Anselm Kiefer, Breaking the Vessels, vue d'exposition
Lors de ma précédente visite, je n'avais pas eu le temps de voir la nouvelle aile du Musée de Tel-Aviv, dont l'architecture anguleuse et oppressante ne favorise pas toujours la présentation des pièces. L'exposition inaugurale sur Anselm Kiefer, Breaking the Vessels, se termine le 15 avril, voici donc quelques mots maladroits. Ce travail de Kiefer est baigné de mystique juive, de Kabbale et de symboles religieux : c'est un univers dans lequel je ne sais pas entrer, qui me reste étranger, lumière divine et réparation des vaisseaux de verre brisés, un travail qui me semble s'éloigner de l'universel et aller vers le
Anselm Kiefer, Ararat, 2010
particulier, l'élitiste, le secret. Peut-il y avoir un art réellement mystique ? Le mysticisme peut-il être sujet artistique ? Ses manifestations, oui, par ex. Catherine de Sienne, mais son essence ? (Ailleurs dans ce même musée, Walid Abu Shakra, qui fut soufi, répond très différemment à cette interrogation, il me semble).
Alors, faute d'aller d'abord m'instruire à Safed (avec Madonna?), je ne peux que commenter la force visuelle de ces pièces, en percevoir intuitivement la transcendance et le chaos, effleurer l'illusion de leur donner un sens. Ainsi devant Ararat, pile de livres en plomb, ma pensée va plus vers l'archive et la mémoire, la bibliothèque et sa perte, que vers la place de Noé dans la tradition juive; cette pièce pour moi évoque aussitôt Borges.
Anselm Kiefer, Samson, 2011
Et dans la toile Samson, je vois d'abord des symboles du martyre, deux palmes et deux grilles (Saint Laurent ?) au dessus d'un canon de mitrailleuse sur une montagne de ruines sous l'inscription 'Gaza', mais je doute que Kiefer ait voulu relier le mythe de Samson avec la réalité de Plomb Durci.
En somme, tout en admirant ses grandes toiles parsemées de sillons, à la perspective raccourcie, ornées de sous-marins ou de livres de plomb, ou ses statues acéphales blanches (Mélancolie,
Anselm Kiefer, Breaking the Vessels, vue d'exposition
Pentateuque, Reine du Ciel, Phryné), j'ai un tel sentiment d'étrangeté, de distance par rapport à cet univers mystico-ésotérique, grandiose et tonitruant pour les initiés, que, mal à l'aise, je ne sais trop qu'en faire. Mais tout lecteur kabbaliste est le bienvenu pour commenter...
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