Dimanche soir, je suis tombée sur un reportage dont le titre n'a pu que m'attirer comme Winnie l'ourson par un pot de miel : "Crèmes anti-âge : coup de jeune ou coup de bluff ?". Peut-être l'avez-vous vu aussi ?
En général, ce genre de reportages est bourré d'erreurs et de clichés (généralités, raccourcis, sur-valorisation du Bio, médiatisation de polémiques qui n'ont pas lieu d'être...), plutôt à charge contre l'industrie cosmétique (qui vendrait "du vent" - ou "du rêve" quand le journaliste est plus sympa) et contre les angoissés de la vieillesse (interviews de français obsessionnels castés pour faire passer les consommateurs de cosmétiques anti-âge pour des idiots narcissiques), avec un côté forcément racoleur (tout le monde ou presque rêve de jeunesse et de beauté) - mais avec cependant un certain nombre de réalités qui du coup font passer les bêtises pour des vérités.
Ce nouveau reportage sur l'industrie de l'anti-âge cosmétique n'échappe pas à la règle : que des critiques négatives disséminées tout au long du reportage, rien de positif sur l'industrie cosmétique. Mais on va dire que c'est "moins pire" que d'habitude au niveau des erreurs et il y a même quelques critiques que je partage tout à fait.
Alors, tout d'abord, si vous souhaitez voir ou revoir ce reportage - et je vous le conseille, car il est instructif, vous avez une semaine top chrono avant son éviction de "Pluzz", le site web qui vous permet de visionner ce que vous avez raté sur France Télévision. Un petit clic par ici et RV dans 52 minutes 33 secondes.
J'ai trouvé le reportage plutôt pas mal sur un certain nombre de points :
- L'arnaque au caviar : vous faire croire qu'une crème au caviar est forcément plus efficace qu'une crème à la pomme de terre et vous la vendre 350€ les 50 ml, c'est effectivement excessif. J'avais déjà évoqué le sujet sur (dé)maquillages, je vous invite donc à relire ce post. Argument appuyé par INC Que Choisir qui a testé plusieurs crèmes anti-âge et montré qu'une crème Les Cosmétique (marque de distributeur Carrefour) à 5€ pouvait être aussi efficace qu'une crème de luxe.
- La pression des annonceurs sur les journalistes beauté qui ne peuvent plus désormais écrire de critiques négatives sur les crèmes de beauté, parfums et autres rouges à lèvres. Deux autres billets à relire ici et là à ce sujet.
- La valorisation des tests de satisfaction au détriment des vrais tests instrumentaux, puisque -15% de rides mesurées par un logiciel 3D, ce sera toujours "moins impactant" d'après les marketeurs que 87% de satisfaction antirides (= des volontaires qui testent le produit puis cochent des cases "oui, j'ai l'impression que mes rides ont vaguement été lissées"). Personnellement, j'espère bien que cette surenchère à la promesse chiffrée va se calmer et que l'on va arriver à des revendications plus réalistes. La partie du reportage où la testeuse remplit son questionnaire est assez édifiante - je tiens cependant à préciser que pour les tests consos, il y a souvent plus de choix de réponses que dans ce cas précis du reportage. Et attention, je ne dis pas qu'un questionnaire de satisfaction n'apporte pas d'informations essentielles - le plus important étant finalement la satisfaction de la consommatrice quelle que soit l'efficacité du produit, mais bon, vous avez compris la nuance.
- Les retouches d'images à outrance : avec notamment l'interview de cette députée qui propose non pas de bannir l'utilisation de Photoshop (il faut quand même "faire rêver"), mais de rendre obligatoire la mention "Photo retouchée" sur les publicités ayant eu recours à cette méthode. Moi, je suis pour. J'avais évoqué le sujet ici, là et là, d'ailleurs.
- Les méthodes de formation des vendeuses qui pour la plupart ne font que répéter "bêtement" le discours que les marques leur ont appris. En même temps, on ne peut pas leur en vouloir, ce ne sont pas des scientifiques avec une solide formation en chimie et biologie cutanée, et elles sont bien employées pour convaincre, vendre du rêve et du produit tout court, les clientes le savent malgré tout. Entre nous, même la formatrice du reportage dit des choses très approximatives ("ça hydrate instantanément grâce à des micro-gouttelettes d'eau micronisées qui quand elles rentrent dans la peau, plouf, ça fait un effet gonflant". Euh, la dame doit confondre avec une molécule comme l'acide hyaluronique qui va se gorger d'eau à l'intérieur de la peau et la retenir, parce que l'eau qui gonfle toute seule, c'est pas possible, hein).
