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OTAN à la carte

Publié le 10 avril 2012 par Egea

Mes étudiants m'ont encore donné de bonnes idées, aujourd'hui. Il faut dire que j'avais un peu provoqué, en instaurant un débat : "Defense industry steers the Alliance : yes or no ?". Au début, la plupart m'ont regardé comme un martien, du style : "Quelle drôle d'idée ! pourquoi pose-t-il des questions comme ça ?". Une demie-heure plus tard, les avis étaient plus partagées... Et du coup, comme il y a eu des échanges, ça m'a donné des idées. De restaurant.

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En effet, l'OTAN fonctionnait surtout avec un menu : du style on entrait, on prenait le menu du jour, et tout le monde mangeait la même chose et payait la même chose. Le chef (je veux dire : le cuisinier, qu'allez vous chercher là) était américain et personne ne mouftait vraiment. Car si la cuisine était un peu grasse, il y avait un rapport qualité prix superbe : on mangeait de la sécurité à satiété qu'on ne payait pas très cher : juste le fait de manger américain.

Et puis la mondialisation est venue, le chef a écouté des conseillers en management qui lui ont dit qu'il fallait jouer les cost killers tout en augmentant le choix du client. Bref, on a abandonné le menu, on est passé à la carte. Du coup, les clients ont continué de manger gras, mais ils ont choisi les plats. Mais aussi, ils payent moins cher. Surtout, comme ils ne prennent plus le menu, ils consomment moins : c'est qu'eux aussi ont consulté, cette fois un conseiller an diététique, qui leur a expliqué qu'ils consommaient trop de sécurité et que compte-tenu de leur portefeuille et de leur débit à la banque, ils feraient bien de faire un régime. Moins de sécurité, donc, car moins de besoin de sécurité. Ce qui ne fait pas les affaires du chef, d'autant que celui-ci compte ouvrir une pizzeria à l'autre bout de la ville, mais souhaiterait continuer de faire fonctionner sa gargote...

Décryptons : avant, l'OTAN était "cohèse", tous groupés en rang d’oignons face à l'est, face à une grosse menace. Et du coup, chacun payait sans hésiter, même si les Américains faisaient déjà le coup du burden sharing.

Et puis on a eu les dividendes de la paix (perçus des deux côtés de l'Atlantique). Et puis il y a eu le 11 septembre, et les Américains ont cru qu'ils étaient en guerre : ils ont remonté leur budget au niveau de la guerre froide, shootant leur complexe militaro-industriel à coup de commandes toutes plus pharaoniques les unes que les autres. Les Européens ont fait semblant d'y croire, se sont beaucoup inquiété du terrorisme, puis de l'Irak, puis de l'Afghanistan, puis des COIN, ils ont appris que Galula était un grand penseur, des choses comme ça.

Ils ont été en opération : un peu en Irak, un peu plus en Afghanistan. Si possible au nord ou à l'ouest, mais quand ils étaient au sud ou à l'est, les Européens étaient bien embêtés : on a vu ainsi apparaître beaucoup de caveats, des restrictions d'emploi. En clair, on fait semblant d'y être, facialement, mais on n'y est pas vraiment. Une cohésion pour rire, car au fond, l’Afghanistan, ils ne considéraient pas que c'était leur affaire, ils n'y allaient que pour faire plaisir aux Américains.

En Libye, ce fut encore pire, ils ont écouté plus que jamais la doctrine Rumsfeld : "la mission fait la coalition". Et du coup, la moitié des alliés n'y est pas allée. L’alliance c'est plus que jamais une coalition permanente, où on choisit, c'est selon, d'y aller ou pas. Une alliance à la carte, pas au menu.

Même chose pour l'équipement : Au départ, le premier équipement acheté en commun était l'AWACS, c'était autour de 1980. En pleine guerre froide. Déjà, tout le monde n'y était pas, imaginez. Depuis, ça s'est aggravé. On raconte qu'on achète des trucs en commun (économies d'échelle, ce genre de trucs) mais en fait, il n'y en a qu'une toute petite partie qui achètent vraiment : 13 nations seulement ont acheté des C 17 placés sur la base de Papa (voir billet), 15 viennent de signer pour l'AGS (Air Ground Surveillance)....

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En équipement, c'est comme en opération : on n'a plus de menu, on ne choisit qu'à la carte. C'est ça, la doctrine Rumsfeld au quotidien....

Ces étudiants m'ont donné un vrai cours de restauration collective...

O. Kempf

NB : Ces propos n'engagent que moi et aucune des organisations pour lesquelles je travaille.


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