“Je suis marquée au fer rouge” : une ex-dysorthographique témoigne

Publié le 10 avril 2012 par Soseducation

Diagnostiquée dyslexique, ce n’est qu’à 36 ans qu’Anne-Marie Gaignard se rend compte que ce n’est pas son cerveau qui est en cause mais la façon dont elle a appris à lire et à écrire, avec une méthode globale dans une école pilote des pays de Loire ” J’ai servi de cobaye” raconte-t-elle
En 2010, elle a fondé l’association Plus Jamais Zéro pour venir en aide aux enfants en très grande difficulté scolaire. Elle revient sur la souffrance inimaginable des enfants qui ni’ont pas su apprendre à lire au CP.

Ancienne dysorthographique sévère, …j‘écrivais comme j’entendais. Salle d’eau : « saldo » sans avoir la conscience des mots. Et ça m’a collé à la peau.Cette méthode globale, c’est mon cauchemar. J’adorais les mots. J’adorais l’oral – d’ailleurs, je l’ai développé. Mais je ne pouvais pas me servir de mon crayon. À chaque fois que je me servais de ce foutu crayon, c’était pour me faire descendre. Et ça m’a suivie toute ma scolarité.

On m’avait offert un dictionnaire. Je me suis dit « je suis sauvée : un dictionnaire, il y a tous les mots dedans ! Je vais les apprendre par cœur ». Je dormais avec mon dictionnaire… mais voilà : fallait-il encore trouver le mot. À l’époque ma mère me disait d’apprendre tant de mots dans le dictionnaire et de lui réciter les définitions. « Hélicoptère ». Je l’ai cherché, je ne l’ai jamais trouvé. Parce que je ne suis pas allée au « h »!

De l’humiliation en permanence : du rouge sur la copie… on ne comprend pas ce qu’il nous arrive.

On m’avait collé, petite ,deux étiquettes sur le dos : « celle qui fait une faute par mot » ; et la deuxième – j’avais 8 ans, plaquée le long d’un mur, quand l’institutrice a dit à ma mère : « je pense que votre fille ne sera pas en mesure de balayer les couloirs d’un hôpital ».

Aujourd’hui, quand un enfant s’assied chez moi, je lui dis “regarde-moi bien dans les yeux. Moi, je ne vais pas te mentir. Parce que moi, on m’a menti toute ma vie. Cela m’a bousillé ma première partie de vie. J’ai perdu un premier mari à cause de ça. Parce qu’on se construit sur quelque chose de bancal. On n’est pas debout sur ses deux pieds“…Je suis marquée au fer rouge. Ça ne me quittera jamais. Parce que je pense qu’on est dysorthographique à vie.


Qui est Anne-Marie Gaignard ?

Anne-Marie Gaignard a fait partie, toute sa scolarité, de ces élèves stigmatisés par une mauvaise orthographe. Diagnostiquée dyslexique, ce n’est qu’à 36 ans qu’elle se rend compte que ce n’est pas son cerveau qui est en cause mais la façon dont elle a appris à lire et à écrire.
En 2010, elle a fondé l’association Plus Jamais Zéro pour venir en aide aux enfants en très grande difficulté scolaire.
Elle est l’auteur de : Hugo et les Rois volumes 1,2 et 3, Le Robert, 2003-2004 ; Grammaticus, Éditions Duteil, 2009-2010 Coaching orthographique, 9 défis pour écrire sans faute, Éditions de Boeck Duculot , 2010

Voir son intervention lors du colloque “Vaincre l’illettrisme, ça commence au CP”