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Hôpital : Urgence, vous avez dit urgence ?

Par Jacquesh

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Urgence, vous avez dit urgence ?

Je m'étais juré de raconter cette histoire une fois que j'irai mieux. Une fois que mon doigt irait mieux. Quand je serais hors de danger et que je pourrais de nouveau faire planer mon pouce au dessus de mon clavier d’ordinateur.

 C'est en faisant des cartons d'emballage avec du scotch de mauvaise qualité probablement fabriqué en Chine que je me suis pris une minuscule écharde dans le pouce. Une fibre microscopique m'a pénétré l'épiderme, mais ne pouvant la localiser, j'ai continué à scotcher mes cartons.

Deux jours plus tard un ami m’accompagne à la gare de Bordeaux. Je rentre à Paris. Trois heures de TGV. Je viens de passer quelques jours à faire des cartons dans son entrepôt. Une fois assis en deuxième classe, mon pouce commence à me lancer. Juste au niveau de la première phalange, dans le mou du pouce, à l’endroit précisément où j'ai pris l'écharde deux jours plus tôt. C’est étrange car je l’avais totalement oublié cette écharde. Du moment qu’on ne souffre pas on oublie. Je ne suis pas du genre à prendre des médocs, mais je demande quelque chose au contrôleur qui me dit qu'il est seulement autorisé à me donner du Paracétamol. Je gobe immédiatement deux cachets, avec un verre d'eau. Le go go du bar a accepté de me servir un verre d’eau dans un gobelet en plastique en me lâchant avec mépris : « Normalement on ne sert pas d'eau gratuitement"...

 3 heures plus tard, j'ai des frissons partout, probablement de la fièvre et mon doigt a enflé. J'appelle une ami qui me donne le numéro de SOS médecin. Le train n’en finit pas de s'enfoncer lentement dans la banlieue Parisienne. Le bruit des roues sur les rails, amorti par la vitre épaisse. Le reflet orange de mon visage malade et impatient d’arriver. Carrefour de rues déserts baignés d’une lumière de fait divers. Je courre sur le quai glacial. J'appelle SOS médecin depuis le taxi. Le type arrive chez moi presque aussitôt. Entre temps j'ai eu ma mère au téléphone, ma mère qui est du genre à égorger ses poulets elle même, m'a conseillé de prendre une aiguille, de la brûler sur la flamme de la bougie, et de m'inciser pour faire sortir le pue. Quand le médecin arrive, j'ai le pouce dans un verre d’alcool russe, et la bougie est allumé, avec l'aiguille à porté de main. Je lui explique ce qui m'arrive. Il m'enjoint de ne surtout pas mettre mon plan à exécution avec cette aiguille. C'est stupide, me dit-il, il fallait le faire tout de suite et pas maintenant que c'est infecté. Il me prescrit des antibiotiques et, alors qu'il est sur le point de repartir, il me demande si j'ai de la fièvre...

— Oui, je crois, dis-je en me touchant le front. Me voilà avec le thermomètre sous le bras.

— 39 °.

— Bon, je vais vous envoyer aux urgences !

— Quoi, aux urgences ?

Je n'ai jamais été aux urgences. Je n'aime pas les hôpitaux. Il me persuade qu’il faut y aller. Je lui fais un chèque de 65 euros en essayant d’écrire correctement avec mon pouce enflé et douloureux, je signe d'une croix, prends mes papiers, appelle un taxi, et file à l'hôtel Dieux. Quelques noirs dans la salle, placides, attendant patiemment leur tour. Ils me regardent avec des grands yeux blancs. Comme si c’était bizarre de voir entrer ici quelqu’un qui souffre.  Ils n'ont pas l'air malade eux, en tout cas ça n'a pas l'air urgent. Pour ma part, c'est devenu carrément douloureux et la douleur augmente. Le type à l’accueil me demande mes papiers d’identité et ma carte vitale. Comme je me contorsionne de douleur, il me demande si ça fait si mal que ça… Est ce que je n’exagère pas un peu, non ? Quand je lui raconte il semble comprendre que c’est sérieux. Je suis reçu quasiment immédiatement par deux types en blouse blanche qui m'auscultent et me demandent de les renseigner sur l’origine de ma blessure. Il semble qu’il y ait un interne pro et un étudiant. On me demande d'évaluer ma douleur sur une échelle de 1 à 10... j'ai du mal à dire... C'est douloureux bien sûr mais j'imagine qu'il y a bien pire... Ce n'est que le doigt, la souffrance est localisé. Bon... elle est assez forte pour m’empêcher de penser à autre chose... Naomi Campbell, 17 ans, nue, je ne suis pas sûr qu’elle arrive à me divertir…vous voyez ?

