Deux semaines après leur coup d’Etat à Bamako, les militaires maliens, sous pression des pays voisins, se sont engagés à rendre le pouvoir aux civils. Mais la situation reste confuse. Le chanteur albinos Salif Keita craint la guerre civile et lance un appel à l’aide. Entretien.
Avez-vous peur ?
Plus personne n’est en sécurité. On me dit de quitter le pays pour me mettre en sécurité ailleurs avec ma famille. Mais je refuse de partir. Je reste à Bamako et je refuse que le pays soit coupé en deux. Le Mali est indivisible. Au Nord, jamais les Noirs n’accepteront la dictature des Touaregs !
Vous craignez la contagion islamiste ?
Le monde doit bien comprendre que les islamistes veulent tout le Mali ! Moi, je suis musulman et je prie Dieu. Mais nous, les Maliens, nous ne sommes pas intégristes. On ne peut pas accepter d’égorger des gens et de violer des filles comme cela s’est déjà passé dans le Nord. Ils en ont tué 250 comme des poulets ! Ce sont des criminels. On ne va jamais accepter la charia !
Qui doit intervenir ?
La France et la communauté internationale doivent intervenir rapidement ! C’est d’ailleurs dans l’intérêt de la France d’éviter une contamination. L’islamisme n’est pas un problème malien. C’est une question posée aux Nations Unies ! Il faut éviter de déstabiliser toute l’Afrique de l’Ouest. Venez nous aider ! N’attendez pas de nouvelles prises d’otages par les fous du Sahara. L’argent des rançons les rend plus forts.
Avez-vous des nouvelles du président ATT dont vous étiez proche ?
Il est ici au pays. Les putschistes veulent qu’il soit jugé car il a vendu le Nord aux bandes d’Al Quaeda ! Nous avons été trompés. Tout le problème vient de là.
Vous donnez donc raison aux putschistes ?
Oui, je les soutiens. La classe politique du passé a trop aimé sa poche. Elle a détourné des centaines de milliards ! De simples fonctionnaires sont devenus milliardaires. Trop c’est trop. J’attends maintenant une vraie démocratie sans l’anarchie ni la corruption.
Comment ?
Il nous faut d’abord la paix et l’intégrité territoriale grâce à l’aide internationale, puis une transition qui fasse le ménage et prépare de nouvelles élections libres. C’est ce qui est en cours désormais. J’espère que cela va marcher si on nous protège des intégristes.
Et si personne n’intervient ?
Alors je crains la guerre civile…
Recueilli par Hervé BERTHO.