- La partialité des vendeuses : la formation à laquelle on assiste dans le reportage est destinée à des vendeuses multi-marques d'une enseigne et bien sûr, ce sont les crèmes les plus chères, donc les plus rentables, qui sont mises en valeur par la formatrice. Il n'a par contre pas été évoqué dans le reportage les histoires de challenges ou incentives, ces techniques de vente qui permettent aux vendeuses, sur une période donnée, de gagner quelques euros ou cadeaux si elles vendent telle référence plutôt qu'une autre. Impartialité quasi nulle. Et c'est la même chose chez votre pharmacien je vous préviens.
- Les sommes astronomiques à dépenser pour un nouvel entrant souhaitant se faire connaître rapidement : et là, c'est le dirigeant de Astalift, marque cosmétique lancée par Fujifilm (souvenez-vous), qui nous dit qu'il a dépensé pour sa communication pour le lancement (presse, cadeaux, publicité, égérie en la personne de Naomi Watts...) tenez-vous bien, plusieurs millions d'euros !!! Il a raison, il n'a pas le choix pour s'imposer - surtout qu'il veut aller vite, lui, il veut être dans le Top 10 des marques cosmétiques en France dès 2013. Et là je pense à toutes mes petites marques de niche amies (ou pas) qui sont ultra-sincères dans leur démarche mais n'ont pas un kopeck ou presque... Heureusement, on peut réussir en partant de presque rien, je pense par exemple à Garancia, mais ce genre d'exemple est très rare.
Et puis, il y a eu quelques âneries disséminées ci et là au cours du reportage :
- La pharmacologue (ou la dermato, je ne me souviens plus bien, il y avait 2 intervenantes différentes) qui dit que seuls 3 actifs ont prouvé leur efficacité : la vitamine A (ou ses dérivés comme le rétinol), la vitamine C et les acides de fruits (comme l'acide glycolique ou citrique). Mais elle vit à quelle époque, cette dame ? En 1981 ? Non parce que quantités d'actifs ont fait leurs preuves depuis, hein !!! J'imagine que mes confrères des laboratoires de matière premières ont dû enrager. N'est-ce pas Xavier, Gérald, Myriam, Seb, Lionel... ? Vous vendez du vent, c'est la dame qui l'a dit. Tous les tests que vos laboratoires effectuent, et tous ceux réalisés par les marques elles-mêmes sont un ramassis de mensonges. Vos actifs n'ont pas fait la preuve de leur efficacité. Franchement, je crois que c'est la déclaration la moins renseignée, la plus énervante du reportage.
- Contrairement à ce qui a été dit, l'acide hyaluronique n'est plus extrait de la crête du coq depuis des années. Il est fabriqué par biotechnologie (des petits microorganismes qui le synthétisent). Heureusement, car il y en a dans presque toutes les crèmes anti-âge et hydratantes ;).
- La journaliste beauté interviewée (celle qui a eu l'honnêteté de parler de la pression des annonceurs) se plante complètement en disant que les emballages coûte entre 20 et 45% du prix des produits. Ça peut être le cas pour des parfums avec un emballage très spécial, et encore... Dans ce reportage, on parle de crèmes anti-âge et la plupart de ces produits sont conditionnés dans des emballages standard (ou standard améliorés - d'ailleurs, pour son information, le verre dépoli c'est du standard, ça ne coûte pas plus cher que du verre lisse). Cette journaliste a été mal renseignée et peut diviser les chiffres annoncés par 5 ou 10, ce sera plus proche de la réalité. Les packs ne coûtent pas plus cher que les frais de marketing et la publicité, les frais de développement (tests etc), la formule elle-même (pour les marques qui proposent des produits efficaces), les frais généraux... Et surtout, il ne faut pas oublier que c'est le point de vente qui prend la plus grande part du gâteau sur le prix que vous, client, allez payer. 50% environ. En général, il reste à la marque moins de 50% du prix public, voire 25% quand elle passe par des intermédiaires. Et je vous invite à relire à ce sujet ce billet.
Bon, au final, on va dire que si ce reportage ne m'a pas trop énervée, il a dû en énerver beaucoup, par contre (par rapport aux points que j'ai listés comme "positifs" ;)).
En revanche, comme d'habitude, il présente un manque d'objectivité certain : celui de ne parler QUE des points critiquables de l'industrie cosmétique, en faisant des généralités alors que les acteurs de ce secteur sont très différents les uns des autres, et sans une seule fois en montrer un seul des aspects positifs. Alors qu'il y en a, des points positifs. Je suis bien placée pour le dire. Et puis vous aussi, vous le savez, à force de me lire. J'aimerais bien que la prochaine fois, les journalistes aillent aussi interviewer des marques cosmétiques 100% sincères et positives.