— Vous avez de le fièvre ?

— Oui, je sais pas, 39° sous le bras.

Il y a débat. L’étudiant propose de m'envoyer dans un bloc tout de suite ; L’interne est prêt à me renvoyer dans la salle d’attente. Finalement l’interne avalise la proposition de l’étudiant. Mouais allons y pour le bloc. Il s’en est fallu de peu. De toute façon dit-il, ils n’ont aucune autre véritable urgence dans la salle. Je suis conduit immédiatement dans un bloc. On laisse la porte ouverte. Il y a des flics qui discutent à l'extérieur. Je comprends qu'ils viennent de tirer sur quelqu'un et attendent de savoir s'il va s'en sortir. Rien que ça. Un flic me surprend en train de tendre l'oreille et prévient ses collègues... ils baissent aussitôt le volume de la conversation. Une joli petite noir vient me planter une aiguille dans le bras gauche. Prise de sang pour analyse Monsieur. Elle est jolie la petite gazelle. Elle me demande si je suis comme ça d’habitude, ou si je délire, car je tremble de tout mon corps et ça l’inquiète. Non, je suis par nature assez nerveux, j’imagine que la situation est juste un peu stressante… La perfusion fuie, et voilà que j’ai du sang qui a giclé partout sur ma blouse d’hôpital. Mais c’est pas grave, elle est jolie. Il y a quelque heures j’allais encore parfaitement bien. Tout ça me paraît irréel.

Un peu plus tard. Je suis assis dans une chaise roulante avec une perfusion dans le bras. C’est un calmant du niveau juste en dessous de la Morphine qui s’infuse dans mes veines. On me dit que je vais être conduit à Cochin. Et que là bas on me dira s’il faut opérer ou pas. Opérer ? On met mes affaires dans une poche en plastique sous mon fauteuil. Deux black sportifs me poussent comme un cadis de supermarché dans un couloirs glacials aux couleurs lugubres. Je dis merci au type de l’accueil en passant devant lui à cent à l’heure. Eh ? Merci mec pour m’avoir pris au sérieux ! Minuit. L’ambulance sort de l’hôtel Dieux sur les chapeaux de roues. Le chauffeur se prend manifestement pour Nicolas Cage dans "A tombeau ouvert". On arrive à Cochin en moins de deux. Je suis pris en charge et étendu sur un brancard dans un bloc au rez-de-chaussée. On m’a demandé de nouveau le niveau de douleur sur une échelle de 1 à 10. J’ai dit que c’était difficile de dire vu que j’étais assommé par des calmants surpuissants. Une ostéo vient m’ausculter la main. Elle me touche le pouce. Me demande si ça fait mal. Reste incrédule devant mon pouce enflé. Enfin, elle revient avec un docteur aux cheveux grisonnants. Il me touche le pouce à son tour, me découvre l’avant bras jusqu’à l’épaule. Une marque rouge courre sous mon bras depuis le pouce jusqu'à l'aisselle. Il me presse le bras au niveau de l’aisselle.

— Et là, vous avez mal quand j’appuie ?

Oui, mec. Le doc en blouse blanche fait une signe de la tête à la doc en blouse blanche. C’est bien ça… lui dit-il. Elle a l’air toujours aussi incrédule. Il lui montre la marque rouge en survolant mon avant bras du bout de son stylo et lui dit « aucun doute ! » Ils repartent sans m’en apprendre davantage. Quand la doc revient un quart d’heure plus tard c’est pour me dire qu’on va devoir m’opérer. On va vous curer le canal du tendon. Ouais mec ! Ce que vous avez s’appelle un Flegmon. Dans ce cas là, on ouvre le doigts, et puis le poignet, on passe le karcher dans le canal du tendon… qui est infecté et que les antibiotiques ne peuvent pas soigner, car c’est un endroit mal irrigué par le sang. "Il y a des risques ?" Je demande… "On ne peut pas vous garantir qu’il n’y aura pas de séquelles". OH Merde ! Il est une heure du matin. J’appelle mes parents, que je réveille dans la nuit et qui ne peuvent rien faire pour moi que me souhaiter bon courage, et un ami qui se renseigne sur Internet et me confirme que l’opération est fortement recommandée pour ce genre de problème. D’ailleurs, la doc m’a dit que si on opérait pas rapidement ce serait la nécrose et puis la gangrène,  l’amputation quoi. Je lui ai demandé quelques minutes de réflexion. Elle revient.

— Le problème c’est qu’on a plus de place ici… le seul endroit qu’on a trouvé c’est à la clinique de la main, à Pontault Combault, dans le 77.

