Lone est un jeune producteur qui a été acclamé ces dernières années pour sa production atypique, variée et maîtrisée. Il reprend la magie du légendaire groupe Boards Of Canada et y applique sa touche personnelle : un peu de hip-hop instrumental, beaucoup d’IDM, et un feel très brumeux de “dream-hop” (contraction de dream-pop et de hip-hop, oui.) ! Mais surtout, ce qu’on a pu remarquer (et adorer), c’est qu’il incorpore toujours des hommages à la rave music, l’oldschool jungle, le hardcore des années 1990 etc. Sur Galaxy Garden, il délivre son meilleur travail et un très grand hommage à cette période révolue, avec une maîtrise tellement exceptionnelle qu’on jurerait que cet album date de 1991. Chronique !
Je crois que j’ai déjà tout dit dans l’intro : Lone, qu’on connaissait déjà pour ses tracks pleins de 909, et de références à la rave music, a beaucoup expérimenté à travers sa carrière. Avec son album Lemurian, on retrouvait plein d’ambient, de hip-hop, d’électro très précise et agréable. Au fil de sa carrière, il a sorti l’excellent Emerald Fantasy Tracks en 2010, déjà un pas de plus vers ce revival de l’oldschool jungle. Et bien on peut affirmer que Galaxy Garden est l’aboutissement logique de cette carrière, et débouche sur une maîtrise totale du genre.
La première chose qu’on remarquera dans cet album, c’est que Lone a beau changer de style à chaque fois, on reconnaît son style dès les premières secondes de la première chanson. C’est toujours aussi précis et bien travaillé… voire même encore plus. Ici, Lone ne plaisante plus : c’est extrêmement solide, du début à la fin. Malgré les influences évidentes des anciens courants musicaux défunts en rave music et en jungle, Lone sait adapter sa musique et ne fait pas que copier les anciens genres. Non, on ne fait pas revivre un genre aussi facilement, ce n’est pas en copiant banalement les anciennes productions, aussi bonnes qu’elles peuvent être et aussi bon que le rendu final puisse être, qu’on va donner envie aux gens de s’intéresser au genre : c’est en s’en inspirant, en reprenant ses bases et ses plus grands succès, tout en y rajoutant sa touche personnelle et ce qui fait le cult following pour au final faire du neuf avec du vieux. Et dans cette optique là, on peut dire que Galaxy Garden remplit tous ces critères.
La simple intro, New Colour, prouve le tout : Dès les premières séquences, on comprend qu’il s’agit d’un album de Lone, mais on comprend aussi que Lone a décidé de monter les échelons et de s’inspirer d’autres genres. La production est purement dans la lignée de ce qu’a fait Lone, mais tout en évoluant progressivement vers ce que’il décide d’installer dans son album, et c’est parfaitement maîtrisé. D’ailleurs, on peut interpréter aisément le titre de l’intro… Lone change de couleur et de genre et tient à nous le faire savoir.
Il n’y a simplement aucun moment de faiblesse sur cet album. Tout est maîtrisé, du début à la fin, et parfaitement séquencé. On ouvre sur des productions qui mélangent plus l’univers rave à la folie de Lone, et progressivement, au fil des excellents interludes, on atteint les pics de rave avec Crystal Caverns 1991 ou Lying In The Reeds pour aboutir sur des productions plus “classiques” de Lone comme le splendide Dream Girl/Sky Surfer qui nous surprend avec un beat hip-hop réminiscent des premières productions de l’artiste. Mais le tout reste bourré de 808 et autres 909, surtout sur l’excellent Lying In The Reeds qui rappelle très fortement la production du mythique groupe 808 State avec son ambient splendide, ses samples parfaitement bien placés et son synthétiseur liquide à souhait. On appréciera aussi les drums fantastiques sur Raindance, très fluides et intenses. Le sampling ne rend ça que plus parfait, et accompagne la magie de la chanson avec une précision vraiment énorme qui rend Galaxy Garden très fin et parfaitement solide.
Lone sait aussi varier son travail. Avec deux tracks en featuring avec le génial Machinedrum, qui a un parcours similaire à celui de Lone (hip-hop et IDM à ses débuts, pour aboutir sur du footwork/jungle) et qui est devenu aujourd’hui l’une des plus grandes figures actuelles de l’électro, Lone transforme sa jungle hybride en y ajoutant des éléments de future garage et de footwork très appréciables, avec le sampling vocal parfait et le chant de Machinedrum, combiné à l’ambient éthéré et liquide de Lone. La collaboration entre les deux artistes, qui semblait naturelle sur le papier, s’avère encore plus efficace que prévu. As A Child profite très agréablement du sampling de Machinedrum et se révèle naturellement comme l’un des meilleurs tracks de l’album, de même pour Ctulhu.
