Le mah-jong (麻将, matjiang) est le jeu chinois le plus populaire. Des centaines de millions de gens y jouent regulierement. Son histoire est difficile a tracer, car le principe du jeu (un jeu de hasard et d'argent) a ete interdit a de nombreuses reprises dans l'histoire aussi bien ancienne que recente de la Chine. On pourra se reporter a cet article extremement complet sur l'origine du jeu, sa symbolique, etc.
Je ne presenterai ici que les regles, tres simples. Comme il existe beaucoup de versions differentes, ca n'a pas de sens de tout synthetiser, de tout melanger. Je vais donc juste parler du jeu sous sa forme la plus simple, celle que j'ai apprise en Chine dans la famille de Lina et qui est la plus populaire en Chine en ce moment, sachant qu'il est ensuite tres facile de s'adapter a d'autres variantes.
Pour ceux qui prevoiraient un voyage en Chine a la rencontre des locaux, c'est essentiel de savoir jouer (suivez mon doigt...) !
La base : c'est un jeu proche du rami/rummikub qui se joue a 4 avec des "cartes" (tuiles, briques, 牌 paille en chinois) qu'il faut assembler pour former une combinaison gagnante. Chaque joueur a treize briques, et a chaque tour en pioche une et en rejette ensuite une. La partie (quelques minutes seulement) s'arrete des qu'un joueur a correctement assemble ses 14 cartes (avant de rejeter). A ce moment, le joueur ayant permis la victoire d'un autre est considere perdant, et donne a ce premier une somme d'argent egale a la mise de base, a decider au debut de la partie (entre 5 ou 10 yuan en general, 1 ou 2 entre jeunes).
Les briques sont placees en forme de mur carre, de trois briques de hauteur, comme sur la photo. On pioche ensuite sur le mur dans le sens des aiguilles d'une montre, mais le sens de jeu est l'inverse (subtilite...).
Presentation des briques :
Il y a 3 familles : les rond (筒, "tong" ou 饼 "bing"), les traits (条 "tiao"), et les myriades (万,10000, "wan").
Dans chaque famille, il y a tous les chiffres de 1 a 9. Pour les wan, il faut lire le chiffre en chinois (difficulte...), pour les deux autres il suffit de compter, sachant que le 1 tiao est un oiseau, seule exception.
Chaque brique existe en 4 exemplaires, ce qui nous fait en tout 3*9*4=108 briques.
Il n'y a que trois manieres d'assembler les briques :
- en tierce (2-3-4)
- en brelan (3-3-3)
- en paire (8-8)
Une combinaison gagnante de 14 briques comprend forcement 4 combinaisons de 3 briques (tierces ou brelans) et une paire.
Quand il ne nous manque qu'une brique pour gagner, on peut dire qu'on est "yuehu" (yuerou).
A chaque tour, on pioche donc une brique pour arriver a 14, si on a gagne bravo, sinon il faut rejeter une brique. C'est important de bien savoir quelle brique rejeter pour optimiser ses chances de gagner par la suite. Quand on est yuehu, il faut bien voir quelle brique il nous manque exactement pour pouvoir conclure. Voici quelques exemples de yuehu :
5-6-7 wan, 2-3-4 tiao, 3-3-3 tong, 5-6-7 tong sont fixes, il reste 9 wan, il manque donc un autre 9 wan pour faire une paire.
5-6-7 wan, 2-3-4 tiao, 5-6-7 tong sont fixes, il reste 1-1 tiao et 2-3 tong. 1-1 tiao peut etre complete par un troisieme 1, mais 2-3 n'est pas une combinaison. Il ne manque donc que 1 ou 4 tong pour faire une tierce.
5-6-7 wan, 2-3-4 tiao, 5-6-7 tong sont fixes, il reste 1-1 tiao et 3-3 tong qui sont deux paires, on peut completer l'un ou l'autre pour faire un brelan et gagner.
2-3-4 tiao, 3-3-3 tong, 5-6-7 tong sont fixes, il reste 5-6-7-8 wan qui n'est pas une combinaison, mais on peut en extraire deux tierces, 5-6-7 ou 6-7-8, et former une paire avec la brique restante. Il manque donc 5 ou 8 wan.
C'est a peu pres le meme probleme que le precedent en double. Avoir un troisieme 5 ou 6 ne sert a rien, il ne manque qu'un 4 ou un 7 tong pour conclure et faire un brelan (de 4 ou 7) et deux tierces (5-6-7 ou 4-5-6 deux fois).
Quelques regles additionnelles:
Pour gagner, on a le droit de piocher soit une brique dans la pioche soit une brique qui vient d'etre jetee par un autre joueur, peu importe sa place. Autrement dit, une fois qu'on est yuehu, il faut guetter le moment ou un autre joueur va jeter la brique qui nous manque, et si cela arrive, bondir sur l'occasion et crier "cheng" ! Mais gagner sans l'aide d'un autre rapporte 6 fois plus d'argent, dans ce cas on dit "zimo" (dzeumo) et pas "cheng", a retenir...