Elle part de nouveau. Je demande à l’aide soignant qui m'installe une nouvelle poche de calmant (niveau 3) si « c’est bien » Pontault Combault…

— Pontault quoi ? Connais pas…

La doc revient. Ils ne peuvent pas opérer avant demain 13 heures… Je regarde mon pouce qui a doublé de volume. Il est maintenant violet et il commence a se nécroser en effet, sur le côté. Je me demande si je voterai Sarkozy au prochaine élection et où ses enfants vont à l’hôpital quand ils se font mal. Sans doute l’hôpital américain à Neuilly. C’est juste à côté de chez eux.  Il est évident que l’infection gagne à chaque minute et que plus on opère tôt mieux c’est. Mais on ne peut m’opérer que demain après midi. La traînée rouge qui courre sous mon bras, elle c’est élargie non ?

— Pas avant demain 13 heures… ?

— Oui, et on ne peut pas vous garder ici ! On a plus de place. Vous allez devoir rentrer chez vous !

— Rentrer chez moi ? Mais j’ai 40 de fièvre ! Et, euh, je suis pas en état, non vraiment pas en état de rentrer chez moi… ! Je déteste l’hôpital, je déteste me soigner, je ne vais d’ailleurs jamais voir le docteur, mais là je crois que ce n’est vraiment pas prudent…

— Si vous tenez absolument à rester on sera obligé de vous laisser dans le couloir.

— Ok, va pour le couloir.

 Une des pires nuit de ma vie s’annonce…

Je suis donc installé sur mon brancard dans le couloir à côté d’un autre brancard sur lequel un clochard est étendu. Il ronfle, pue l’alcool et de temps en temps il pète sans même sourciller. Heureusement on est en plein courant d’air. Les portes vitrés qui donnent sur la salle d’attente s’ouvrent et se ferment. Je réfléchis au concept de la salle d’attente aux urgence… Il n’y a généralement que des noirs qui attendent dans les salles d’attente aux urgences. Ils viennent pour se faire soigner gratuitement m’a dit un chirurgien un jour. La France soigne le monde entier. Ils rappliquent avec la carte d’identités de leurs frères ou de leurs cousins… mais c’est tabou, c’est pas politiquement correcte de dénoncer ce problème… Vous comprenez on ne peut pas soigner le monde entier, ce n’est pas possible… m’avait dit le Chirurgien. Je m’étais demandé s’il n’était pas raciste. D’autant qu’il était de Nice. Ça vote FN là bas non ? Dans une petite cahute, à la réception, si je puis dire, le personnel chahute. Ça fait des blagues très bas de gamme sur les malades. Ça raconte ses vacances. Ça jacte. Ça rit beaucoup. Mais pas l’ombre d’une urgence cette nuit… Il est 4 heures du mat, et même la salle d’attente est déserte… je suis la seule urgence qui attend si je comprends bien. Mon pouce est maintenant gonflé comme un ballon de foire et luisant comme un canard laqué ; mon bras rouge écarlate. Je demande à quel heure l’ambulance viendra me chercher…

— L’ambulance… ? Le jeune infirmier qui me répond n’a pas l’air au courant. Il s’en va discuter avec des bonnes femmes en blouse blanche qui me jettent des regards obliques qui n’annoncent rien de bon…

— Votre état ne nécessite pas une ambulance, monsieur… Vous devrez vous rendre à l’hôpital par vos propre moyen… Le RER ou le Taxi…dit il en revenant, désolé.

— Mais, euh… je suis arrivé ici en ambulance, mon état a empiré, l’infection s’est développé, regardez… et je dois prendre un RER pour Pontault Combault ? Mais je suis incapable de sortir d’ici, mec, je suis en blouse d’hôpital taché de sang, avec une perfusion dans le bras, je prends le RER comme ça à 5 heures du mat ? Il n'y a pas de RER à 5 heures du mat si ? 

— Ecoutez je vais voir.

