Franquin n’ayant pas souhaité que le personnage de Gaston Lagaffe soit repris après sa mort, Marsu Productions doit donc déployer des trésors d’imagination pour continuer à capitaliser sur la popularité de l’employé de bureau le plus flemmard de la bande dessinée. C’est ainsi que l’éditeur a décidé de sortir un dictionnaire du petit Lagaffe illustré. Manière de continuer à exploiter le filon tout en espérant toucher une nouvelle génération de lecteurs potentiels. Après tout, si le second objectif est atteint, on ne saurait lui tenir rigueur d’employer pour cela tous les moyens à sa disposition. Après un premier volume paru fin 2010, c’est donc la suite qui nous est aujourd’hui proposée.
C’est l’auteur Renaud Mouraux qui a été chargé d’établir ce dictionnaire destiné à (re)découvrir un personnage apparu de manière complètement atypique dans les pages du magazine Spirou en 1957. D’abord conçu pour combler les blancs laissés par les encarts publicitaires selon qu’il s’agissait des éditions française ou belge du magazine, Gaston Lagaffe n’était, dans l’esprit de Franquin, qu’un éphémère second rôle ne devant guère perdurer au-delà de quelques mois. C’était sans compter sur l’affection que les lecteurs, des deux côtés du Quiévrain, allaient très vite éprouver pour cet anti-héros si attachant. Et Franquin de se prendre au jeu, au point que Gaston deviendra, à partir de 1973, la seule série sur laquelle travaillera l’auteur. Une série qui aura duré près d’une quarantaine d’années, et qui aura connu près de mille gags au total, jolie performance.
Ce dictionnaire s’attache à faire revivre le petit monde de Gaston, en présentant, évidemment, les personnages essentiels qui le peuple, de Lebrac, dessinateur au bord de la crise de nerfs, surtout quand le chat de Gaston décide de prendre sa gomme comme support de jeu favori, à Prunelle, le rédacteur en chef dont l’essentiel du travail, qui devrait être de diriger le journal, se résume souvent à tenter de faire travailler Gaston, ce qui peut s’apparenter à un treizième travail d’Hercule, en passant par Longtarin, le souffre-douleur préféré de Gaston, une sorte de guerre de tranchée autant que d’usure semblant avoir été déclarée entre le policier irascible et le contrevenant allergique à l’ordre établi, M’oiselle Jeanne, l’amoureuse toute platonique mais néanmoins transie de Gaston, capable de lui trouver toutes les qualités même après avoir parfois subi le contrecoup des pires gaffes de son soupirant.
L’ouvrage est aussi l’occasion pour Renaud Mouraux, désormais assisté de Pedro Inigo Yanez, de mettre l’accent sur des thèmes récurrents parsemant les aventures de Gaston, comme les différentes machines, souvent aussi inefficaces qu’inutiles, inventées par notre petit génie (machine à faire des ronds de fumée, à replonger le Gaston dans le travail, à sortir du bureau), les rêves, dans lesquels Gaston s’évade plus souvent que le quidam moyen, et qui lui permettent évidemment d’accomplir des exploits qui lui sont impossibles dans le réel, jusques et y compris enfin vivre sa passion pour M’oiselle Jeanne, les trésors d’ingéniosité développés par le sieur Lagaffe pour pouvoir garer son antique Fiat 509 en toute impunité, c’est-à-dire sans subir les foudres de ce fâcheux de Longtarin, les téléphones qui servent presque à tout, et même, accessoirement, à discuter avec un correspondant, si si, les uniformes, auxquels Gaston (et donc Franquin, par ricochet) semble définitivement allergique, policiers, militaires et autres gardiens de parcs publics subissant plus souvent qu’à leur tour les contrecoups de ses « inventions », ou encore les voitures, qui parsèment rues et routes empruntées par tout ce petit monde.
Mais les auteurs ont aussi traqué le plus infime détail dans les cases et les planches composant l’œuvre du dessinateur, notamment ces marques et logos dont Franquin a parsemé ses dessins, et qui, s’ils n’apparaissent pas forcément évidents au premier coup d’œil, apportent parfois un second degré de lecture dès lors qu’on les a débusqués.
Chaque entrée bénéficie d’un court texte permettant de la replacer dans son contexte, et est illustrée d’une ou plusieurs cases extraites des différents albums, celles-ci étant référencées (numéro du gag, numéro de l’album et numéro de page) de manière à pouvoir les retrouver in situ.
Ce dictionnaire est-il indispensable ? Peut-être pas si vous possédez déjà tous les albums, sauf à les redécouvrir à l’aune des anecdotes rapportées par les auteurs. Probablement si vous ne connaissez pas encore la série et que vous souhaitez en avoir un premier aperçu avant de vous lancer dans l’acquisition de la collection complète. Certainement si vous êtes un fan inconditionnel et qu’il vous faille posséder l’intégralité de ce qui a un rapport avec votre héros préféré. A chacun de voir.