Un seul être vous manque et cette fois, tout est dépeuplé... La disparition
le 12 mars 2008 de Lazare Ponticelli laisse intacte en moi la colère que j'éprouve à
l'égard de cette boucherie infâme que fut la guerre de 14. Contre ceux
qui l'ont provoquée. Contre ceux qui en ont profité avant, pendant et
après. Contre ceux qui l'ont nourrie, en bourrant le crâne de leurs
contemporains. Nationalistes de tout poil, va-t-en guerre par procuration, politiciens véreux,
marchands d'armes cyniques, brutes galonnées, un florilège complet de
la bêtise humaine. Et ces généraux incompétents, laissant derrière eux,
comme qui rigole, 300 000 morts en 3 mois à Verdun, 200 000 autres au
chemin des Dames en 2 mois. Matant sans pitié les mutineries de 1917.
Continuant à attaquer et à faire tuer des gens pendant qu'ils
négociaient l'armistice...
Le résultat ? Des haines inexpiables et une génération entière
de jeunes hommes laissés sur le carreau. L'écrivain Maurice Genevoix racontait jadis sa
solitude et son abandon, en constatant que tous les camarades de sa génération autour de
lui étaient morts à la Guerre. On comprend l'exode rural quand on voit,
dans le moindre bled paumé, cette litanie de noms gravés sur les
monuments aux morts. Sans parler des gueules cassées qui ont longtemps
fait partie du paysage. Seuls quelques monuments aux morts s'insurgent encore contre cette calamité. Celui de
Sainte-Appolinaire, sur lequel est gravé la phrase de Paul Valéry: « La guerre est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui, eux, se connaissent mais ne se massacrent pas ». Celui de Gentioux, où un enfant ponctue du poing la phrase « Maudite soit la guerre ». Les autres sont d'un conformisme affligeant.
Et pour ceux qui, pieusement, sont morts pour la patrie, quoi ? Des obsèques nationales ? Une messe aux
Invalides ? Ne les écoute pas, Lazare. Laisse les morts enterrer les
morts. Pour eux, pour tes copains, lève-toi et marche !