Retour au près des deux bonnes femmes en blouse blanche. Ça palabre. Les deux infirmières me lancent maintenant des regards carrément mauvais. Le jeune infirmier compatissant revient…

— Désolé… vous n’avez pas de mutuelle donc on ne peut pas vous transporter en ambulance…

 J’insisterai jusqu'à 7 heures du matin en vain. Entre temps le clodo qui est à côté de moi a fait une crise d’épilepsie tellement violente qu’il faisait avancer son brancard tout seul. Quand j’ai vu qu’il était en train de se noyer dans son vomi j’ai hurlé. "Hey, au secours ! Au secours ! Quelqu’un est en train de clamser "  Les infirmières sont arrivés en courant. Elles ont embarqué le brancard en réanimation. A peine 5 minutes plus tard, j’ai entendu l’une d’elle dire la chose suivante : « on les mets a côté comme ça quand il y en a un qui crève les autres nous préviennent ». Je n’arrive pas à croire que j’ai vraiment entendu cette phrase. J’ai quand même filmé la scène du clodo en train de se vomir dessus avec mon iphone, mais aussi quand j’ai appelé au secours. Sacré séquence que je mettrai peut-être sur youtube. Le jeune infirmier sympathique a vu que je filmais et m’a dit « Ah vous filmez… ? » il est allé le dire aux autres et ça c’est mis a jacter à voix basse. Une infirmière est passé devant moi en disant.  Ça sent le procès non ? J’ai répondu que je n’étais pas procédurier non, mais simplement journaliste.   C’est à 7 heures du matin que j’ai finit par péter un plomb je crois. Je venais de céder et d’accepter de payer un taxi pour faire les 40 kilomètres jusqu'à Pontault Combault. Un jeune infirmier, qui avait remplacé mon ami (qui était manifestement trop gentil avec moi et avait été envoyer faire autre chose par les deux tortionnaires de garde), m’a dit qu’ils pouvaient en effet appeler un taxi à la réception mais que personne ne pouvait me garantir que ce serait un taxi avec un terminal de paiement carte bleue. (Evidemment je n’avais pas 60 euros en liquide sur moi). Pété un plomb c’est à dire hurlé quelque chose comme :

— « bande d’assassins ! » Je veux me barrer d’ici ! Appeler moi un taxi tout de suite OK !  Je suis en train de crever et personne ne veut me transférer… Et quand on me dit qu’on va appeler un taxi, on me refuse un un taxi qui prend la carte bleue… ? C’est une simple formalité et on le la refuse ? Mais pourquoi bordel ? Vous tenez à me faire souffrir un peu plus c’est ça ? Vous voulez que j’en chie hein ? Je n’aurai qu’a m’arrêter a un distributeur…vous me dite.  Mais est ce que j’ai l’air d’être dans un état a pouvoir m’arrêter dans un distributeur bordel de merde ? Tout le monde me regarde. Je suis assis sur mon brancard, la perfusion dans le bras, du sang partout sur ma blouse d’hôpital sous laquelle je suis nu, la main enflé comme une mongolfière… Puisque c’est ça je me casse d’ici. Je vais directement à la rédaction du Parisien dis-je en décrochant ma poche de calmant de son perchoir. Tout le monde me regarde interloqué. Cette fois j’ai réussit mon coup. Ils se sentent un peu mal. Enfin deux vigils chauves débarquent et regardent dans ma direction. Ils parlent avec le jeune infirmié vexé que j'ai traité d'assassin. Doivent ils m'envyer à l'asile. Non, j'ai l'air calme maintenant. Il s'en est fallu de peu. Au lieu de ça, une femme douce et gentille apparaît enfin. Elle vient de prendre son service et remplace les tortionnaires de la nuit. Elle regarde ma main. Se renseigne sur mon cas. On m’appelle un taxi. Une infirmière avec un visage d’ange apparaît, elle me retire ma perfusion. M’aide à me rhabiller. Elle a l’air tellement gentille que j’ai envie de la sérrer dans mes bras et de pleurer. Pourquoi donc tout le monde n'est pas comme vous madame ? Pourquoi le monde entier n'est pas gentil comme vous, ai-je envie de lui demander.  J’ai l’impression d’avoir été dans les mains de nazis toute la nuit et de retrouver enfin l'humanité. Non, il y avait mon gentil infirmier cette nuit, mais entouré de méchants il n’avait rien pu faire pour moi.

J’arrive a Pontault Combault en serrant les dents.

—Bonjour Madame.  Pas de réponse à l’accueil.

— C’est pour une urgence. Elle ne me regarde pas et m'indique le couloir à droite. Un deuxième comptoir.

— Bonjour Madame. Pas de réponse. Celle là a carrément une gueule de mal baisé tortionnaire.

