Si la fonction copier/coller était disponible en 3 temps: copier /vérifier/coller on lirait beaucoup moins d'invraisemblances.
Le texte actuel de "pois" Wikipedia dit : "c'est le 18 janvier 1660 que le sieur Audiger .., présenta à la cour du roi Louis XIV, des pois verts en gousse rapportés d'Italie. Ils furent écossés et préparés à la française … ce fut le départ d'une mode qui fit fureur à la Cour, flattée par la précocité du produit…", information qui figure aussi dans des ouvrages sérieux comme celui de M-P Arvy et F Gallouin (qui datent l'anecdote du 16 janvier et qui ajoutent qu'ils y étaient mangés sucrés en dessert - également faux), dans le Bottin gourmand etc.
Audiger a inventé cette histoire à dormir debout pour justifier son permis de distiller : il aurait quitté Rome début janvier 1660, aurait fait emballer par des paysans des très beaux pois en cosse qu'il avait vu dans les champs en approchant de Gênes. Il arrive à Paris le 16 janvier, les présente au roi le 18, écossés immédiatement ils sont aussi frais que si on fut venu de les cueillir.
Il est impossible de récolter début janvier en plein champ des petits pois au nord de Rome. Le pois d'hiver est une invention du XXIeme siècle, par transfert d'une spécificité génétique propre aux pois fourrager.
Eugène Glady (1870), parle de la culture des pois Michaux, variété la plus hâtive et résistante au froid cultivée en France au XVIIeme (d'origine hollandaise)
Ils sont récoltés – à Bordeaux – à partir du 15 avril... Pour hâter la récolte on les semait protégés par un mur, face au sud et on les taillait
Des récoltes d'hiver à Naples sont signalées sous réserve d'hiver exceptionnel chaud, ils sont alors vendus très cher.
La culture sous bâche chaude inventée en Hollande est postérieure à 1660. La culture sous châssis de même.
A Paris, il faut attendre les moyens de transports du XXéme siècle pour trouver des petits pois primeurs d'Afrique du Nord en janvier 1938, probablement cultivés sous serre. Bien que jardinant largement au sud de Naples, à la latitude de l'Afrique du Nord, je n'ai jamais récolté de petits pois de plein champs semés en automne avant fin février.
Louis XIV mangeait ses pois nouveaux forcés en mai, soit en soupe, soit en ragoût nous dit son médecin - s'en rendait régulièrement malade car ils ne sont pas spécialement digestes.
Ce qui était hâtif pour lui était les pois d'avril. La fameuse lettre de Mme de Maintenon (et non de Sévigné comme on lit partout) au Cardinal de Noailles
"le chapitre des pois dure toujours…" est datée du 16 mai 1696, ce qui montre que les pois hâtifs sont tard dans la saison.
L'expression "à la française" est spécialement imprécise. C'est une innovation de l'Empire
qui apparaît en même temps que "petits pois à l'anglaise" (tout aussi injustifiée) en 1808.
Elle n'est pas chez Carème bien que proche des pois à la Rambouillet
ni chez Grimod (qui connaît les pois à l'anglaise) bien que proche de ses petits pois à la parisienne.
Au début du XIXeme siècle Odette Bussard met des cœurs de laitue dans ses petits pois à la française, sa recette ne diffère des pois à la demi bourgeoise que par l'absence de liaison au jaune d'œuf.
Les anglais (grands spécialistes et amateurs du petit pois) définissent ainsi les petits pois à la française "Tiny peas cooked with butter, finely minced onion and lettuce".
Selon Maguelonne Toussaint-Samat (A History of Food) la méthode anglaise traditionnelle est de les assaisonner uniquement avec de la menthe. Elle rapporte une lettre d'Olivier Goldsmith qui considère la méthode française – oignon, laitue – comme toxique, pratiquement non comestible. Ce qui est défendable, car la menthe (en fin de cuisson et non dans l'eau de cuisson) aide à la digestion des pois et agrémente leur côté doucereux. Les anglais considèrent également que le petit pois doit être bien verts, la cuisson à la française les décolorent en vert-gris, suspects.
Pour les français les petits pois à l'anglaise sont des pois cuits à découvert dans l'eau bouillante salée puis liés au beurre, alors que les pois à la française sont cuit à l'étouffé avec très peu d'eau.
La cuisson à l'étouffé ne s'applique qu'aux petits pois verts jeunes, car elle doit être brève, la cuisson à l'eau bouillante convient bien aux pois mûrs. Les pois nouveaux sont fondants et sucrés, ils aiment le beurre et sont spécialement délicats.
Marie-Claire s'étonne de voir sur la table des gros petits pois, en effet ça n'est que depuis 1970 et la généralisation du pois en conserve qu'on associe petits pois tendres à petit calibre "extra-fin". Ceux qui font encore de la récolte manuelle savent que les petits pois les plus fondants sont les pois ridés hâtifs récoltés dans des cosses bien vertes et surtout pas trop fins car ils ne tiennent pas à la cuisson. Ce fondant se perd rapidement avec les pois rond et les premières chaleurs.
Pas de lard dans les pois à l'étouffé.
Le persil est souvent utilisé dans la cuisson, il faut éviter les condiments forts comme le thym ou la sarriette qui sera réservé aux fèves.
L'oignon blanc (uniquement le petit blanc, pas de jaune) nouveau apporte une douceur nacrée, il est indispensable de le cuire longuement avec un peu d'eau et de beurre, à petit feu, avant de mettre les petits pois, l'oignon doit être bien cuit, discret.
Le sucre – comme le sel – sont usuels en petite quantité. Il est préférable de remplacer le sucre raffiné par 5 cm de racine de réglisse sèche écrasée.
La laitue apporte une amertume agréable. Les blancs de poireau finement coupés et quelques feuilles de blettes à couper ciselées, les ciboules blanches en julienne donnent tous un bon résultat.
Ces pois à l'étouffé exigent enfin une cocotte à bonne inertie thermique, qui ferme bien, un feu très doux, (la cuisson dure 10 minutes au plus) et des pois jeunes, récoltés à l'ombre et dans l'heure qui précède écossage et cuisson.
Sous ces réserves les pois à l'étouffé sont de pures merveilles, ce que reconnaissent certain(e)s anglais(es).