Dream Girl/Sky Surfer fera surtout plaisir aux anciens fans de Lone, car il est la balance optimale entre l’ancien son de Lone et ses nouvelles lubies : avec un synthétiseur très Lemurian-esque et un ambient digne des meilleurs jours d’Emerald Fantasy Tracks, Lone intègre ce qu’il fait de mieux sur Galaxy Garden avec une jungle maîtrisée et fluide comme jamais, du sampling très nostalgique, une ambient très 808 State, pour au final la surprise du chef : Un beat hip-hop splendide qui achève le track avec perfection et qui signe l’une de ses meilleures productions : fluide, poignant et très beau, il accompagne merveilleusement le reste des éléments qui se complètent tous pour la magie de Lone, qui devient nostalgique de ses anciennes productions.
Le closer de l’album, Spirals, en featuring avec Anneka, qui a chanté pour FaltyDL, Phaeleh, Vex’D, Starkey ou encore Ital Tek, voit Lone s’aventurer dans un univers pop, voire trip-hop, en mélangeant sa jungle splendide et l’un de ses beats les plus doux et liquides avec le chant éthéré et dreamy de la talentueuse vocaliste, qui marie parfaitement son chant aux résonances fantomatiques à la fluidité impressionnante de Lone.
Le stand out track de l’album est sans conteste Crystal Caverns 1991, le premier single. La maîtrise du genre sur cette chanson est simplement exceptionnelle : On croirait réellement que Lone était un junglist de la fin des années 1980 et cette chanson aurait été totalement naturelle en 1991. Il s’approprie totalement le genre et réussit à sortir l’une des chansons les plus abouties et game changing de l’année. En effet, Crystal Caverns 1991 est révolutionnaire, même s’il aurait pu sortir il y a 20 ans. Le sample de DJs Take Control d’SL2, l’inspiration de Anasthasia 1991 de T99, et son génie naturel ont façonné cette chanson. Mais ce track prouve une maîtrise totale et exceptionnelle de la part de Lone, qui nous sert un switch juste époustouflant à 1:42 et qui s’approprie totalement la musique de l’époque en y rajoutant sa touche d’ambient et l’expérience qu’il a vécu avec le hip-hop. Jungle, Rave, Ambient, Hip-hop, Funk, Perfection. Au final, Crystal Caverns 1991 réussit à être l’un des meilleurs tracks de l’année, en faisant revivre les anciens genres (dont au passage on entend beaucoup parler ces derniers temps) avec une maîtrise solide et parfaite qui élève Lone au rang de maître. On espère qu’il influencera le reste de la production actuelle qui commence déjà à refléter ce changement de tendances musicales.
Ainsi, Lone nous offre l’un des meilleurs albums de ces dernières années, et assurément le meilleur album de l’année. Galaxy Garden, qu’on retrouve sur le légendaire label R&S Records, est un fleuron de plus du label, qui se distingue comme l’une des pierres angulaires de la musique électronique depuis la fin des années 1980.
On serait prêt à parier que Lone a puisé son inspiration dans les classiques des débuts du label, eux aussi infusés de jungle et de rave, mais là n’est pas le sujet : Galaxy Garden est un hommage totalement réussi à la musique défunte des années 80/90, ayant servi de base à la musique actuelle, en reprenant des éléments de la techno de Detroit, le sampling de la house de Chicago, la puissance de l’acid house, l’ambient de la liquid D’n'B et l’univers de la jungle, avec la folie de la rave music… Le tout bien sûr emballé dans une symbiose pure avec le travail génial de Lone et son IDM spectaculaire. Galaxy Garden est parfaitement abouti, précis et totalement solide dans le moindre de ses recoins, ne reflétant aucun moment de faiblesse, et une maîtrise époustouflante de la part de Lone, qui nous sert l’un des albums les plus fantastiques et sensationnels de ces dernières années. Cet album n’en est pas pour autant une simple machine à remonter le temps, mais une vraie boîte à merveilles pleine de surprises. Ce chef d’oeuvre deviendra un classique, et est totalement révolutionnaire et game changing. Lone va transformer toute la scène électronique… et s’il ne réussit pas, son album n’en deviendra pas moins à couper le souffle. 9.6/10