Il est habillé comme un crooner américain qui joue sur un plateau télé d’une émission de variété musicale, qui occupe les ménagères le samedi après-midi pendant l’heure du repassage des chemises et qui fait se pâmer les donzelles d’un quart de siècle le samedi soir dans un bal olé-olé. Mais, s’il en a l’apparence, il n’en a pas l’attitude. Pour le comportement, il faut plutôt chercher du coté des anglo-saxons, les habitants mystérieux de l’autre côté de la Manche, ceux qui sont encore monarchistes. Il possède ce flegme, cette nonchalance anglaise qui l’oblige à la contenance et qui officie comme balance de ses mots.

Parce que s’il y a bien une chose que Bertrand Belin fait à merveille, c’est peser ses mots. Il en connaît le poids, le volume, la surface et les profondeurs comme le Jacques Cousteau les fonds marins. Il aime les dire, les répéter à l’infini. Il construit ses textes en disant et redisant la même chose en y ajoutant à chaque répétition un mot supplémentaire, ou en le retirant. On a l’impression d’écouter un de ces examens de mémoire à court et moyen terme, celui pour lequel il y a devant nous une petite interface interactive composée de cinq couleurs et de cinq positions différentes et qui tour après tour, nous joue une couleur associée à un son, couleur et position que l’on doit retenir, pour le reproduire juste après. Les couleurs et positions s’additionne tour par tour jusqu’à que l’on faillisse. Bertrand Belin est donc très pédagogue et nous fait comprendre et aimer ses textes par la répétition. Durant l’une de ses chansons, il a répété le mot « fouille » ou « fouiller » une bonne cinquantaine de fois, je pense que les 150 personnes présentes à ce concert comprennent et aiment vraiment ce mot désormais. 

En plus de la maîtrise du langage, il faut mettre au crédit de Bertrand Belin sa maîtrise du rythme. Il semble que ce soit l’un des seuls musiciens qui chante en français ou alors qui chante tout court qui se préoccupe du rythme et qui parvient à créer des choses originales grâce au rythme. Je ne veux pas faire un cours de solfège mais il utilise beaucoup de rythmes, soit durant ses solos de guitare soit au cœur de ses chansons, qui ne sont ni binaires ni ternaires (ces deux types de rythmes occupent environ 99% de la musique actuelle). C’est donc assez plaisant d’entendre un chanteur, de surcroit français, qui cherche au-delà des choses connues et entendues de tous.

Pourtant, si l’on veut être un peu tatillon, il manque peut-être une seule chose  à Bertrand Belin et c’est peut-être le contrecoup de sa nonchalance anglo-saxonne : la foi dans la musique, la passion, l’engagement. Il fait de la musique comme s’il présentait un colloque à l’université – j’exagère un peu mais il n’est pas loin de ça. Certes, il le présente très bien son séminaire mais ça manque un peu de conviction. La musique reste, malgré ses textes plutôt malins, une histoire de sentiment. On ne peut pas faire de la musique comme on joue une partie d’échec, ce n’est ni approprié ni à propos.

Mais, c’est juste pour être un peu crapule, sinon Bertrand Belin se débrouille très bien sur une scène. Il parvient avec son verbe et sa verve à conquérir l’espace et le public. Il fait de la belle musique avec plein de belles choses dedans. Il aime le mot, le mot insolite, il aime les choses propres et originales de la langue française et il est peut-être un des chanteurs les plus intéressants de la France ces temps-ci.