Si la brique que jette un autre joueur peut nous servir a former un brelan a partir d'une paire, on peut crier "peng" et poser ces trois briques sur la table devant soi. Ensuite, on jette une brique au centre, comme si on venait de piocher. On continue a jouer a partir de son voisin, en sautant donc le tour de certains joueurs. On n'a plus 13 briques en main mais 10, ca ne change rien au principe de victoire, c'est a dire une paire et le reste en brelans ou tierces.
On n'est pas oblige de faire cette action, surtout si on estime qu'elle n'est pas bonne pour approcher la victoire.
Si la brique que jette un autre joueur ou celle qu'on pioche peut nous servir a former un carre (4 identiques) a partir d'un brelan, on peut crier "xiao" (chsiao) et poser ces quatre briques sur la table devant soi. On jette ensuite un de pour determiner quelle nouvelle brique on va piocher dans le mur, si le de fait 4 c'est la 4e dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, en haut du mur. Puis on jette comme dans un tour normal. Cette action n'est pas obligatoire, mais elle rapporte autant d'argent qu'une partie gagnee, c'est a dire une fois la mise si la 4e brique vient d'un autre joueur, 6 fois si on l'a eue tout seul en piochant. Donc, il ne faut pas se priver de le faire !
Cette action, qui rapporte gros, presente toutefois un risque : si la brique qu'on jette permet a un autre joueur de gagner sur le champ, on ne lui paie pas seulement une fois la mise comme dans le cas normal, mais en plus tout ce qu'on aurait du gagner grace a ce carre (1 ou 6 fois la mise). Ca peut donc faire tres mal...
Si on a deja fait un "peng" et qu'on pioche (interdit ici de prendre une brique jetee) soi-meme la 4e brique pour former un carre, on peut crier "xiao", montrer la brique, lancer un de puis piocher et jeter comme dans le cas precedent. Ca rapporte 3 fois la mise.
C'est tout pour les regles de jeu, qui sont donc tres simples.
Mise et comptes a la fin d'une partie
Avant de commencer a jouer, on decide d'un montant qui sera la mise de base pour chaque partie. Prenons 10 yuans dans ces exemples.
Nous avons 4 joueurs A, B, C, D.
A jette la brique qui manquait a C pour conclure.
A donne 10Y a C, il ne se passe rien pour B et D.
B pioche tout seul la brique qui lui manquait.
A, C et D lui donnent 20Y chacun.
D forme un carre grace a une brique jetee par A.
A lui donne 10Y.
A forme un carre grace a une brique de B, B forme un carre grace a une brique de C, C forme un carre grace a une brique qu'il pioche tout seul, et D finit par conclure grace a une brique de A.
B donne 10Y a A.
C donne 10Y a B.
A, B, D donnent chacun 20Y a C.
A donne 10Y a D.
Souvent, on fait des simplifications pour payer tout ca. Ici, A et B donnent 20Y a C, et D donne 10Y a C.
D forme un carre grace a une brique jetee par A, mais B conclut grace a la brique que jette ensuite D.
D aurait du gagner 10Y, il donne donc 10Y pour ca a B, plus 10Y car il a gagne, soit 20Y en tout.
D forme un carre tout seul, mais A conclut grace a la brique qu'il jette.
D donne 60+10=70Y a A.
Avec la mise a 10, on a vite fait de perdre beaucoup... Entre jeunes, c'est plutot 1 ou 2, les adultes jouent souvent pour 5, mais dans certains cercles prives on est tres tres loins de ces petits chiffres.
Mise en place de la partie :
Chaque joueur touille bien toutes les briques melangees au milieu de la table, puis on commence a former le mur. Chacun fait un mur de 9 briques de long et 3 de haut, briques face cachee, et on assemble pour former un carre. Le gagnant precedent jette les deux des, puis compte a partir de lui et vers la gauche autant de joueurs que la somme des des. Cela indique dans quel pan du mur il va commencer a piocher. Si il tombe sur son propre mur (5 ou 9), il prend le mur en face, pour eviter toute tricherie. Sur ce mur la, si le plus petit des des est 3, il prend a partir de la troisieme brique en partant de la gauche. A chaque fois, il prend 4 briques d'un seul coup, sur un carre 2*2, ou les deux restant en bas et les deux suivantes (voir la video, ce sera plus clair...). Le joueur suivant fait la meme chose, et ainsi de suite. On fait ca trois fois chacun pour arriver a 12 briques. Puis, le 1e joueur prend la 1e et la 3e brique au sommet du mur (toujours dans le meme sens), on dit qu'il saute, et arrive a 14 briques. Les joueurs suivants ne prennent qu'une brique chacun, la plus a gauche possible. La partie commence lorsque le 1e joueur jette une brique, et tout se poursuit normalement.
Si quelqu'un a fait un carre et pioche ensuite une brique ailleurs qu'a l'entame habituelle, on n'en tient pas compte pour la suite, on continue juste a piocher la brique la plus a gauche.
Le bruit des briques s'entrechoquant lorsque l'on melange avant de commencer une nouvelle partie est l'un des bruits les plus caracterisitiques en Chine, on l'entend partout dans la rue lors des retrouvailles familiales. Il ne reste plus qu'a s'y mettre !
Voila maintenant la partie la plus importante des explications, la mise en pratique, sous la forme d'une authentique video d'une authentique partie de l'authentique jeu chinois du Mah-Jong... avec pour acteurs principaux des parents eloignes de Lina, dans son village natal.