Jauffret, inspiré d’un fait réel, nous introduit le peuple de la cave, séquestré pendant vingt-quatre ans de 1984 à 2008, Angelika et ses sept enfants conçus par Joseph Fritzl, son père et leur grand-père, dont le viol lui semblait la plus voluptueuse façon d’aimer.
«Une cave comme un coffre à jouets. La grande poupée magique jetée à l’origine qui avait sorti de son ventre des marionnettes extraordinaires qui grossissent comme de vrais enfants quand on leur met de la nourriture dans la bouche.»
Et c’est cette poupée que l’on suivra tout au long de ce long tourment esquissé par ce simple et unique regard vers son père après son incarcération : elle regarde son père, son amant, son homme. Elle se demande si en désespoir de cause elle n’a pas aimé un jour. Race humaine, besoin coûte que coûte d’amour, de rêve, toxicomanie contractée dans le bocal amniotique. Et Joseph Fritzl de confié fièrement aux enquêteurs sa justification « J’ai réalisé un beau rêve.» C’était une deuxième famille, mais une famille quand même. Une seconde famille plus sienne encore que la première, car issue de l’union d’un géniteur et de la chair de sa chair. Une descendance sans une goutte de sang mêlé.
Jauffret par ce récit multidimensionnel, nous laisse entrevoir un enfer et nous fait rencontrer intimement le monstre. On referme la dernière page encore abasourdi, secoué, estomaqué par l’horreur inimaginable, de cette brillante reconstitution d’un inconcevable fait véridique dans la lignée De sang froid de Capote, de L’adversaire de Carrère. Un roman des plus bouleversants.