Flavienne Lubac, coordinatrice générale de la mission de Médecins du monde à Mayotte indique que les principales victimes de cette situation sont les personnes les plus précaires.
"On peut citer les difficultés qu'il peut y avoir au niveau de l'affiliation à la sécurité sociale, que ce soit pour une partie des Mahorais qui n'arrivent pas à rassembler tous les documents nécessaires, des étrangers en situation régulière qui sont obligés de faire de multiples démarches mais également les personnes en situation irrégulière dans la mesure où il n'existe pas d'aide médicale d’État qui permet en France métropolitaine l'accès aux soins des pauvres, explique-t-elle, en insistant sur les obstacles d'accès aux soins pour les mineurs plus spécifiquement malgré le dispositif des "bons roses" mis en place à Mayotte. "De nombreuses familles vivant dans la précarité (76%) méconnaissent les "bons roses", outil créé localement en 2009 suite au rapport de la Défenseure des enfants, pour permettre de limiter l'obstacle économique lié au coût des actes médicaux (dispense d'avance de frais et donc gratuité pour les consultations des mineurs)... De plus, ce dispositif est appliqué de manière aléatoire au niveau du bureau d'entrée", déplore Flavienne LUBAC avant de suggérer qu'un dispositif réglementaire garantirait un accès aux soins des mineurs en évitant une interprétation subjective.
Pour l'antenne de Mayotte des Médecins du Monde, un obstacle majeur à l'accès aux soins est lié à la peur de se déplacer pour des personnes qui n'ont pas de titres de séjour.
"Cette peur retarde l'accès aux soins des enfants ayant des pathologies qui sont prises en charge plus tardivement et donc aggravées... La logique sécuritaire (26.405 expulsions à Mayotte en 2010, 221.762 en 2011) va à l'encontre d'une logique de santé publique. Il faut faire attention aux conséquences sanitaires, sociales, humaines.... L'angoisse et le stress permanents sont facteurs d'une mauvaise santé mentale des mères mais aussi des enfants avec des répercussions directes sur leur état de santé physique", souligne-t-elle.
La lenteur dans le traitement par la préfecture de Mayotte des demandes de régularisation des personnes qui peuvent bénéficier des titres de séjour et de régularisation pour raison médicale représente également un obstacle important dans l'accès aux soins, selon Médecins du monde.
"Il y a des cas d'enfants français dont les parents n'ont pas de titre de séjour, du coup ces enfants ne peuvent pas être affiliés à la sécurité sociale et ont donc des difficultés d'accéder aux soins. Il y a aussi des enfants qui sont gravement malades. Les régularisations des demandes des titres de séjour de leurs accompagnants traînent un an voire deux ans. Enfin, on peut citer la situation des enfants dont les parents ont déposé des demandes de régularisation de séjour qui n 'ont toujours pas de réponses. Entretemps, ces parents se sont fait arrêter et sont expulsés, laissant les enfants malades seuls sur le territoire de Mayotte",explique encore Flavienne Lubac.
L'association Médecins du monde redoute la remise en question du système solidaire français de santé qui frappe toute la France métropolitaine et concerne aussi Mayotte. Elle réclame l'application dans cette île de l'aide médicale d’État (l'AME).
Présente à Mayotte depuis 2007, l'association a ouvert en décembre 2009 à Majicavo Koropa, dans un quartier précaire au nord, un centre de santé où se déroulent des consultations médicales pédiatriques ainsi que des consultations sociales. A partir du printemps 2010, des cliniques mobiles auprès des mineurs ont été organisées ponctuellement sur différents secteurs de l'île. De l'ouverture du centre à fin 2011, ... 10.530 consultations médicales ont été dispensées auprès de près de 3900 enfants.
Parmi les constats établis durant 2 années de présence à Majicavo et en cliniques mobiles, Jean François Corty, directeur des missions France à Médecins du monde souligne une prévalence élevée des problèmes cutanés.
"Des enfants sont atteints d'affections dermatologiques et gastriques liées à des conditions d'hygiène difficiles dues au manque d'eau propre. Il est impératif de favoriser l'accès à l'eau potable pour tous et de régler de manière globale les problèmes d'insalubrité". Jean François Corty qui prône également la promotion des soins de santé primaires. "C'est fondamental pour les enjeux de santé publique parce que ça va éviter les épidémies et l'apparition des maladies chroniques lourdes ou avec des complications dramatiques nécessitant des prises en charge secondaires d'un impact financier important. Les soins de santé primaires incluent notamment de l'information, de l'éducation, de la sensibilisation sur les mesures de prévention contre les maladies. Celles-ci incluent notamment le suivi des vaccinations (contre la rougeole, la diphtérie, le tétanos, la polio, etc..)", précise-t-il.