Un portrait des proches de Mélenchon ce matin dans Libé. Celui de Jacques Généreux note : "L’économiste antilibéral, enseignant à Sciences-Po, à Paris, et directeur de collection au Seuil, dit avoir déjà convaincu le candidat sur deux points «essentiels» : s’engager clairement dans un maintien de la France dans la zone euro ; et..."
C'est donc Généreux qui aurait entraîné Mélenchon dans son combat douteux pour l'euro (je ne reviens pas sur les commentaires du billet précédent, mais je ne suis pas le seul à relever qu'autant Mélenchon est très clair sur le domaine de la défense, autant sur l'euro il est flou).
Du coup, cette vidéo où Généreux parle économie devient intéressante, on est quasiment dans la médecine légale.
J'ai écouté un peu en diagonale, donc j'ai pu rater des étapes.
Mais, vers 50 minutes, Généreux explique que l'euro a cassé la spéculation sur les changes. Première approximation. L'euro a effectivement gelé la parité mark/drachme par exemple.
La spéculation ne se porte pas sur la parité mark/drachme (pour cause, elle n'existe plus), mais sur la probabilité comparée de défaut sur la dette allemande ou grecque.
Par ailleurs, comme Généreux ne le relève pas, l'inflation grecque (ou espagnole, italienne ou française, au choix) continuant à être supérieure à celle de l'Allemagne, la compétitivité de ces pays se dégrade d'année en année (cf. mon billet sur le bilan de l'euro).
Comme l'indique pourtant un blogueur financier, Jean-Pierre Chevallier, le déficit cumulé de la balance commerciale française depuis janvier 2003 est de 337 milliards d'euros (cf. son billet complet).
C'est le financement de ce déficit qui casse la croissance et entraîne la dette.
Généreux ne le voit pas car il impute la hausse de la dette à la baisse des impôts. Pour lui, l'économie ne fonctionne plus parce que l'impôt ne rentre plus : les cadeaux fiscaux ont ruiné l'Etat, pas l'euro.
Comme l'indique pourtant Jean-Pierre Chevallier, le déficit commercial français atteint un rythme de 70 milliards d'euros par an. Alors que les cadeaux fiscaux sarkozystes n'ont, au pire, entraîné qu'une quinzaine de milliards d'euros de manque de recettes par an. Le rapport est de quatre à un. Même si l'on peut ajouter les cadeaux fiscaux de la gauche, on aura du mal à prouver que ces deux phénomènes sont du même ordre de grandeur.
Le plaidoyer européen de Généreux
Généreux oublie les défauts de l'euro, il lui faut cependant en plus expliquer l'intérêt positif de l'Union européenne. Il déploie alors une explication fiscale, puisque la fiscalité est, selon lui, au coeur de la crise.
Selon Généreux donc, une Union européenne unie, dans laquelle les nations n'auraient plus - très difficilement et de moins en moins - le dernier mot, comme par magie, en finirait avec les baisses d'impôts. Les Etats-Unis sont un état unitaire mais les baisses d'impôts sont depuis les années 80 une tendance lourde. L'unité européenne n'apporterait donc pas mécaniquement, comme le dit Généreux, des hausses d'impôts.
Je suis obligé de rejoindre Descartes (le blogueur) sur ce thème : la gauche, PS comme Front de gauche, joue le consommateur contre le producteur :
"Si la "concurrence libre et non faussée" a pu s'imposer dans les années 1980 comme l'idéal économique, c'est parce qu'elle fait l'affaire des hordes de consommateurs mais ne sacrifiait qu'une partie des producteurs: ceux des industries de main d'oeuvre (métallurgie, textile...). Les classes moyennes ont cyniquement sacrifié la classe ouvrière pour maintenir et augmenter leur niveau de vie. Il n'y a qu'à voir la manière dont ces industries ont été restructurées pendant les deux septennats de François Mitterrand, par des gouvernements socialistes qui ont poussé les feux de l'Europe libérale tout en compatissant médiatiquement aux malheurs d'un prolétariat en plein désarroi."
On peut lui reprocher l'emploi ici de l'expression "classe moyenne", qui a déjà fait couler pas mal d'encre virtuelle sur un billet précédent. Ce sont en réalité les classes protégées qui jouent le jeu du libre échange écervelé. Il faudrait les définir plus précisément. Reste que la gauche, Mélenchon compris, ferme les yeux sur la nécessité de rééquilibrer le jeu des échanges commerciaux. Probablement par peur de paraître égoïste. En attendant, ce sont les grecs qui paient aujourd'hui le plus chèrement notre "générosité", et la France commence à sentir très fortement peser le coût de l'euro.
Dommage que Généreux ne fasse pas preuve de plus de lucidité sur cette histoire.