— votre carte vitale s'il vous plait. J’essaye de savoir quand je vais être opéré. Dans l’après midi Monsieur. Dans la salle d’attente des urgences, des gamins avec leurs parents, des vieux... Mais personne en état d’urgence. Manifestement je suis encore le seul à me tordre de douleur. L’assistant du chirurgien m’ausculte. Il enregistre les donnés sur son ordinateur. C’est un type avec un fort accent d’Europe de l’Est. Retour dans la salle d’attente. Je demande a être admis dans une chambre. Je suis pas loin de me mettre a genoux. Impossible me dit la tortionnaire. On peut vous donner des calmants si vous voulez. Je patiente dans la salle d’attente en me contorsionnant de douleur. Les gens me regardent sans comprendre vraiment ce que je fais là, au milieu d’eux qui ne sont là que pour des simples consultations. J’attendrai comme ça pendant 4 heures, en faisant des allers retours entre l’accueil et le bureau des urgences le bras en écharpe. Et puis on finit par me dire que je peux monter à l’étage. A l’étage une dame me demande de patienter. Quand je la supplie et lui dit qu’il faut qu’on m’opère au plus vite ; elle me rétorque que si j’en suis là ce n’est pas de leur faute, c’est parce que j'ai refusé de me soigner. Elle fait allusion au refus de prendre des calmants. La réceptionniste d’en bas a transmis l'info et son fiel au passage.  Refuser de prendre un calmant n’est pas refuser de se soigner. Je fais remarquer. Opérez-moi, c'est tout ce que je vous demande, c'est urgent, je vous en supplie. Je commence à me pendre a la poignet d’une porte avec mon écharpe. On finit par me dire que je serai opéré en dernier car je suis infecté. C’est la procédure pour ne pas risquer d’infecter le bloc. Je la respecte et je la comprends ; Une autre infirmière assiste à la conversation et regarde ma main qui est prête a éclater, comme une grenade. Mon bras est violet. Je l’entends dire dans la pièce d’à côté en chuchotant, que c’est très grave. Et qu'il faut opérer tout de suite. Elle passe un coup de fil au chirurgien. "Il faut m’opérer d’urgence" On m’amène enfin dans une salle. On me donne une blouse d’hôpital et m’installe dans un fauteuil. Je suis enfin au calme. J’ai l’impression de perdre connaissance. Le chirurgien apparaît.

— Bonjour Monsieur. Il prend quelques infos. Comment je me suis fait ça etc. Je vais vous opérer. Bien. Merci docteur. Une demi heure plus tard je suis couché sur un brancard. Un homme vert me plante une perfusion dans le bras. Je vais vous endormir. Il y a beaucoup de monde autour. On se croirait dans une usine ou dans un film. Ouais dans urgence tiens par exemple. Ouais, mec. Endors ce que tu veux.

Je me réveille dans une chambre d’hôpital. J’ai la main et le poignet bandé. Je n’ai pas mal. Ouf, j’ai enfin été opéré. Quand j’ai pris le train 48 heures plus tôt, c’était juste une toute petite écharde qui commençait à me picoter au bout du doigt. C’était mardi soir et on est mercredi après midi. Derrière la fenêtre de ma chambre la cime d’un sapin remue dans le ciel bleu. Deux jours plus tard ça va un peu mieux. La première infirmière que j’ai eu était plutôt inquiétante. On aurait dit qu’elle sortait d’un hôpital psychiatrique. Et puis ça c’est arrangé. Je me suis réconcilié avec l’hôpital. Les infirmières de nuit étaient des anges.  La femme de ménage noire était gentille. Une aide soignante noire m’a aider a me laver. Je n’avais pas honte de me mettre nu devant elle. Elle m’a raconté tout en me lavant que son père avait été assassiné en Afrique par son gouvernement. Tous les africains que j’ai rencontrés au sein du service étaient gentils. Moins les gens sont intégrés, plus ils sont gentils. Ça doit être une loi. Les gens intégrés estiment qu’ils ont droit a tous et deviennent des cons. Plus on est pauvre et plus on apprécie la valeur du peu que nous avons… Il y a avait des stagiaires adorables aussi. Ce qui est terrible dans les hôpitaux c’est les gens qui n’aiment plus ce qu’ils font. Ces bonnes femmes malheureuses qui deviennent des tortionnaires et qui installent parfois une mauvaise ambiance auxquels les jeunes recrues sont obligés d’adhérer comme dans un camp de concentration. C’est tellement difficile comme métier que lorsqu’on aime plus ce qu’on fait ça devient un enfer, et l’enfer on le fait vivre à ses patients. On ne devrait pas travailler dans un hôpital trop longtemps à moins de s’appeler sœur Theresa. En rentrant chez moi quelques jours plus tard j’ai appris qu’une petite fille de 9 ans qui venait de se faire opérer des amygdales s’était plaint en rentrant chez elle. Elle souffrait anormalement. Ses parents l’avaient amené aux urgences. On leur avait dit que c’était rien, de rentrer chez eux, que c’était parfaitement normal de souffrir un peu après une opération comme ça. Elle est morte deux jours plus tard.


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